Après la publication du rapport de Cédric Villani en mars 2018, Emmanuel Macron a levé le voile sur sa stratégie pour faire de la France l'un des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle. Il s'est inspiré, sinon a validé les grandes idées proposées par le député LREM, à quelques changements près. Le président français s’est montré en effet plus réaliste que le mathématicien Cédric Villani et a exclut l'idée de doubler les salaires des talents de l'IA. L'augmentation des salaires en début de carrière dans l'IA, pour Cédric Villani, était pourtant un « minimum indispensable » pour endiguer la fuite des cerveaux. Mais Macron a plutôt préféré s'inspirer d'autres propositions faites par le député.
Pour la circonstance, Emmanuel Macron a profité pour annoncer le déblocage d'une enveloppe de 1,5 milliard d'euros jusqu'en 2022 pour soutenir le développement et la recherche en IA en France. Dans ce fonds, un montant de 400 millions d’euros sera utilisé pour des « appels à projets et de défis d’innovation de rupture », a-t-il annoncé lors de son allocution au Collège de France. Ainsi, ces fonds seront issus de redéploiements budgétaires, de fonds publics existants et du nouveau fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros, censés produire 260 millions d’euros de ressources publiques par an.
Une enveloppe de 100 millions d’euros et de 70 millions d’euros les années suivantes sera consacrée à l’amorçage de start-up dans l’intelligence artificielle et la deep tech. Emmanuel Macron compte aussi « augmenter la porosité entre la recherche publique et le monde industriel ». Les chercheurs français pourront à terme consacrer 50 % de leur temps à un groupe privé. Les choses semblent avoir été revues depuis cette allocution. Dans une apparition cette semaine, le ministre français de l’Économie a présenté un autre plan pour la subvention au développement de l’intelligence artificielle, tout en restant très clair sur les premiers secteurs auxquels les recherches seront consacrées.
Bruno Le Maire
Environ un an après l’annonce du président, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, a étalé sur la table cette semaine le plan pour le décaissement des 1,5 milliard d’euros de subvention pour accroître les progrès de l’IA en France. Selon les propos du ministre, sur les 1,5 milliard d'euros promis d'ici 2022 dans le développement de l'intelligence artificielle en France, 650 millions seront réservés à la recherche et 800 millions aux premiers projets, notamment dans la santé, la cybersécurité et la certification des algorithmes. Les contours du plan et les principaux objectifs que vise cette subvention sont désormais très clairs.
Avec l’aide de cette subvention, il s’agira de développer l'écosystème des startups spécialisées dans les solutions d'intelligence artificielle ; infuser l'IA dans tous les secteurs, y compris dans les PME avec le soutien des grands groupes et attirer des investissements étrangers en France. Le quatrième objectif clé de la vision française rejoint celui pour lequel, même les cadors américains de l’IA semblent ne pas avoir trouvé la solution à ce jour. De quoi parle-t-on ? « Une IA éthique ». Celle-là qui respecte la vie privée des personnes et qui se montre totalement transparente. En gros, la France a également pour ambition de construire une « IA, version française, qui sera à la fois éthique et transparente ». Pour ce faire, les entreprises locales seront les plus sollicitées.
Par la suite, Bruno Le Maire a signé mercredi un manifeste avec huit grands acteurs du secteur à savoir Air Liquide, Dassault Aviation, EDF, Renault, Safran, Thales, Total et Valeo, pour permettre d'avancer sur la question cruciale du partage de données, en plus de bénéficier de meilleurs jeux de données pour créer de nouveaux services. « D’ici la fin 2019, nous allons consolider la vision commune des diagnostics, des enjeux, la liste des priorités, et nous allons partager cette vision avec les décideurs politiques », a expliqué Marko Erman, chargé de l'innovation technique chez Thales. En plus de cela, Bruno Le Maire a également annoncé le lancement de « challenges IA », dotés de 5 millions d'euros, pour pousser les grands groupes à entraîner des PME dans le mouvement.
Orange, Ubisoft, Schlumberger, STMicroelectronics, ainsi que des universités comme la Sorbonne et Paris-Saclay participent eux aussi au groupe de travail qui doit définir un plan d'action avant la fin de l'année. Bruno Le Maire a reconnu qu’il existe un écart considérable en matière de technologie entre la France, principalement l’UE, et ses concurrents. Par ailleurs, pour s’assurer du succès de cette révolution, le ministre ne s’est pas empêché de demander aux autres pays de l’Union de s’allier autour de la France pour former un bloc technologique solide. Il a précisé qu'en 2017 seulement, « l'Amérique du Nord a investi 23 milliards d'euros dans l'IA et l'Asie 12 milliards. Pendant ce temps, l'Europe tout entière n’a investi que 4 milliards d’euros ».
Ses propos laissent paraître le fait qu’il sera sans doute difficile de rattraper ce retard, mais en s’appuyant sur une IA éthique, les pays de l’Europe ont la chance de marquer la différence et d’apporter de la nouveauté. Dans ce sens, la France ou plus encore l’Union européenne pourrait être la première à proposer une IA éthique, respectueuse des données personnelles des utilisateurs et transparente. Le ministre souhaite également que la France dispose, d’ici la fin de l’année, d’un cloud souverain, afin d’y stocker ses informations les plus stratégiques.
Source : La Tribune
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