D'après Badani, l'IA devra d'abord apprendre à vivre selon les moyens de la société avant de prétendre vouloir la transformer. Elle souligne qu'à l'heure actuelle, l'IA générative a une "demande insatiable" en électricité pour alimenter les dizaines de milliers de clusters de calcul nécessaires au fonctionnement de grands modèles de langage tels que le GPT-4 d'OpenAI. Selon Badani, si l'IA générative doit un jour pouvoir fonctionner sur tous les appareils mobiles, de l'ordinateur portable à la tablette en passant par le smartphone, elle devra être capable de s'adapter sans pour autant submerger le réseau électrique mondial.
« Nous ne pourrons pas continuer à progresser dans le domaine de l'IA si nous ne nous attaquons pas au problème de l'électricité. ChatGPT nécessite quinze fois plus d'énergie qu'une recherche traditionnelle sur le Web », a déclaré Badani lors de la conférence Fortune Brainstorm AI, qui s'est tenue à Londres lundi. Non seulement de plus en plus d'entreprises utilisent l'IA générative, mais l'industrie est lancée dans une course au développement d'outils nouveaux et plus puissants, ce qui signifie que la demande de calcul ne fera qu'augmenter, et la consommation d'énergie avec elle, à moins que l'on ne fasse quelque chose.
Lors de son intervention, Badani a donné des exemples concrets, notamment celui du générateur de vidéo Sora, pour illustrer la gloutonnerie de l'IA en matière d'énergie. Lancé par OpenAI en février dernier, Sora peut créer des clips vidéo super réalistes ou stylisés d'une durée maximale de 60 secondes en se basant uniquement sur les invites textuelles de l'utilisateur. Selon Badani, OpenAI utilise une puissance de calcul phénoménale pour l'entraînement de Sora. « Il faut 100 000 puces d'IA fonctionnant à pleine capacité de calcul et à pleine consommation d'énergie pour entraîner Sora. C'est énorme ! », a déclaré Badani.
Selon l'experte en markéting, les centres de données, où sont formés la plupart des modèles d'IA, représentent actuellement 2 % de la consommation mondiale d'électricité. Mais l'IA générative étant appelée à se généraliser, Badani prévoit que la technologie pourrait finir par dévorer un quart de toute l'électricité aux États-Unis en 2030. La solution à ce problème consiste à développer des puces à semiconducteurs optimisées pour fonctionner avec un minimum d'énergie. À en croire les propos de sa directrice de markéting, Arm entend adopter la même approche utilisée dans la conception des puces pour les appareils mobiles.
« Si vous pensez à l'IA, elle a un coût et ce coût est malheureusement la puissance », a déclaré Badani. Filiale de SoftBank, Arm est une société britannique spécialisée dans le développement de processeurs d'architecture 32 bits et d'architecture 64 bits de type RISC. Ses processeurs RISC équipent actuellement 99 % des smartphones, contrairement à l'architecture x86 développée par Intel. L'architecture x86 d'Intel s'est imposée comme la norme pour les ordinateurs de bureau, mais s'est avérée trop inefficace pour faire fonctionner des appareils portables alimentés par batterie, tels que les smartphones et les tablettes.
Si le cadre d'Arm appelle à adapter les besoins énergétiques de l'IA à nos capacités actuelles en matière de production d'énergie, d'autres acteurs de l'industrie à l'instar du PDG d'OpenAI, Sam Altman, affirment qu'une percée énergétique est nécessaire pour soutenir le développement de la technologie. Altman pense notamment à la fusion nucléaire, un domaine dans lequel l'homme d'affaires a investi des millions de dollars. Lors d'une interview en janvier, il a déclaré : « il n'y a aucun moyen d'y parvenir sans une percée. Nous avons besoin de la fusion [nucléaire] tout en développant d'autres sources d'énergie renouvelable ».
En d'autres termes, pour Altman, il n'est pas question de réduire la consommation d'énergie de l'IA, mais de développer de nouvelles d'énergie afin d'en apporter davantage à la technologie. En 2021, Altman a personnellement fourni 375 millions de dollars à la société privée américaine de fusion nucléaire Helion Energy, qui a depuis signé un accord pour fournir de l'énergie à Microsoft dans les années à venir. Microsoft est le principal bailleur de fonds d'OpenAI et lui fournit des ressources informatiques pour l'IA. En outre, Altman a déclaré qu'il souhaitait que le monde adopte également la fission nucléaire comme source d'énergie.
Mais les experts estiment que la fusion nucléaire ne peut pas être considérée comme une solution immédiate aux défis climatiques posés par l'IA. Selon Alex de Vries, scientifique des données et chercheur à la Vrije Universiteit Amsterdam, cela correspond à une tendance générale à prendre ses désirs pour des réalités lorsqu'il s'agit d'agir sur le climat. Il affirme : « il serait beaucoup plus raisonnable de se concentrer sur ce que nous avons à l'heure actuelle et sur ce que nous pouvons faire à l'heure actuelle, plutôt que d'espérer que quelque chose se produise ». Ses propos font référence à l'état actuel de la fusion nucléaire.
La fusion nucléaire est le processus par lequel deux noyaux atomiques légers se combinent pour former un seul noyau plus lourd tout en libérant des quantités massives d'énergie. Les réactions de fusion ont lieu dans un état de la matière appelé plasma : un gaz chaud et chargé, composé d'ions positifs et d'électrons en mouvement, dont les propriétés uniques sont différentes de celles des solides, des liquides ou des gaz. Par exemple, le soleil est animé par cette réaction. La fusion nucléaire porte en elle "la promesse d’une énergie illimitée, décarbonée et sûre". L'attrait de la fusion nucléaire pour le secteur de l'IA est évident.
Cependant, à l'heure actuelle, la fusion nucléaire semble hors de portée. « Recréer les conditions du centre du soleil sur Terre est un énorme défi et la technologie ne sera probablement pas prête avant la seconde moitié du siècle », a déclaré à CNN Aneeqa Khan, chargée de recherche sur la fusion nucléaire à l'université de Manchester au Royaume-Uni. Pour de nombreux experts, l'accent mis par Altman sur une future percée énergétique illustre l'incapacité plus générale de l'industrie de l'IA à répondre à la question de savoir comment elle va satisfaire les besoins énergétiques croissants de l'IA à court terme.
« La fusion [nucléaire] est déjà trop tardive pour faire face à la crise climatique. À court terme, nous devons utiliser les technologies existantes à faible teneur en carbone, telles que la fission et les énergies renouvelables », a déclaré Khan. Selon les experts, le problème est de trouver suffisamment d'énergie renouvelable pour répondre aux besoins croissants de l'IA à court terme, au lieu de se tourner vers les combustibles fossiles qui réchauffent la planète. Et le défi est d'autant plus grand que la tendance mondiale à tout électrifier, des voitures aux systèmes de chauffage, accroît fortement la demande d'énergie propre.
Source : Ami Badani, directrice du markéting chez Arm Holdings
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