L’intelligence artificielle n’en est encore qu’au stade d’outil spécialisé
C’est ce que met en avant le professeur Stuart Russell lorsqu’il souligne lors du récent AI for Good Summit que « l’objectif dans la filière est celui de l’atteinte de l’intelligence artificielle générale et non des outils spécifiques comme des solveurs d’équations ou des programmes de jeux d’échecs » et qu’il ajoute « que le chemin à parcourir est encore long vers l’atteinte de cet objectif. »
Et donc le nouveau chatbot de l’université de Harvard mis à contribution pour intervenir dans le cours introductif d’algorithmes et développement web est un outil spécialisé. La décision de mettre à contribution cette intelligence artificielle tient à ce qu’elle permettra d’alléger la charge de travail de l’équipe pédagogique qui compte une centaine d’assistants, mais qui a de plus en plus de peine à encadrer des étudiants en nombre croissant, se connectant à partir de différents fuseaux horaires et avec des niveaux de connaissance et d’expérience variés.
L'équipe pédagogique est donc en train de peaufiner un système d'intelligence artificielle pour noter les travaux des étudiants et de tester un assistant technique virtuel pour évaluer la programmation des étudiants et leur fournir un retour d'information. L'assistant virtuel posera des questions rhétoriques et proposera des suggestions pour aider les étudiants à apprendre, plutôt que de se contenter de repérer les erreurs et de corriger les bogues de codage. À plus long terme, l’initiative devrait permettre aux enseignants-chercheurs humains d'avoir plus de temps à consacrer aux heures de bureau en personne ou via Zoom.
Certains voient néanmoins l’intelligence artificielle comme vecteur de la plus grande transformation de l’histoire : des cours personnalisés de haute qualité dispensés sans frais
Sal Khan, le fondateur et PDG de Khan Academy, en fait partie et pense que l’intelligence artificielle pourrait déclencher la plus grande transformation positive que l’éducation n’ait jamais connue. Sal Khan a une vision ambitieuse pour l’avenir de l’éducation : il imagine un monde où chaque élève aurait accès à un super tuteur IA personnalisé qui l’accompagnerait tout au long de son parcours éducatif, lui offrant une expérience d’apprentissage optimale. Il imagine également un monde où chaque enseignant aurait accès à un assistant pédagogique IA qui l’aiderait à gérer sa classe, à préparer ses cours, à évaluer ses élèves et à se former. Il espère ainsi contribuer à démocratiser l’éducation et à libérer le potentiel de chaque individu. Il pense que l’intelligence artificielle peut être un outil puissant pour réaliser cette vision, à condition qu’elle soit utilisée de manière responsable et équitable.
C’est un positionnement qui fait écho à celui de Bill Gates. Le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, a prédit que les chatbots IA pourraient apprendre aux enfants à lire d'ici 18 mois : « Je pense que l'IA a le potentiel de faire une grande différence dans l'éducation », a estimé Gates. « L'un des domaines dans lesquels je suis le plus enthousiasmé par l'IA est l'éducation de la petite enfance. Je pense que les chatbots IA pourraient être vraiment utiles pour apprendre aux enfants à lire ». Gates a souligné que de nombreux enfants ont du mal à apprendre à lire et que cela peut avoir un impact durable sur leurs performances scolaires. Il a déclaré que les chatbots IA pourraient être utilisés pour fournir des instructions personnalisées aux enfants en difficulté, et que cela pourrait les aider à rattraper leurs pairs.
« Au début, nous serons très étonnés de voir à quel point cela aide à la lecture - être un assistant de recherche en lecture - et vous donner des commentaires sur l'écriture », a déclaré Gates.
Historiquement, l'enseignement des compétences en écriture s'est avéré être une tâche incroyablement difficile pour un ordinateur, a noté Gates. Lorsque les enseignants donnent leur avis sur les essais, ils recherchent des caractéristiques telles que la structure narrative et la clarté de la prose. Il s'agit là d'un « exercice hautement cognitif » qui est « difficile » à reproduire dans le code pour les développeurs, selon Gates.
Cependant, la capacité des chatbots IA à reconnaître et à recréer des changements de langage de type humain change cette dynamique, selon les partisans.
C’est avec l’avènement de l’intelligence artificielle générale ou de niveau humain que les enseignants humains et les travailleurs d’autres filières comme le développement informatique risquent d’être envoyés aux oubliettes
L’intelligence artificielle générale ou de niveau humain pourrait nous tomber dessus dans une dizaine d’années. OpenAI s’est par exemple donné 2030 comme cible pour l’atteinte de cet objectif. Rendues à ce stade, les machines seraient alors dotées de « bon sens », capables de réflexion causale, c’est-à-dire de cette capacité à raisonner sur le « le pourquoi les choses se produisent. » C’est en principe à ce moment que les enseignants humains pourraient tous être mis à l’écart. En fait, la perspective de l’atteinte de l’intelligence artificielle de niveau humain met les professionnels d’autres secteurs comme celui du développement informatique en danger.
Google par exemple est lancé en secret sur le développement de Pitchfork, ou AI Developer Assistance. C’est un outil qui utilise l'apprentissage automatique pour apprendre au code à s'écrire et se réécrire lui-même. Comment ? En apprenant des styles correspondant à des langages de programmation, et en appliquant ces connaissances pour écrire de nouvelles lignes de code.
L’intention initiale derrière ce projet était de créer une plateforme capable de mettre automatiquement à jour la base de code Python chaque fois qu'une nouvelle version était publiée, sans nécessiter l'intervention ou l'embauche d'un grand nombre d'ingénieurs. Cependant, le potentiel du programme s'est avéré beaucoup plus important que prévu. Désormais, l'intention est de donner vie à un système polyvalent capable de maintenir un standard de qualité dans le code, mais sans dépendre de l'intervention humaine dans les tâches de développement et de mise à jour. Un tel objectif pourrait ne plus relever de la science-fiction lorsqu’on sait que des équipes de recherche en intelligence artificielle promettent déjà l’atteinte du stade d’intelligence artificielle générale dans 5 à 10 ans.
Et vous ?
L’intelligence artificielle peut-elle vraiment remplacer ou compléter le rôle d’un tuteur ou d’un enseignant humain ? N’y a-t-il pas des aspects de l’éducation qui nécessitent une relation humaine, une empathie, une intuition, une créativité, une éthique, qui ne peuvent pas être reproduits ou simulés par une machine ?
L’intelligence artificielle peut-elle garantir une éducation de qualité pour tous ? N’y a-t-il pas des risques d’exclusion, de discrimination, de manipulation, de surveillance, de dépendance, qui peuvent affecter les utilisateurs de ces outils ? Comment assurer la transparence, la fiabilité, la sécurité, la diversité, l’inclusion, la justice, de ces outils ?
L’intelligence artificielle peut-elle s’adapter à tous les contextes et à toutes les cultures éducatives ? N’y a-t-il pas des différences, des spécificités, des besoins, des valeurs, qui varient selon les pays, les régions, les établissements, les disciplines, les niveaux, les élèves, les enseignants ? Comment respecter la pluralité et la singularité de ces contextes et de ces cultures ?
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