Le tribunal populaire du district de Shenzhen Nanshan a déclaré que le défendeur, Shanghai Yingxun Technology Company, avait enfreint le droit d'auteur de Tencent et devait engager sa responsabilité civile. Étant donné que le défendeur avait retiré les travaux contrefaits, Shanghai Yingxun Technology Company a été condamnée à payer 1500 yuans (195 €) à Tencent pour pertes économiques et protection des droits.
Dreamwriter est un programme automatisé de rédaction d'articles qui s'appuie basé sur des données et des algorithmes développés par Tencent en 2015. Le 20 août 2018, Dreamwriter a rédigé un rapport financier comprenant l'indice de Shanghai du jour, les devises et les flux de capitaux. Publié sur le site Web de Tencent Securities, le billet portait la mention « l'article a été automatiquement rédigé par Tencent Robot Dreamwriter ».
Shanghai Yingxun Technology Company a ensuite copié l'article sur son propre site Web.
Le tribunal a déclaré que la forme d'expression de l'article était conforme aux exigences du travail écrit et que le contenu montrait la sélection, l'analyse et le jugement des informations et données pertinentes sur le marché boursier. Il a estimé que la structure de l'article était raisonnable, la logique était claire et qu'il avait une certaine originalité. Le tribunal n'a pas précisé si la société de Shanghai était dans la mesure de faire appel.
Une question qui revient de plus en plus
L'intelligence artificielle a déjà été utilisée pour générer des œuvres traditionnellement créatives telles que la musique (au terme du troisième trimestre de l’année 2016, la première chanson composée par une intelligence artificielle est parue). Cependant, la question de savoir si ces œuvres doivent être protégées par le droit d'auteur divise les législateurs.
USA et Australie
Derrière l’IA baptisée Flow Machines : le Sony Computer Science Laboratory de Paris. Dans le contexte de l’actuelle loi américaine sur le droit d’auteur, Sony peut requérir protection du droit d’auteur sur Flow Machines. C’est le cas du produit de l’IA qui est ambigu puisque, de façon traditionnelle, seul le produit du travail des Hommes peut faire l’objet de protection sur l’axe du droit d’auteur. D’ailleurs, les dispositions actuelles de la loi française sur le droit d’auteur suggèrent qu’elles ne s’écartent pas de celles de la loi américaine.
Ainsi, une question centrale émerge : l'entreprise qui met au point une intelligence artificielle devrait-elle être propriétaire du produit de cette dernière ? Dans le cadre de la mise sur pied de Flow Machines par exemple, l’IA est passée par le processus d’apprentissage mené par des chercheurs. Ces derniers ont constitué une base de données de 13 000 compositions retraçant les principales caractéristiques d’une musique (harmonie, mélodie, etc.). L’intelligence artificielle s’est ensuite chargée de les analyser et de les assimiler. Il y a implication de l’humain et c’est l’un des aspects pour lesquels l’USPTO est d’avis que l’on pourrait répondre à la question posée par l’affirmative. Toutefois, il y a la question connexe du « degré d’implication de l’Homme » qui fait surface et qui, d’après le Bureau américain des brevets est déterminante pour une réponse par l’affirmative.
Dans le cadre de la mise sur pied d’une intelligence artificielle comme Flow Machines, il faut s’interroger sur la provenance des données dont on use pour le processus d’entraînement, notamment, sur les questions de droit d’auteur relatives à ces dernières. En effet, comment trancher sur la propriété du produit d’une intelligence artificielle lorsqu’on a usé de données sous copyright ?
Selon un article publié par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle en 2017, la jurisprudence américaine précise que la loi sur le droit d'auteur ne protège que les fruits d'un travail intellectuel fondé sur les pouvoirs créatifs de l'esprit. En outre, un tribunal australien a également déclaré dans une affaire en 2012 qu'une œuvre générée avec l'intervention d'un ordinateur ne pouvait pas être protégée par le droit d'auteur.
« Selon notre loi sur le droit d'auteur ainsi que certaines conventions internationales, la définition d'une œuvre souligne d'abord que la création est originale, reproductible et produite sur la base de l'activité intellectuelle humaine. L'intelligence humaine est donc le cœur et la prémisse », a déclaré Wang Guohua, un avocat au cabinet d'avocats Zhongwen basé à Pékin. Il a noté que si le contenu était produit par des machines après que des personnes aient tapé certains mots clés, alors les machines devraient être l'auteur plutôt que l'intelligence humaine et le contenu ne devrait pas être protégé au sens de la loi sur le droit d'auteur.
« Puisque les machines peuvent être utilisées par n'importe qui et générer le même contenu sous les mêmes mots-clés, nous devons réfléchir à ce que la loi sur le droit d'auteur protège exactement l'activité intellectuelle de choisir des mots-clés ou une œuvre vraiment créée par l'intelligence humaine », a-t-il ajouté.
Europe
Au regard de la loi européenne en vigueur, les règles actuelles dictent que des êtres humains doivent être nommés comme inventeurs derrière une demande de brevet afin d'empêcher que la pleine propriété intellectuelle des entreprises ne devienne une pratique reconnue pour les idées. L’idée d'une forme de propriété détenue par une IA s'est heurtée à cette position traditionnelle.
Une IA nommée DABUS, a été créée par Stephen Thaler, directeur général de Imagination Engines. Elle est décrite comme une « intelligence artificielle connexionniste », c’est-à-dire « qu'elle repose sur un système de plusieurs réseaux neuronaux capable de générer des idées en modifiant leurs interconnexions. Un second système de réseaux neuronaux analyse les conséquences critiques de ces idées et les renforce au regard des prédictions ».
Ces idées générées par l'IA on fait l'objet de demandes de brevets qui ont été soumises en août dernier au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Europe par l'équipe du projet Inventeurs Artificiels, dirigée par le professeur Ryan Abbott de l'Université du Surrey, au Royaume-Uni.
Il s'agit précisément de deux brevets :
- le numéro EP 18 275 163 porte sur un type de récipient pour boissons basé sur la géométrie fractale ;
- le numéro EP 18 275 174 se focalise sur un dispositif embarquant une lumière vacillante pour attirer l’attention pendant des opérations de recherche et de sauvetage.
L'équipe du projet Inventeurs Artificiels soutient que :
« Dans le cas de ces inventions, la machine n'a été entraînée que dans la connaissance générale de ces champs et a procédé indépendamment à la conception de l'invention afin de l'identifier comme nouvelle et pertinente. Si un entraînement similaire était donné à un étudiant, c'est ledit étudiant et non celui qui l'a enseigné qui aurait eu la possibilité de bénéficier de la paternité de l'invention.
« Dans certains cas des inventions de la machine, une personne physique pourrait en prendre le crédit parce qu'elle a démontré de ces capacités dans la création d'un programme qui résout un problème particulier, dans la sélection méticuleuse des données à fournir à la machine ou dans l'identification des résultats apportés par la machine qui pourrait être vus comme des inventions. Toutefois, dans le cas d'espèce, DABUS n'a pas été créé pour résoudre un problème particulier, il n'a pas été entraîné avec des données spéciales appropriées aux inventions actuelles et la machine, au lieu d'une personne, a identifié la nouveauté et la pertinence des inventions actuelles ».
Et d'estimer que « les conclusions de machines autonomes inventives devraient être brevetables si elles sont conformes aux conditions requises par la loi. La raison première des lois sur les brevets est d'inciter à l'innovation, en plus d'inciter à la divulgation d'informations, à la commercialisation et au développement des inventions. Permettre aux machines de détenir des brevets incite au développement de machines inventives, ce qui contribue à l'innovation. Dans la mesure où les brevets incitent à la commercialisation et à la divulgation d'informations, il n'y a pas de changement à cette fonction qu'il s'agisse d'un humain ou d'une machine génératrice d'invention. Refuser d'accorder des brevets aux machines inventives pour leurs conclusions représente une menace pour le système de brevets puisqu'il ne va plus encourager à la production d'inventions avec des valeurs sociales. Ceci sera particulièrement important tandis que les intelligences artificielles deviennent de plus en plus sophistiquées et seront probablement le standard de futurs R&D industriels ».
Et pour ceux qui estiment que l'invention d'une machine autonome devrait être attribuée au créateur de la machine, l'équipe précise que, dans le cas d'espèce, le créateur ne peut pas s'octroyer du crédit pour les inventions de la machine dans la mesure où il n'a pas contribué aux résultats apportés par la machine : « DABUS a effectué ce qui est traditionnellement connu comme étant la partie intellectuelle de l'acte d'invention. Sur la base de ses inventions, une personne douée pourrait la faire passer de théorie à pratique. S'approprier à tort le bénéfice de cette invention pourrait lui faire risquer des peines criminelles ».
Néanmoins, dans une décision qui pourrait faire jurisprudence, l'Office européen des brevets a indiqué « qu'après avoir entendu les arguments du demandeur dans une procédure orale non publique le 25 novembre, l'OEB a refusé les brevets EP 18 275 163 et EP 18 275 174 au motif qu'ils ne satisfont pas à l'exigence de la Convention sur les brevets selon laquelle un inventeur désigné dans la demande doit être un être humain et non une machine », précisant qu'une décision motivée pourrait être rendue dans le courant du mois de janvier.
Source : China News Service
Et vous ?
Que pensez-vous de cette décision ?
;fleche: Peut-on réellement parler d’œuvres créées par une IA ? Dans quelle mesure ?
L'IA devrait-elle pouvoir disposer de protection de droit d'auteur ? Pourquoi ?
Sinon qui devrait en bénéficier ?
Voir aussi :
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