La Chine est sans doute l’une des premières nations dans le monde où la surveillance de masse est bien enracinée dans les activités de l’État. Ce lundi, IPVM, une autorité mondiale en matière de vidéosurveillance, a rapporté que la police chinoise utilise désormais une caméra basée sur l'IA et des analyses raciales pour suivre les Ouïghours et les distinguer de la majorité Han. La caméra, DS-2CD7A2XYZ-JM/RX, est commercialisée par la société chinoise Hikvision sur son site Web. Selon IPVM, c’est une caméra basée sur l'IA qui identifie automatiquement les Ouïghours.
IPVM est une autorité mondiale en matière de vidéosurveillance, fournissant des rapports, des recherches et des résultats de test. Elle fournit également des informations sur la vidéosurveillance dans le monde. Cette semaine, IPVM a rapporté que la police chinoise utilise désormais une caméra basée sur l'IA et des analyses raciales pour suivre les Ouïghours et les distinguer de la majorité Han. Cette information survient pendant que les manifestations continuent de faire rage dans la province autonome de Hong Kong depuis cinq mois environ.
La caméra est identifiée sous le nom de DS-2CD7A2XYZ-JM/RX et est commercialisée par Hikvision, une entreprise chinoise spécialisée dans la conception et la fabrication de matériel de vidéosurveillances. Elle a été fondée en 2001. Elle est en partie détenue à 39,59 % par China Electronics Technology Group, une entreprise chinoise publique. Sur son site Web, Hikvision a précisé dans les caractéristiques de la caméra qu’elle prend en charge la reconnaissance ouïghoure. Hikvision aurait supprimé la page du produit dans un premier temps après l’article d’IPVM.
En effet, les Ouïghours ne sont pas d'origine ethnique chinoise, mais vivent dans la région dite autonome du Xinjiang en Chine. Le nom de la région suggère que les Ouïghours jouissent de l'autonomie. Mais tout comme le Tibet, le Xinjiang est une région de Chine étroitement contrôlée. Après le récent conflit du Xinjiang, Pékin a transformé le groupe ethnique ouïghour en un collectif terroriste. Cela a permis à Pékin de justifier sa transformation du Xinjiang en un État sous surveillance. L'islamophobie a également connu une hausse marquée dans toute la Chine.
D’un autre côté, les Han constituent le groupe ethnique le plus important de la République Populaire de Chine (RPC), représentant plus de 90 % de la population du pays, c'est-à-dire ce que la plupart des étrangers appellent le “peuple chinois”. Selon IPVM, en avril 2019, Hikvision était bien conscient des questions de droits de l'homme entourant le Xinjiang, et ce même mois, ils auraient révélé dans l’un de leurs rapports qu'ils avaient « récemment commandé un examen interne » sur la question. IPVM estime que cette analyse de Hikvision a classé seulement les groupes ethniques les plus importants et les plus persécutés.
Selon IPVM, Hikvision a rapidement supprimé la page du produit après que l’autorité se soit renseignée à son sujet, mais la page semble être disponible de nouveau. « Capable d'analyser le sexe (homme, femme), l'origine ethnique (comme les Ouïghours, Han) et la couleur de la peau (comme le blanc, le jaune ou le noir) du personnel cible, si la personne porte des lunettes, des masques, des casquettes ou une barbe, avec un taux de précision non inférieur à 90% », a indiqué Hikvision dans la description du produit sur son site Web.
Cette forme de surveillance par caméra vient s’ajouter à une autre rapportée par le New York Times (NYT) en avril dernier. Selon un rapport du NYT en avril, la police chinoise utilise l'analyse raciale pour traquer les Ouïghours et les distinguer de la majorité Han. « La technologie de reconnaissance faciale, qui est intégrée aux réseaux de caméras de surveillance en pleine expansion de la Chine, recherche exclusivement les Ouïghours en fonction de leur apparence et consigne leurs allées et venues pour recherche et examen », avait indiqué le journal.
Le New York Times a qualifié cela de « nouvelle ère de racisme automatisé ». IPVM n'a pas trouvé d'autres modèles de caméras vendus par Hikvision ou par d'autres fabricants chinois qui citent explicitement la reconnaissance ouïghoure. Toutefois, IPVM a indiqué qu’étant donné la rapidité avec laquelle Hikvision a couvert ce problème et la sensibilité de cette question, il ne serait pas étonnant que les fabricants s’autocensurent, même sur le Web chinois. IPVM estime aussi que ce n’est pas première fois que Hikvision couvre l'analyse des minorités.
De même, c’est la deuxième fois dans l’année où une caméra dotée de grandes capacités de reconnaissance arrive en Chine. En septembre, la Chine a déjà dévoilé une caméra de 500 mégapixels dotée d'IA capable d'identifier un seul visage parmi des dizaines de milliers de personnes, faisant craindre une répression accrue des libertés civiles. La nouvelle technologie, qui peut être intégrée avec la reconnaissance faciale ainsi que la surveillance en temps réel, a été dévoilée lors de la foire industrielle internationale de la Chine en septembre.
Ainsi, pendant les rassemblements incluant de très nombreuses personnes, les visages des individus pourraient être facilement identifiés. Il peut par exemple s’agir d’événements sportifs se produisant dans des stades, mais le dispositif pourrait trouver des applications du côté de l’armée. Il est notamment question de l’intégrer dans un programme de défense à l’échelle du pays. Avant cela, en février, une fuite de données a révélé que la Chine suit près de 2,6 millions de personnes dans Xinjiang, avec 6,7 millions de données GPS collectées en 24h.
« Le profilement racial par l'intelligence artificielle l'intelligence artificielle pour l'extermination culturelle est la nouvelle horreur que nous apporte la haute technologie “Made in China”. Par son rôle clé dans l'édification de l'État chinois de technosurveillance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans la région d’Ouïghour, Hikvision est directement complice d'un crime aux dimensions historiques : L'internement massif et la torture des Ouïghours, ainsi qu'un nouveau réseau d'usines permanentes de travail forcé », a déclaré Louisa Greve, directrice de la communication du Uyghur Human Rights Project, à IPVM.
Maya Wang, chercheuse principale de Human Rights Watch sur la Chine, a déclaré que les analyses ouïghoures ne sont pas « autorisées dans une perspective internationale des droits humains », en particulier en RPC. « Ce n'est pas seulement du profilage racial ou des préjugés, c'est beaucoup plus fort que ça. C'est le ciblage spécifique d'un groupe de personnes utilisant une technologie automatisée dans le but de les persécuter », a-t-elle expliqué.
La SIA (Security Industry Association), association professionnelle américaine créée en 1969 et représentant les fournisseurs de solutions de sécurité électronique et physique qui compte environ 900 entreprises et organisations du secteur de la sécurité, n'a pas répondu à une demande de commentaire venant d’IPVM au sujet d'un de ses membres qui présentait ouvertement des analyses ouïghoures. Selon IPVM, Hikvision a déjà été sanctionné le mois passé par la SIA pour violations des droits de l'homme et abus contre les Ouïghours.
Une autre entreprise membre de la SIA, Aventura Technologies, a aussi été accusée, mais n’a pas été condamnée, dans la semaine dernière par l’organisme. La SIA a déclaré qu'elle examinait le statut de membre d'Aventura et même à supprimer le profil des membres d'Aventura de son site Web. De son côté, Hikvision a refusé d’apporter des commentaires au sujet de la commercialisation d'une caméra avec l'analyse ouïghoure. Cela dit, selon IPVM, Hikvision et ses partisans ont insisté sur le fait que l'entreprise n'est qu'un simple “fournisseur de produits” qui ne peut pas contrôler comment ses caméras sont utilisées ni où elles se retrouvent.
Sources : IPVM, Description de la caméra d’Hikvision
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Le , par Bill Fassinou
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