La directrice financière de ServiceNow pense que l'IA générative tiendra ses promesses
Lors de la Deutsche Bank Technology Conference qui a eu lieu à la fin du mois d'août, Brad Zelnick, responsable de la recherche sur les actions logicielles à la banque, a demandé à la directrice financière de ServiceNow, Gina Mastantuono, si la technologie était difficile à vendre. Selon plusieurs rapports, « les résultats ne sont pas à la hauteur des investissements colossaux en matière d'IA générative et la technologie est limitée et confrontée à de nombreux défis ». Les actions des entreprises spécialisées dans l'IA générative ont dévissé ces dernières semaines, signe que les investisseurs deviennent plus prudents.
Zelnick a rappelé deux thèmes issus des conversations avec les DSI : « premièrement, il a été difficile d'amener les clients à s'engager à compenser leurs dépenses et à réaliser les économies nécessaires pour justifier le retour sur investissement et les investissements initiaux liés à l'IA générative. Deuxièmement, la technologie est présentée comme le Saint Graal ». En réponse à la question et aux commentaires soulignés par Zelnick, Mastantuono a répondu :
« Tout cela est donc bien vrai, n'est-ce pas ? Et ce n'est pas surprenant, il s'agit d'une nouvelle avancée technologique que la plupart des gens ne comprenaient pas il y a un an et demi. L'autre question que l'on nous pose, c'est de savoir si c'est une bulle, n'est-ce pas ? Cela doit être un autre commentaire, est-ce une bulle ? » Zelnick a poursuivi en demandant Mastantuono si l'IA est une bulle. Mastantuono a semblé s'opposer à cette idée en répondant :
Envoyé par Gina Mastantuono
Elle explique : « si l'on peut faire passer ces 6,6 ans à 6 ans ou à 5,6 ans, cela représente des milliards de dollars de chiffre d'affaires pour les entreprises pharmaceutiques. Cela représente des tonnes de dollars sur le résultat net, car non seulement le résultat net est plus élevé, mais vous économisez également beaucoup d'argent. C'est là que l'IA s'impose, et ce uniquement au sein de l'entreprise : résoudre des problèmes qui sont si manuels et si complexes ».
Les résultats des projets d'IA générative ne sont pas à la hauteur du battage médiatique
Le débat sur l'IA générative a créé un clivage dans l'industrie : il y a ceux qui pensent que les capacités de la technologie sont exagérées et qu'elle constitue une bulle et ceux qui affirment que nous sommes en présence d'une innovation de rupture qui aura un impact fondamental sur l'économie. Dans le cas de ServiceNow, l'entreprise tente de rassurer les investisseurs sur le fait que les investissements des entreprises dans l'IA générative seront bientôt rentabilisés, mais ce n'est peut-être pas pour tout de suite et les clients potentiels ne doivent pas s'attendre à d'énormes retours sur investissement « demain ».
Mastantuono a déclaré : « [les clients] ne vont pas obtenir des centaines de millions de dollars demain, mais s'ils réfléchissent vraiment à ce qu'ils vont faire, et vous avez raison, cela prend un peu de temps, car il y a beaucoup de bruit, mais si vous pensez à ce qui se passe déjà avec la consolidation des plateformes et la collaboration avec des plateformes de confiance qui ont innové dans ce domaine..., je pense que vous allez voir une réelle valeur ajoutée ».
Les grands modèles de langages (LLM) ont fait l'objet d'un battage médiatique intense et d'investissements en dents de scie. Dans son dernier rapport Hype Cycle for Emerging Technologies, le cabinet de conseil Gartner a noté que l'IA générative est entrée dans le redoutable « creux de la désillusion ». Selon Arun Chandrasekaran, analyste chez Gartner, la technologie sera précieuse à l'avenir, mais est actuellement incapable de répondre aux attentes élevées.
Toutefois, de nombreux critiques ne partagent pas cet avis. Les grandes entreprises technologiques ont dépensé des dizaines de milliards de dollars pour développer de modèles d'IA depuis le début du boom de l'IA, mais très peu d'entreprises les utilisent réellement. Selon les chiffres du Bureau du recensement des États-Unis, seuls 4,8 % des entreprises utilisent des modèles d'IA pour produire des biens et des services, contre 5,4 % au début de l'année.
Selon certains rapports, les craintes en matière de gouvernance des données liées à l'utilisation de l'IA générative incitent certains DSI à bloquer les projets Microsoft Copilot. Il semble donc que les efforts déployés par Microsoft pour convaincre les clients des avantages en matière de productivité doivent également prendre en compte d'autres préoccupations des entreprises. Outre la sécurité, les hallucinations des modèles d'IA sont un autre défi à surmonter.
Par ailleurs, Wall Street semble se diriger vers une correction boursière après la folie spéculative provoquée par l'IA générative, propulsant les actions liées à l'IA à des sommets historiques. Les inquiétudes concernant la lenteur des retombées des investissements considérables dans l'IA ont frappé les entreprises les plus importantes de Wall Street, les actions de Microsoft et d'Alphabet se négociant à la baisse à la suite de leurs rapports trimestriels en juillet.
Todd Sohn, stratège ETF chez Strategas Securities, a déclaré : « une telle quantité d'argent a été consacrée à l'IA et aux puces au cours des 12 derniers mois que le marché est complètement faussé ». Nvidia, qui a bénéficié le plus du battage médiatique autour de l'IA générative, a perdu 279 milliards de dollars de sa valeur de marché après une chute brutale de 9,5 % de la valeur de son action mardi. Wall Street connaît une sévère contreperformance.
La bulle spéculative provoquée par l'IA générative pourrait se solder par un désastre
James Ferguson, associé fondateur de MacroStrategy Partnership, un cabinet de recherche macroéconomique basé au Royaume-Uni, craint que la folie spéculative autour de l'IA générative se solde par un désastre. L'analyste affirme que l'hallucination des LLM pourrait s'avérer un défi insoluble, ce qui conduirait l'IA à avoir beaucoup moins d'applications viables. Pour Ferguson, l'IA pourrait s'avérer "inutile" dans les années à venir et créer beaucoup de désillusions.
« Historiquement, ces bulles finissent mal. Quiconque est un peu vieux jeu et a déjà vu ce genre de choses est donc tenté de croire que cela finira mal. Je dirais que l'IA n'a toujours pas fait ses preuves. Faire semblant jusqu'à ce qu'on y arrive peut fonctionner dans la Silicon Valley, mais pour le reste d'entre nous, je pense que l'expression "une fois mordu, deux fois timide" est plus appropriée pour l'IA », a souligné Ferguson à Merryn Somerset Webb, de Bloomberg.
Il a ajouté : « si l'on ne peut pas faire confiance à l'IA, alors l'IA est effectivement, à mon avis, inutile ». Il a déclaré que la technologie pourrait finir par être trop "gourmande en énergie" pour être un outil rentable pour de nombreuses entreprises. À cet égard, une étude publiée cette année par l'Amsterdam School of Business and Economics a révélé que les applications d'IA pourraient à elles seules consommer autant d'énergie que les Pays-Bas d'ici 2027.
« Si Nvidia ne facture pas ses puces de plus en plus chères, vous devez également payer de plus en plus cher pour faire fonctionner ces puces sur vos serveurs. Vous vous retrouvez donc avec quelque chose de très cher qui n'a pas encore prouvé, en dehors de quelques applications étroites, qu'il est rentable », a déclaré Ferguson. Les acteurs du secteur de l'IA espèrent des percées majeures dans la production énergétique, mais le secteur avance lentement.
Mais Ben Goertzel, mathématicien et chercheur américain en IA, affirme que les craintes en rapport avec l'éclatement de la bulle de l'IA sont alarmistes et que cela n'arrivera tout simplement pas. « Je ne pense pas que la bulle de la GenAI éclatera un jour, parce que je pense que les applications à très haute valeur ajoutée de cette technologie arriveront assez vite pour éviter que les PDG des Big Tech ne s'épuisent sur la GenAI », a-t-il déclaré dans un billet publié sur X.
Par ailleurs, Ferguson affirme que la bonne nouvelle, c'est que la bulle boursière actuelle est tellement concentrée sur les actions liées à l'IA qu'il y a encore de la valeur. Bien entendu, l'éclatement de la bulle de l'IA entraînera une douleur généralisée pour les investisseurs. Mais après cela, Ferguson recommande de s'intéresser aux petites capitalisations américaines actuellement mal aimées, qui pourraient bénéficier de baisses de taux d'intérêt et ne sont pas très valorisées.
« Le problème, c'est que cette valeur doit être trouvée de la bonne vieille manière, en parcourant les petites capitalisations et en recherchant des entreprises qui se développent de manière régulière, à l'ancienne », a-t-il déclaré. En somme, les experts pensent que le résultat de la normalisation des valorisations des actions liées à l'IA après la folie spéculative risque d'être dévastateur à la fois pour les entreprises et pour les investisseurs qui investissent dans l'IA sans aucun recul.
Source : interview de Gina Mastantuono à la Deutsche Bank Technology Conference
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L'IA générative va-t-elle impacter les interactions et le fonctionnement des entreprises comme elle le prétend ?
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