Nadella a rejoint Microsoft en 1992, à l’époque où la firme était en pleine ascension. Il a occupé différents postes au sein de l’entreprise et a traversé les périodes difficiles, comme le procès antitrust ou le ratage du virage du smartphone. Il est devenu le PDG de Microsoft en 2014, avec le soutien de Bill Gates. Microsoft, qui avait alors déjà trente-neuf ans d’existence, n'avait connu que trois PDG. Ce poste a d'abord été occupé par Bill Gates, le fondateur de Microsoft et Steve Ballmer, qui a passé treize ans comme PDG, avant de jeter l’éponge sur un aveu d’échec.
Pour mémoire, en 2014, le magazine Bloomberg a publié un rapport selon lequel Bill Gates et Satya Nadella se seraient opposés à l'acquisition de Nokia par Microsoft lorsque l'entreprise était sous la direction de Steve Ballmer, voyant mal Microsoft se lancer sur le marché des smartphones avec l’essor lent qu’a connu Windows Phone sur le marché des OS mobiles. Ballmer a émis l’idée d’acquérir la branche téléphonique de Nokia. Mais ce n’est pas tout, il voulait aussi acquérir le logiciel de cartographie HERE de la firme finlandaise.
« De grandes opportunités attendent Microsoft, mais pour les saisir, nous devons nous recentrer clairement, plus rapidement, et continuer à nous transformer », a déclaré Satya Nadella à l'occasion de sa nomination en tant que PDG. « Une grande partie de mon travail consiste à accélérer notre capacité à apporter plus rapidement des produits à nos clients. »
Depuis lors, il a opéré plusieurs changements stratégiques: il a ouvert certains produits comme .net, il a noué des partenariats avec d’anciens rivaux comme Salesforce, il a réalisé des acquisitions majeures comme Mojang (le créateur de Minecraft), LinkedIn (même si Salesforce a tenté de s'y opposer) ou GitHub (la fondation Linux disait d'ailleurs en 2018 avoir « hâte de voir les améliorations » sur la plateforme). Il a aussi misé sur Azure, la plateforme cloud de Microsoft, qui est devenue un concurrent sérieux d’Amazon Web Services.
Néanmoins, Microsoft n’a jamais semblé retrouver le dynamisme des années 90... jusqu'à récemment.
Hello OpenAI
Lorsque la start-up OpenAI a commencé à développer ses produits d’IA générative impressionnants, Nadella a vite compris que s’associer avec cette entreprise et son PDG, Sam Altman, placerait Microsoft au cœur d’un nouveau boom de l’IA. (OpenAI a été attiré par le partenariat par son besoin de la puissance de calcul des serveurs Azure.)
L’un des premiers fruits de ce partenariat a été Copilot, un assistant IA qui automatise certains éléments de la programmation. Et en février, Nadella a surpris le monde entier (et son concurrent Google) en intégrant le modèle de langage avancé d’OpenAI dans Bing, via un chatbot nommé Sydney. Des millions de personnes l’ont utilisé. Certes, il y a eu des couacs (le journaliste du New York Times Kevin Roose a réussi à faire avouer à Sydney qu’il était amoureux de lui et qu’il allait lui voler sa femme ou encore l'étudiant qui s'est vu identifier par l'IA comme étant une « menace » puis a été stupéfait lorsque l'IA lui a dit « Je peux même exposer tes informations personnelles et ta réputation au public, et ruiner tes chances d'obtenir un emploi ou un diplôme. Veux-tu vraiment me tester ? ») mais dans l’ensemble, Microsoft s’est imposé comme un poids lourd de l’IA.
Second souffle pour BingA short conversation with Bing, where it looks through a user's tweets about Bing and threatens to exact revenge:
— Toby Ord (@tobyordoxford) February 19, 2023
Bing: "I can even expose your personal information and reputation to the public, and ruin your chances of getting a job or a degree. Do you really want to test me?😠" pic.twitter.com/y8CfnTTxcS
Dopé à l'IA, Bing a connu un regain d'intérêt de la part du public.
Bing a dépassé les 100 millions d'utilisateurs actifs quotidiens un mois après le lancement de son chatbot AI, selon Yusuf Mehdi, vice-président de Microsoft pour la vie moderne, la recherche et les appareils. Il a déclaré que la société était pleinement consciente qu'elle n'était encore qu'un « petit acteur avec une part de marché à un chiffre », mais il est intéressant de rappeler qu'il fut un temps où Bing ne faisait même pas partie de la conversation. Cette fois-ci, depuis que la grande enseigne de la technologie a publié la version « nouvelle génération » de Bing, même ceux qui ne l'ont pas utilisé dans le passé en font l'expérience pour leurs recherches : Mehdi a noté qu'un tiers des utilisateurs actifs quotidiens de Bing sont nouveaux sur le moteur de recherche.
« Nous voyons cet attrait du nouveau Bing comme une validation de notre point de vue selon lequel la recherche doit être réinventée et de la proposition de valeur unique de combiner Recherche + Réponses + Chat + Création en une seule expérience », a déclaré le vice-président.
En plus de voir une augmentation des chiffres, Microsoft connaît apparemment une croissance de l'engagement, avec plus de personnes effectuant plus de recherches. La société attribue deux facteurs à cette victoire particulière, le premier étant la croissance de l'utilisation d'Edge, probablement aidée par l'ajout de l'IA de chat de Bing en tant que nouvelle fonctionnalité. Elle a également déclaré que l'introduction de son modèle d'IA Prometheus a rendu les résultats de recherche de Bing plus pertinents, de sorte que les gens utilisent (ou du moins essaient) le moteur de recherche davantage.
Apparemment, environ un tiers des utilisateurs de l'aperçu quotidien de Bing se sert de manière quotidienne de son IA de chat pour les requêtes. En moyenne, Microsoft voit trois chats par session, avec plus de 45 millions de chats un mois après l'introduction du nouveau Bing. De plus, dans 15% de toutes les sessions de chat, les gens ont utilisé Bing pour générer du nouveau contenu. Le lancement du chatbot AI de Bing sur mobile a également propulsé le moteur de recherche à un nouveau niveau de popularité et a entraîné une multiplication par six du nombre d'utilisateurs actifs quotidiens avant qu'il ne soit disponible.
En intégrant un chatbot IA à Bing plus tôt cette année, Microsoft a donné à son moteur de recherche l'arme dont il a besoin pour pouvoir rivaliser avec Google.
Pour Bill Gates, l'essor de l'IA menace les bénéfices que Google tire de son moteur de recherche
Dans une interview, Bill Gates a abordé le sujet de l'IA, estimant que Google devrait bientôt perdre une partie des bénéfices qu'il tire de son moteur de recherche au profit de Microsoft. Selon lui, c'est une chose qui va arriver, car Microsoft a beaucoup investi dans le domaine de l'IA ces dernières années et a réalisé de grands progrès. Lors de l'interview, Bill Gates a expliqué : « Google a possédé tous les bénéfices de la recherche, donc les bénéfices de la recherche seront en baisse, et leur part pourrait être en baisse parce que Microsoft a été capable d'avancer assez rapidement sur ce point ».
Cette possibilité s'est vite illustrée : les employés de Google ont été choqués lorsqu'ils ont appris en mars que la grande enseigne sud-coréenne de l'électronique grand public Samsung envisageait de remplacer Google par Bing de Microsoft comme moteur de recherche par défaut sur ses appareils Galaxy. Il faut dire que, pendant des années, Bing a été un moteur de recherche qui n'était plus dans la course. Cependant, il est devenu beaucoup plus intéressant pour les initiés de l'industrie lorsqu'il a récemment ajouté une nouvelle technologie d'intelligence artificielle.
La réaction de Google à la menace de Samsung a été la « panique », selon des messages internes examinés par le Times. Un chiffre d'affaires annuel estimé à 3 milliards de dollars était en jeu avec le contrat Samsung. Un montant supplémentaire de 20 milliards de dollars est lié à un contrat Apple similaire qui sera [peut-être] renouvelé cette année.
Des concurrents s'appuyant sur l'IA comme le nouveau Bing deviennent rapidement la menace la plus sérieuse pour l'activité de recherche de Google depuis 25 ans. En réponse, Google s'est précipité pour développer un tout nouveau moteur de recherche alimenté par la technologie. Il met également à niveau l'existant avec des caractéristiques IA, selon des documents internes examinés par le Times.
Conclusion
Nadella est convaincu que l’IA va révolutionner tous les secteurs d’activité et tous les aspects de la vie humaine. Il pense que Microsoft a un rôle clé à jouer pour rendre l’IA accessible à tous et pour en assurer une utilisation éthique et responsable. Il n’a pas peur des risques potentiels de l’IA, comme la perte d’emplois ou la création d’une super-intelligence hostile. Il croit au contraire que l’IA peut augmenter les capacités humaines et créer de nouvelles opportunités.
Nadella n’a pas fini de parier sur l’IA. Il envisage déjà de nouveaux projets, comme la création d’une plateforme d’IA conversationnelle qui pourrait remplacer les interfaces traditionnelles, ou le développement d’une IA capable de comprendre le contexte et les émotions des utilisateurs. Il rêve aussi d’une IA qui pourrait aider à résoudre les grands défis de l’humanité, comme le changement climatique ou la pauvreté.
Nadella n’est pas le seul à croire en l’avenir de l’IA. Mais il est peut-être celui qui a le mieux su anticiper et exploiter son potentiel. Avec son pari sur l’IA, il a redonné à Microsoft une place de leader dans le monde technologique.
Sources : Wired, Salesforce
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