La plupart des prévisions faites sur l'IA jusqu'à présent prétendent qu'elle va détruire des dizaines de millions d'emplois et accroître les inégalités sociales en suscitant une baisse des salaires de l'ordre de 50 à 70 %. L'IA pourrait mettre fin aux carrières de millions de personnes, notamment celles des journalistes, des courtiers de Wall Street, des vendeurs et de certains professionnels informatiques. Les entreprises disposant de la puissance de calcul nécessaire ou capables d'investir d'importantes sommes d'argent pour développer l'IA continueront à s'enrichir et à enrichir leurs cadres supérieurs, creusant ainsi davantage l'écart entre les plus pauvres et les plus riches.
Cependant, Mustafa Suleyman a une autre théorie. Le cofondateur de DeepMind pense que l'IA aura un impact sur tout le monde, y compris les plus riches et les plus pauvres. Il a ajouté que l'IA procède en ce moment à la plus grande redistribution de pouvoir de l'histoire de l'humanité. Il a écrit : « les technologies les plus puissantes de l'ère précédente étaient généralement réservées à une petite élite riche en capitaux ou aux gouvernements nationaux. La construction d'une usine à vapeur, d'un porte-avions ou d'une centrale nucléaire était une entreprise coûteuse, difficile et immense. Avec les technologies de pointe de notre époque, ce n'est plus le cas ».
Selon Suleyman, la dernière grande vague technologique - les ordinateurs et l'Internet - concernant la diffusion de l'information. Cependant, cette nouvelle vague, qui est entraînée par l'IA, est entièrement consacrée à l'action. Et elle est à la portée de tous. « Nous sommes confrontés à un changement radical de ce qu'il est possible de faire pour les individus, et ce à un rythme jusqu'ici impensable. L'IA devient plus puissante et radicalement moins chère chaque mois. Ce qui était impossible sur le plan informatique ou aurait coûté des dizaines de millions de dollars il y a quelques années est aujourd'hui très répandu », explique le cofondateur de DeepMind.
« Qu'elles soient commerciales, religieuses, culturelles ou militaires, démocratiques ou autoritaires, toutes les motivations possibles et imaginables peuvent être considérablement améliorées par l'accès à un pouvoir moins coûteux. Ces outils seront à la disposition de tous, des milliardaires aux vendeurs de rue, des enfants en Inde aux retraités de Beverly Hills, une prolifération non seulement de la technologie, mais aussi des capacités elles-mêmes », a-t-il ajouté. Cependant, beaucoup ne partagent pas son point de vue. Les critiques affirment que tout comme les technologies précédentes, l'IA finira par être contrôlée par un petit groupe d'élite.
« Si l'histoire nous enseigne quelque chose, ceux qui ont les moyens financiers de mettre un pied dans la porte ou dans la technologie de base deviendront ou seront intégrés aux élites. Ceux qui ont profité de l'ancien monde ont toujours le plus à perdre lorsque des perturbations surviennent, et pourtant, d'une manière ou d'une autre, ils ont toujours réussi à se consolider dans le passé. Je n'ai pas l'espoir que l'IA nous débarrasse des milliardaires », peut-on lire dans les commentaires. En fait, la question la plus récurrente est celle de savoir si les richesses générées par l'IA seront réparties équitablement. Mais beaucoup répondent par la négative.
Suleyman a déclaré : « ces outils [d'IA] seront à la disposition de tout le monde, des milliardaires aux vendeurs de rue, des enfants en Inde aux retraités de Beverly Hills ». Mais son argumentaire est considéré comme un contenu marketing destiné à rallier davantage de personnes à l'IA. Selon les critiques, les outils d'IA les plus sophistiqués seront détenus par les grandes multinationales. Le développement d'un seul système d'IA nécessite des dizaines de millions de dollars et il est très peu probable que les entreprises décident de partager gratuitement leurs IA avec tout le monde. C'est déjà le cas avec les grands modèles de langages actuels.
Par exemple, OpenAI a refusé de lever le voile sur GPT-4, son modèle de langage le plus évolué. « Bonne chance pour mettre la main sur ces versions. Celles-ci seront entre les mains de multinationales comme Google ou Microsoft, d'énormes conglomérats pharmaceutiques ou de gouvernements. En d'autres termes, les mêmes élites qu'auparavant continueront de tirer les ficelles. Les petits systèmes coûteront des centaines de millions de dollars pour devenir pratiques. Ils seront alors extrêmement rentables, mais ce ne sont pas des choses que les gens ordinaires pourront faire ou auxquelles ils auront accès », peut-on lire dans les commentaires.
Suleyman souligne : « cette vague va fondamentalement remodeler et réorganiser la société et ce sont ceux qui ont le plus à perdre, qui dépendent d'un capital, d'une expertise, d'une autorité et d'architectures de sécurité établis, qui sont précisément les plus exposés ». Selon lui, il est temps de faire face aux conséquences de cette évolution de qui peut faire quoi, quand et comment, de comprendre ce qu'elle signifie et de commencer à planifier la manière dont on peut la contrôler et la contenir dans l'intérêt de tous. Malgré le rejet du battage médiatique par plusieurs experts éminents de l'IA, il affirme qu'il s'agit de la grande révolution de tous les temps.
« L'histoire peut être un guide utile. Cependant, avec l'IA, la biologie synthétique et le reste, nous pouvons être sûrs d'une chose : nous sommes face à un phénomène véritablement sans précédent », a déclaré Suleyman. Par ailleurs, dans une interview accordée au Financial Times vendredi, il a souligné que les États-Unis devraient autoriser la vente des puces d'IA de Nvidia uniquement aux acheteurs qui acceptent d'utiliser la technologie de manière éthique. Mais la définition de l'IA éthique divise la communauté de l'IA. La question de l'IA éthique est largement débattue et il n'existe actuellement aucun consensus dans l'industrie.
« Les États-Unis devraient appliquer des normes mondiales minimales pour l'utilisation de l'IA, et les entreprises devraient au moins accepter de respecter l'engagement pris par les principales entreprises d'IA auprès de la Maison Blanche. Ils devraient exiger que tout consommateur de puces Nvidia signe au moins les engagements volontaires, et plus probablement plus que cela », a déclaré Suleyman. Ces ses propos sont hautement controversés et considérés comme un appel à la prise de sanctions contre des concurrents afin de les empêcher d'avoir accès aux matériels informatiques dernier cri nécessaires pour développer leurs systèmes d'IA.
En effet, les puces d'IA de Nvidia, notamment la puce H100, sont les puces les plus convoitées par les entreprises et les startups d'IA. Bien que Nvidia ait affirmé qu'il tire assez d'argent de la vente de ses puces, il a ajouté qu'il a du mal à faire face à la demande. Ainsi, les critiques pensent que Suleyman tente d'écarter les rivaux de la course en faisant cet appel, alors qu'il n'existe encore aucun consensus sur ce qu'est une IA éthique. Rappelons que Mustafa Suleyman est également le directeur général d'Inflection AI, une startup d'IA soutenue par Microsoft et qui a levé 1,3 milliard de dollars en juin auprès de Nvidia et d'autres entreprises.
Les États-Unis ont déjà mis en place des restrictions sur les exportations de puces d'IA sophistiquées de Nvidia et d'Advanced Micro Devices vers la Chine et d'autres pays du Moyen-Orient. En juillet, des entreprises d'IA, dont OpenAI, Alphabet, la société mère de Google, et Meta, se sont engagées volontairement auprès de la Maison-Blanche à mettre en œuvre des mesures afin d'aider à rendre la technologie plus sûre. Mais cet engagement n'est pas contraignant et les entreprises peuvent toujours développer n'importe quel type d'IA, y compris pour les cas d'utilisation militaires.
Source : Mustafa Suleyman
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