De coqueluche des investisseurs il y a deux ans à startup en disgrâce
Byju's, qui figurait parmi les jeunes entreprises de technologie de l'information les plus prisées au monde et qui était la coqueluche des investisseurs pendant la pandémie de Covid-19, a vu sa situation se dégrader considérablement après les revers opérationnels et financiers qu'elle a connus au cours de ces deux dernières années. À l'été 2023, les analystes mettaient déjà en garde contre la situation critique de Byju's, qui est maintenant proche d'un dépôt de bilan.
Byju's est une startup indienne de technologie éducative fondée en 2011. L'entreprise a lancé son application d'apprentissage en 2015. Avec 15 millions d'abonnés en 2018, Byju's est devenu une licorne (évalué à un milliard de dollars) en grande pompe, avant d'atteindre une valorisation de 22 milliards de dollars. Il s'est rapidement développé pendant la pandémie de Covid-19, les apprenants se tournant vers les cours en ligne pendant les périodes de confinement.
Cependant, en 2021, il a enregistré une perte de 327 millions de dollars, soit 17 fois plus que l'année précédente. Depuis lors, le géant de l'edtech a connu une débâcle extraordinaire. Évalué à 22 milliards de dollars en 2022, Byju's a vu son évaluation ramenée à 5,1 milliards de dollars en 2023 par Prosus NV, le principal investisseur et actionnaire de l'entreprise. Les experts estiment qu'il s'agit d'une correction nécessaire dans le cycle haussier des startups indiennes.
Toutefois, les rapports sur l'état de Byju's suggèrent que les déboires de la startup vont au-delà d'une simple correction de sa valorisation. En avril 2023, l'entreprise a déclaré avoir plus de 150 millions d'apprenants inscrits. Les médias locaux ont rapport au début de cette année que Byju's a licencié environ 500 employés, principalement dans ses services de vente et de marketing. Et à en croire le fondateur lui-même, Byju Raveendran, Byju's est au bord du gouffre.
Lors d'une récente interview, Byju Raveendran a fait savoir que Byju's a maintenant « une valeur nette de zéro ». Il a déclaré sans ambages : « elle vaut zéro. De quelle évaluation parlez-vous ? Elle vaut zéro ». Il s'agit d'une décote impressionnante en l'espace de deux ans.
Croissance incontrôlée, mauvaise évaluation, etc. : une stratégie fatale
« Byju's est une entreprise qui s'est développée trop vite, trop tôt. Après la pandémie, lorsque les enfants sont retournés à l'école, il y a eu un ralentissement. Toutefois, Byju's a continué à se développer et les investisseurs ont continué à y investir de l'argent. Ils n'ont pas vu les signes annonciateurs d'un ralentissement », a expliqué Shriram Subramanian, qui dirige une entreprise indépendante de recherche et de conseil en matière de gouvernance d'entreprise.
Aniruddha Malpani, investisseur providentiel et critique virulent du modèle d'entreprise de Byju, estime que l'entreprise a connu une « fortune de papier ». « Il y a un grand écart entre la valeur et l'évaluation », a-t-il déclaré. Avec une croissance exponentielle pendant la pandémie, Byju s'est lancée dans une frénésie d'acquisitions, dépensant deux milliards de dollars pour acquérir des startups de technologies éducatives telles que WhiteHat Jr, Aakash, Toppr et Epic.
Byju Raveendran a reconnu jeudi après-midi avoir commis des erreurs, mal anticipé le marché et surestimé le potentiel de croissance. Il a déclaré que l'acquisition agressive par Byju's de plus d'une vingtaine de startups pour se développer sur de nouveaux marchés s'est avérée fatale lorsque le financement s'est tari en 2022. Byju's prévoyait en effet d'entrer en bourse début 2022, plusieurs banquiers d'affaires ayant évalué l'entreprise à 50 milliards de dollars.
Selon Byju's, un grand nombre de ses plus de 100 investisseurs l'avaient encouragé à poursuivre une expansion agressive sur pas moins de 40 marchés. Toutefois, il a ajouté que ces mêmes investisseurs se sont dégonflés lorsque les marchés mondiaux ont chuté à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, entraînant le marché du capital-risque dans une spirale descendante. Aujourd'hui, presque la totalité des investisseurs semble avoir quitté le navire.
Byju Raveendran a déclaré que « bon nombre de ses investisseurs se sont enfuis » et que le départ de trois bailleurs de fonds clés - Prosus Ventures, Peak XV et Chan Zuckerberg Initiative - du conseil d'administration de Byju's l'année dernière a empêché la startup de lever des fonds supplémentaires. Les représentants des trois entreprises susmentionnées ainsi que l'auditeur Deloitte ont quitté le conseil d'administration de la startup au cours de l'année dernière.
Ils ont invoqué des problèmes de gouvernance. Byju's a depuis entamé une procédure d'insolvabilité. Byju's, qui était autrefois la startup indienne la plus précieuse, compte parmi ses bailleurs de fonds BlackRock, UBS, Lightspeed, QIA, Bond, Silver Lake, Verlinvest, Tencent, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, General Atlantic, Tiger Global, Owl Ventures et la SFI de la Banque mondiale. Elle a levé plus de 5 milliards de dollars à ce jour.
Des startups technologiques passent du stade de « licorne à zombie »
Un rapport alarmant sur les startups, publié à la fin de l'année dernière, indique que des startups qui valaient autrefois des milliards de dollars ferment brusquement ou sont vendues pour des sommes dérisoires. Carta, une société qui fournit des services financiers à de nombreuses startups de la Silicon Valley, affirme que 87 des startups enregistrées sur sa plateforme ayant levé au moins 10 millions de dollars ont fermé en octobre 2023, soit deux fois plus que sur l'ensemble de l'année 2022. L'univers des startups technologiques semble confronté à des défis importants qui menacent la survie de milliers d'entre elles.
À titre illustratif, le rapport cite la société de coworking WeWork, qui avait levé 11 milliards de dollars en tant que société privée, la startup de soins de santé OliveAI, la startup spécialisée dans le transport de marchandises Convoy et la startup de construction de maisons Veev. Convoy a levé 900 millions de dollars au cours des dernières années et Veev a amassé 647 millions de dollars. Cependant, toutes deux ont été victimes de la crise qui frappe les startups.
Que ce soit WeWork, OliveAI, Convoy ou encore Veev, toutes ont déposé leur bilan ou ont fermé leurs portes dans la deuxième moitié de 2023. Hopin, une startup qui a levé plus de 1,6 milliard de dollars et a été évaluée à 7,6 milliards de dollars, a vendu son activité principale pour seulement 15 millions de dollars en août 2023. Plastiq, une startup spécialisée dans les technologies financières qui avait réussi à lever 226 millions de dollars, a fait faillite en mai 2023.
Mais qu'est-ce qui explique la vague d'effondrements des startups technologiques ? Le rapport souligne que les problèmes de liquidités sont à l'origine de la vague d'échecs de startups. Elles ne parviennent pas à générer des revenus, puis voient leur trésorerie se tarir. Les efforts de réduction des coûts n'ayant pas d'impact, certaines choisissent de fermer, avant d'être totalement à court d'argent, et de restituer aux investisseurs les capitaux non dépensés.
D'autres startups ont endigué leurs pertes, mais sont incapables de se développer et survivent comme des coquilles "zombies" sans vie. La morosité du secteur a également été masquée par un boom des entreprises axées sur l'IA, qui a suscité un engouement et des financements au cours deux dernières années.
Des startups d'IA surévaluées avec de faibles perspectives de rendement
Perplexity AI, une startup fondée en août 2022 qui propose un moteur de recherche basé sur l'IA, cherche à obtenir une valorisation de 9 milliards de dollars lors de son prochain tour de table. Cette valorisation sera supérieure à celle de 3 milliards de dollars obtenue lors d'un tour de table début 2024. Pourtant, plusieurs rapports soulignent que le moteur de recherche de Perplexity laisse à désirer et qu'il se livre à des pratiques préjudiciables aux éditeurs et aux médias.
Selon les analystes de Goldman Sachs, les entreprises technologiques, les services publics et d'autres sociétés prévoient de dépenser plus de 1 000 milliards de dollars dans l'infrastructure de l'IA au cours des prochaines années. Dans une note récente, des chercheurs de BlackRock Investment Institute affirment que l'IA pourrait être à l'origine d'une transformation comparable à la révolution industrielle. Les investisseurs de base voient eux aussi le potentiel de l'IA.
Mais les analystes du marché mettent en garde contre la frénésie des investissements dans l'IA. Christopher R. Jackson, vice-président senior d'UBS Wealth Management, affirme : « lorsqu'une hausse aussi rapide se produit, il faut être conscient du risque que les investisseurs se soient emballés. Je pense que le problème, en particulier à court terme, est la rapidité avec laquelle les choses ont évolué ». D'autres avertissent qu'un désastre pourrait se produire.
Des analystes affirment que les valorisations de nombreuses startups d'IA se détachent de la réalité. Ils rappellent que c'est ce type de détachement qui a provoqué la bulle Internet à la fin des années 1990. Les investisseurs pensaient qu'Internet, le commerce électronique et la numérisation des entreprises allaient changer le monde. Mais ils ont été déçus. La bulle s'est soldée par un désastre et seules quelques entreprises n'ont pas déposé le bilan à l'époque.
Le problème de nombreux modèles d'IA actuels est qu'ils ne sont tout simplement pas assez puissants pour être tangibles. Une étude publiée cette année par le groupe de réflexion RAND a révélé que 80 % des projets d'IA échouent, soit plus du double du taux enregistré pour les autres projets. Certains dirigeants se plaignent, expliquant que les retombées des projets d'IA sont "lamentables". Selon plusieurs analystes, les rendements ne seront pas à la hauteur.
Les startups qui ont promis des gadgets d'IA révolutionnaires échouent lamentablement. Le Humane AI Pin et le rabbit r1 promettaient un avenir grandiose. Ni l'un ni l'autre n'ont tenu leurs promesses. L'AI Pin ne résout aucun problème et les retours sont supérieurs au nombre de ventes. Le rabbit r1 s'avère être une application Android inintéressant. Et les lunettes Ray-Ban de Meta suscitent de sérieuses préoccupations en matière de protection de la vie privée.
Source : Byju Raveendran, fondateur de Byju's
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