La Chine l’a fait savoir depuis 2017 : elle entend devenir leader mondial de l’intelligence artificielle. Vladimir Poutine a pour sa part procédé à l’approbation d’un projet visant à éviter à son pays d’être distancé par d’autres dans cette course dont le vainqueur sera le maître du monde. Qui de la Chine, l’UE, la Russie ou les USA est en passe de gagner ? Un nouveau rapport du groupe de réflexion américain Center for Data Innovation fait le point.
Les chercheurs dudit groupe de réflexion proposent une mise à jour d’un rapport similaire qui a fait l’objet de publication en 2019. La nouvelle mouture liste des données de trois régions (Chine, UE, USA) sur six volets liés à l’intelligence artificielle : les talents, la recherche, le développement, le matériel, l'adoption et les données. Le rapport compile des informations sur plusieurs axes : les montants totaux d'argent versés aux entreprises spécialisées dans l'intelligence artificielle, le nombre de superordinateurs que chaque pays peut revendiquer dans la liste des 500 premiers, la proportion de chercheurs en intelligence artificielle par rapport à la population totale, etc.
Sur le premier axe, les USA sont le pays où les entreprises de la filière reçoivent le plus de financements : un peu plus de 14 milliards issus de fonds de capital-risque et de sociétés de capital-investissement au terme de l’année 2019. La Chine suit avec près de 6 milliards, soit près du double dans le cas de l’Union européenne sur la même année. La sortie annoncée du Royaume-Uni de l’UE dans le cadre du Brexit devrait être à l’origine d’une baisse des investissements sur le Vieux Continent, d’après le rapport. Le Royaume-Uni à lui seul pèse pour 57 % des investissements dans la filière.
Sur la dernière décennie, la Chine a réussi la prouesse d’augmenter vu le nombre de superordinateurs qu’elle classe dans le Top 500 de façon importante. De 2012 à 2020, elle est passée de 68 superordinateurs (contre 252 pour les USA) dans ce classement à 214. C’est à peu près le double de ce que réalisent les USA à date. Il ne lui a fallu qu’un peu plus de deux ans pour y arriver. De plus en plus de chercheurs considèrent la puissance de calcul comme critique pour le développement des systèmes d’intelligence artificielle, d’où sa prise en compte dans ce classement des puissances mondiales de l’intelligence artificielle.
Les États-Unis gardent néanmoins la main sur des aspects plus profonds en lien avec le hardware nécessaire pour faire tourner les systèmes d’intelligence artificielle. Sur les 15 premières entreprises (pour ce qui est des ventes) de la filière semi-conducteurs au monde, huit ont leur base aux USA : Intel, Micron, Qualcomm, Broadcom, Nvidia, Texas Instruments, Apple et AMD. L’UE suit uniquement avec Infineon. La Chine n’en possède aucune. Le rapport souligne néanmoins que : « La part des États-Unis dans la capacité mondiale de fabrication de puces est passée de 37 à 12 % entre 1990 et 2020. En outre, la part de marché des États-Unis dans le secteur mondial des semi-conducteurs oscille entre 45 et 50 % depuis plus d'une décennie. Pourtant, une étude réalisée en 2020 par le Boston Consulting Group prévoit que l'initiative "Made in China 2025" de la Chine pourrait réduire la part de marché des États-Unis de 2 à 5 points de pourcentage et que le maintien de restrictions trop larges sur le commerce des semi-conducteurs avec la Chine pourrait diminuer la part de marché des États-Unis de 8 points de pourcentage. »
Les essaims de drones autonomes font partie des travaux sur lesquels sont lancées les armées de divers pays en matière d’applications de l’intelligence artificielle. Chacune d’elles table sur les meilleurs moyens de contrecarrer ce type de flotte. Le chef de la branche de modernisation des armées US explique que, dans des situations où un ennemi mettrait en œuvre une telle artillerie, l'humain ne serait pas à même de résister longtemps en raison de paramètres comme l’importance de son temps de réaction. C’est fort de cette observation qu’il appelle à l'utilisation de systèmes de combat renforcés par de l'Intelligence artificielle (IA). Ils permettraient d'améliorer la reconnaissance et l'identification des cibles et surtout de gagner en réactivité. Autrement dit, l’hyperactivité des champs de bataille du futur forcera l’humain à passer la main à l’intelligence artificielle pour assurer sa propre défense.
Ce positionnement soulève avec acuité les questions d’éthique en lien avec l’utilisation de l’intelligence artificielle. L’ouverture desdits systèmes à plus d’autonomie leur conférerait au final un droit de vie ou de mort sur le champ de bataille. La position de l’UE sur la question est que les robots-tueurs doivent faire l’interdiction. Le Parlement européen a adopté une résolution y relative en 2018. C’est d’ailleurs l’une des raisons que les chercheurs du groupe de réflexion américain Center for Data Innovation mettent en avant pour expliquer le retard de l’UE sur les USA et la Chine : la réglementation en vigueur dans l’espace européen limite la collecte et l’utilisation des données susceptibles de favoriser le développement de l’intelligence artificielle.
Source : Center for Data Innovation
Et vous ?
Les chiffres de ce rapport sont-ils pertinents ? L’absence de mention de la Russie vous semble-t-elle logique ?
L’UE peut-elle encore combler son retard en la matière ?
Voir aussi :
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Le , par Patrick Ruiz
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