Les étudiants confient leurs devoirs à ChatGPT et même les devoirs les plus banals
Megan Fritts est professeure adjointe de philosophie à l'université de l'Arkansas, à Little Rock. Le tout premier devoir que Megan Fritts a donné à ses apprenants quelques jours après la rentrée scolaire se lisait comme suit : « présentez-vous brièvement et dites ce que vous espérez apprendre de ce cours ». Ce type d'exercice permet généralement aux enseignants d'en savoir plus sur leurs étudiants et leurs perceptions du cours. Il s'agit d'un exercice personnel et il est souhaitable que l'apprenant le rédige lui-même, sans se faire aider d'une manière ou d'une autre. Mais les étudiants le confient désormais à ChatGPT.
Second week of the semester and I've already had students use (and own up to using) ChatGPT to write their first assignment: "briefly introduce yourself and say what you're hoping to get out of this class". They are also using it to word the *questions they ask in class*.
— Megan Fritts (@freganmitts) August 28, 2024
Megan Fritts a rapporté que de nombreux étudiants inscrits à son cours d'éthique des technologies ont décidé de se présenter avec ChatGPT. Elle affirme : « ils l'ont tous reconnu, et c'est tout à leur honneur. Mais j'ai été vraiment surprise de voir que même pour ce qui était censé être une sorte de cadeau en matière de travaux, ils se sentaient obligés de générer avec une IA ». Bien sûr, Megan Fritts n'est pas le premier enseignant à rapporter une histoire pareille.
Les outils conçus pour détecter les textes générés par l'IA ne sont pas fiables, laissant les enseignants se fier à leur instinct. Dans le cas présent, les réponses rédigées par l'IA ne reflétaient pas ce que les apprenants, en tant qu'individus, attendaient du cours, mais plutôt « une description régurgitée de ce qu'est un cours d'éthique des technologies », ce qui a permis à Megan Fritts de comprendre qu'elles avaient été générées par ChatGPT ou un chatbot similaire.
« Quand on est professeur et qu'on a lu des dizaines et des dizaines d'essais générés avec l'IA, on peut s'en rendre compte », explique-t-elle. L'utilisation des chatbots d'IA par les apprenants prend de l'ampleur et la situation divise les enseignants. Certains enseignants semblent à bout de souffle, mais d'autres voient ChatGPT comme un outil similaire à la calculatrice et pensent que les apprenants doivent être encouragés à les utiliser pour aller beaucoup plus vite.
Certaines écoles ont banni ou fortement restreint l'utilisation de chatbots. L’utilisation de ChatGPT à Sciences Po, ou de tout autre outil basé sur l’IA est, à l’exception d’un usage pédagogique encadré par une enseignante ou un enseignant, pour l’instant strictement interdite lors de la production de travaux écrits ou oraux par les étudiantes et étudiants sous peine de sanctions qui peuvent aller jusqu’à l’exclusion de l’établissement voir de l’enseignement supérieur.
ChatGPT : un simple outil de résolution de problèmes comme la calculatrice ?
Certains acteurs du domaine de l'enseignement pensent que ChatGPT est comparable à un outil de résolution de problèmes. À ce titre, ils estiment qu'il ne devrait pas y avoir d'inconvénients à ce que les apprenants l'utilisent dans le cadre de leurs devoirs. Certains enseignements ont même adopté une politique d'utilisation ouverte de ChatGPT pour leurs apprenants. Toutefois, d'autres mettent en garde contre les effets négatifs. Megan Fritts affirme que « considérer les chatbots comme un outil de résolution de problèmes comme les autres est une comparaison erronée », en particulier dans le cas des sciences humaines.
« À ce stade, les apologistes des LLM en salle de classe devraient être embarrassés. Les étudiants ne se contentent pas d'utiliser ce matériel comme un outil de résolution de problèmes ou toute autre connerie, ils l'utilisent pour oublier comment parler. Il est impossible d'être suffisamment pessimiste à ce sujet », a déclaré Megan Fritts. Elle pense que l'utilisation de l'IA par les étudiants pourrait avoir des conséquences graves sur leurs capacités intellectuelles.
En bref, les calculatrices permettent de réduire le temps nécessaire pour résoudre des opérations mécaniques auxquelles les étudiants ont déjà appris à produire une seule solution correcte. À l'inverse, Megan Fritts a déclaré que « l'objectif de l'enseignement des sciences humaines n'est pas de créer un produit, mais de façonner les gens en leur donnant la capacité de penser à des choses auxquelles ils ne seraient pas naturellement amenés à penser ».
« L'objectif est de créer des esprits libérés, des personnes libérées, et décharger la réflexion sur une machine, par définition, ne permet pas d'atteindre cet objectif », a-t-elle déclaré. Et au-delà de la tricherie sur les copies, Megan Fritts affirme que les étudiants ont, en général, compromis leur capacité de réflexion et qu'ils l'ont remarqué. Cela se traduit notamment par les problèmes d'inattention et les difficultés à réfléchir sur des problèmes, même triviaux.
Megan Fritts affirme que l'addiction à la technologie a affecté la capacité générale des étudiants à interagir avec l'information. Entre-temps, certains enseignants revenus au papier et au crayon pour lutter contre l'utilisation de ChatGPT lors des devoirs. Toutefois, de nombreux enseignants sont fatigués d'essayer de lutter contre ce qui semble inévitable. Ils appellent les autorités chargées de l'enseignement à prendre les mesures adéquates.
L'IA rend les apprenants moins productifs et réduit leur chance de réussite
De nombreux chatbots d'IA générative tels que ChatGPT et Gemini sont devenus des outils essentiels dans la vie des étudiants, qui les utilisent régulièrement. Cependant, la dépendance à ces outils d'IA a des conséquences graves pour les étudiants. Une étude publiée récemment révèle que « les étudiants qui utilisent l'IA générative sont moins productifs et ont peu de chances de réussir à l'avenir ». Les données montrent que les étudiants moins performants utilisent davantage l'IA pour combler leurs compétences. En outre, l'IA générative encourage la tricherie et rend les étudiants paresseux et incompétents.
En effet, le fonctionnement exécutif (FE) ou les processus cognitifs sont importants pour l'apprentissage parce qu'ils permettent de se concentrer, de rechercher et de mémoriser les informations. Ces processus sont importants dans le cadre de l'enseignement, car ils jouent un rôle dans l'accomplissement de tâches complexes telles que la rédaction d'articles. Les personnes dont le niveau de FE est faible ont souvent du mal à mener à bien leurs tâches.
En revanche, des niveaux de FE plus élevés sont un gage de réussite à l'école et dans la vie professionnelle. L'étude indique que lorsque les adolescents utilisent des outils d'IA, leurs niveaux de FE sont mis à l'épreuve. Les étudiants qui ont déjà des niveaux de FE plus faibles utilisent souvent l'IA générative pour rédiger leurs devoirs. Cela signifie que les outils d'IA apportent un soutien aux élèves qui souffrent d'un faible niveau de FE et qui ne peuvent pas réussir à l'école.
Même si les outils d'IA sont censés stimuler la productivité, ils peuvent être plus nocifs pour les personnes qui ne sont même pas productives du tout. Pour en savoir plus, les chercheurs ont mené une étude auprès de deux groupes : le premier groupe comptait 385 adolescents âgés de 12 à 16 ans et le second 359 étudiants âgés de 15 à 19 ans. Les résultats ont montré que 15 % des plus petits et 53 % des adolescents plus âgés utilisent des outils d'IA pour travailler.
Comme les élèves plus âgés ont des devoirs plus complexes, ils utilisent davantage l'IA. Selon les critiques, ces résultats sont aggravés par les enseignants qui encouragent l'utilisation de l'IA dans les salles de classe. Plusieurs professeurs ont déploré l'utilisation croissante de l'IA dans les salles de classe, en particulier dans les cours en ligne. L'un d'entre eux a déclaré : « c'est l'une des raisons pour lesquelles j'envisage vraiment de quitter le monde universitaire ».
Dans un fil de discussion intitulé « ChatGPT: It's getting worse » sur Reddit, une personne se présentant comme un enseignant a déclaré que « ChatGPT est en train de ruiner son amour de l'enseignement ». « Les étudiants n'interprètent plus un texte, ils se contentent de me donner ce verbiage automatisé. Les noter comme s'ils l'avaient écrit me donne l'impression d'être complice. Honnêtement, je suis désespéré », indique le message de cet enseignant.
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