Eric Schmidt : volez ce dont vous avez besoin et laissez vos avocats réparer les dégâts
Eric Schmidt a récemment participé à une conférence à l'université de Stanford, où il a parlé de l'avenir de l'IA et s'est lancé dans une diatribe contre le télétravail, sur laquelle il est revenu par la suite. Lors de la conférence, l'ancien PDG de Google a pris ses aises et a fait de nombreuses déclarations préoccupantes, tout en donnant des conseils douteux aux étudiants et aux startups spécialisées dans l'IA. La chose la plus surprenante que Schmidt ait dite lors de son intervention est que "les startups d'IA peuvent voler les données dont elles ont besoin pour entraîner leurs modèles d'IA", sans avoir peur des retombées.
Schmidt a déclaré à l'assemblée : « il n'y a pas de mal à voler du contenu si l'on réussit, car il suffit d'engager des avocats pour réparer les dégâts. Si personne n'utilise votre produit, le fait que vous ayez volé tout le contenu n'a pas d'importance ». Ayant dirigé Google de 2001 à 2011, Schmidt sait très bien ce que c'est que de devoir faire appel à une armée d'avocats pour réparer les dégâts. YouTube s'est développé à ses débuts grâce à des vidéos dont il n'avait pas les droits.
On pourrait dire que l'activité de Google Search elle-même s'est d'abord construite en accélérant le système juridique. Schmidt a tenu ces propos pendant qu'il exposait "un scénario théorique" dans lequel les étudiants présents dans la salle pourraient utiliser un grand modèle de langage (LLM) pour créer un concurrent de TikTok, dans le cas où la plateforme serait interdite aux États-Unis. Il a reconnu que le scénario pouvait être criblé de questions juridiques et éthiques.
Envoyé par Eric Schmidt
Cela fait des années que les entreprises récupèrent des contenus produits par des humains pour entraîner leurs modèles d'IA toujours plus gourmands. Et tandis que certaines entités, comme le New York Times, dénoncent les atteintes au droit d'auteur, Schmidt considère apparemment le vol présumé de propriété intellectuelle comme un « gâchis » que les avocats devront nettoyer plus tard. « La Silicon Valley effectuera ces tests et nettoiera le désordre », a déclaré Schmidt.
« Et c'est typiquement comme cela que ces choses sont faites », a-t-il ajouté, selon une transcription de l'événement. Il est revenu sur nombre de ses déclarations lors de l'événement et la vidéo a depuis été retirée du site après avoir fait l'objet de nombreuses critiques et d'une couverture médiatique très négative.
La capacité de la technologie à devenir rapidement et extrêmement rentable semble avoir dépassé de loin le système judiciaire et ce que n'importe quel procès peut être utilisé contre eux. Il en va de même pour tous les mastodontes de l'industrie pour lesquels les amendes sont comparables une petite tape sur les doigts.
L'IA déclenche une avalanche de poursuites pour violation de la propriété intellectuelle
Google n'est pas le seul dans ce cas. Les entreprises les plus influentes de la Silicon Valley ont adopté la même stratégie. À quelques exceptions près, elles ont décidé très tôt qu'il valait mieux demander le pardon que la permission. Lorsque les amendes devaient être payées, l'argent avait déjà été gagné. L'histoire se répète, et les entreprises d'IA les plus en vue, telles qu'OpenAI et Anthropic, suivent le même schéma, avec le soutien de dirigeants de la vieille garde comme Schmidt. Lors de la conférence à l'université de Stanford, Schmidt a déclaré que Sam Altman, PDG d'OpenAI, figure parmi ses amis très proches.
Selon les analystes, de nombreux dirigeants partagent le point de vue de Schmidt. Ils considèrent que l'argent et le pouvoir qui se profilent à l'horizon suffisent amplement à faire face aux dégâts causés en chemin. Ainsi, le développement de l'IA repose actuellement sur des données collectées à partir du travail des créateurs de contenu sans leur consentement ni un paiement. Cela a fonctionné pour Google, alors pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas pour eux ?
Pourtant, une stratégie similaire a également mis certaines entreprises d'IA dans l'eau chaude. En décembre, le New York Times a intenté un procès à OpenAI et à Microsoft pour violation des droits d'auteur, alléguant que les deux entreprises ont formé leur IA sur des millions de ses articles. En avril, huit autres éditeurs de presse ont poursuivi OpenAI pour avoir prétendument utilisé leurs articles de presse protégés par des droits d'auteur sans autorisation ni paiement.
Schmidt a occupé plusieurs postes au sein de Google, dont celui de PDG pendant dix ans, au cours desquels il a dirigé l'entreprise lors du lancement de Chrome et de Gmail, de l'acquisition de YouTube et de son introduction en bourse en 2004. Schmidt, dont la valeur nette est estimée aujourd'hui à environ 31 milliards de dollars selon l'indice Bloomberg Billionaires, est un investisseur important, notamment dans des entreprises d'IA telles que Mistral AI, basée en France.
OpenAI a reconnu qu'il est impossible de créer des outils comme ChatGPT sans s’appuyer sur des contenus protégés par le droit d'auteur. Et alors que la course à l'IA s'intensifie, les éditeurs de journaux et autres propriétaires de données exigent une part du marché potentiellement gigantesque de l'IA générative, qui devrait atteindre 1300 millions de dollars d'ici à 2032. De nombreux rapports suggèrent que l'IA pourrait changer à jamais l'édition et le journalisme.
C'est la raison pour laquelle les éditeurs exigent une protection contre l'IA et une partie du butin que l'IA va générer, mais les contrats proposés aux éditeurs sont critiqués. OpenAI a signé des accords avec The Atlantic et Vox Media pour utiliser leur contenu afin de perfectionner ses modèles de langage, ce qui a surpris et inquiété les journalistes et leurs syndicats. Ils déplorent le manque de transparence de ces accords et craignent des impacts négatifs sur leur travail.
Perplexity AI, qui propose un moteur de recherche basé sur l'IA, est également au beau milieu d'un scandale de vol de données. Le moteur de recherche ignore le standard largement utilisé sur le Web depuis des décennies, appelé "Robots Exclusion Protocol" (protocole d'exclusion des robots - robots.txt), pour explorer subrepticement des zones de sites Web auxquels les opérateurs ne veulent pas que les robots d'indexation accèdent. Ce qui suscite des préoccupations majeures.
Une étude a révélé le mois dernier que Salesforce, Apple, Anthropic et d'autres ont formé leurs modèles d'IA sur des vidéos YouTube sans le consentement des créateurs. Ils se sont appuyés sur l'ensemble de données The Pile, compilé à partir de plus de 170 000 vidéos, dont des vidéos de vidéastes populaires tels que MKBHD, MrBeast et Jimmy Kimmel. Les experts affirment que ce comportement viole les droits des créateurs et les conditions d'utilisation de YouTube.
Mais les entreprises semblent prêtes à tout pour glaner des données indispensables à la formation de leurs modèles d'IA, à un moment où les sources de données se tarissent. L'IA bouleverse la propriétaire intellectuelle et pose d'autres défis. Il sera intéressant de voir comment ces questions seront traitées à l'avenir.
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Que pensez-vous des propos de l'ancien PDG de Google sur le vol des données pour former l'IA ?
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Quels impacts l'IA pourrait-elle avoir sur l'éthique des données et la propriétaire intellectuelle à l'avenir ?
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