Les Big Tech continuent d'injecter des milliards de dollars dans les projets d'IA
À l'été 2024, les actions de plusieurs entreprises engagées dans la course à l'IA ont connu une baisse importante après les résultats non satisfaisants dans le secteur. Wall Street a sanctionné ces entreprises pour avoir dépensé des sommes colossales afin de développer l'IA, mais pour des résultats qui ne justifiaient pas les coûts. Les actions de Microsoft avaient chuté de 6 % après ses résultats décevants en matière d'IA et les actions de Meta avaient chuté d'environ 3 %.
Mais les inquiétudes des investisseurs ne semblent pas réfréner les ardeurs des géants technologiques. Après la publication des résultats du troisième trimestre 2024, les dirigeants de chaque entreprise ont prévenu les investisseurs que leurs dépenses allaient se poursuivre l'année prochaine, voire s'intensifier. Selon u analyse, rien que Microsoft, Amazon, Meta et Alphabet devraient dépenser plus de 200 milliards de dollars cette année dans le développement de l'IA.
Andy Jassy, PDG d'Amazon, a déclaré que l'IA est « une opportunité d'une ampleur vraiment inhabituelle, peut-être unique dans une vie », comme en témoigne la projection de son entreprise d'un montant record de 75 milliards de dollars de dépenses pour 2024. « Je pense que nos clients, notre entreprise et nos actionnaires se réjouiront à long terme du fait que nous poursuivons nos efforts de manière agressive », a déclaré Andy Jassy aux actionnaires d'Amazon.
Les analystes de l'institut de recherche MoffettNathanson ont qualifié les dépenses d'Amazon de « vraiment stupéfiantes ». De son côté, le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, s'est engagé à accélérer les investissements dans les grands modèles de langage (LLM) et dans d'autres projets futuristes qu'il considère désormais comme essentiels pour l'avenir de son entreprise. Les dépenses d'investissement de Meta pourraient atteindre 40 milliards de dollars cette année.
Le budget d'investissement d'Alphabet, la société mère de Google, a dépassé les attentes de Wall Street et son directeur financier, Anat Ashkenazi, a prévu des augmentations substantielles en 2025. Apple a également promis d'investir dans l'IA, en introduisant une suite de services appelée « Apple Intelligence ». Mais ses résultats financiers relativement faibles ce trimestre n'ont pas été aidés par ses nouveaux produits d'IA, qui pour la plupart n'étaient pas encore arrivés.
Des résultats mitigés et des perspectives faibles concernant les rendements futurs
À l'échelle de l'industrie, les analystes tablent sur plusieurs centaines de milliards de dollars de dépenses d'investissement dans le secteur de l'IA en 2024. Toutefois, les résultats financiers des entreprises au troisième trimestre 2024 ont été mitigés. Les actions d'Amazon et d'Alphabet ont grimpé en flèche après que les entreprises ont dépassé les attentes en matière de bénéfices, en grande partie grâce à la croissance de leurs divisions de cloud computing respectives.
Pour Microsoft, sa performance trimestrielle médiocre n'est pas due au fait que les clients ne faisaient pas la queue pour payer ses offres de cloud et d'IA, mais au fait que l'entreprise n'a pas pu développer ses capacités assez rapidement. « Toute cette demande s'est manifestée assez rapidement. Les centres de données ne se construisent pas du jour au lendemain », a déclaré le PDG Satya Nadella aux investisseurs lors d'un appel sur les résultats trimestriels.
Microsoft a dépensé 14,9 milliards de dollars au cours du trimestre, soit une augmentation de 50 % par rapport à l'année dernière, et un montant supérieur à celui que l'entreprise avait jamais dépensé en biens et équipements au cours d'une seule année avant 2020. La directrice financière de Microsoft, Amy Hood, a également déclaré aux investisseurs que l'entreprise s'efforcerait d'équilibrer la question de l'approvisionnement des centres de données.
Selon un rapport de Bloomberg, l'inquiétude de Wall Street quant à l'emballement des dépenses n'est pas près de s'estomper. Meta a récemment annoncé des pertes d'exploitation de 4,4 milliards de dollars pour Reality Labs, sa division qui fabrique des lunettes de réalité augmentée et d'autres gadgets loin d'être un succès commercial. La société a également dépensé beaucoup pour fabriquer ses modèles d'IA LLama qui visent à concurrencer Google et OpenAI.
Lors de la conférence téléphonique sur les résultats, Mark Zuckerberg a affirmé que ces investissements dans l'IA amélioraient l'activité principale de Meta, à savoir la vente de publicités sur Facebook et Instagram. « Mais les investisseurs resteront nerveux face à tout signe de faiblesse dans le secteur de la publicité, car ils continuent d'attendre un retour sur les plus grands paris de Meta en matière d'IA », a déclaré Jasmine Enberg, analyste principale pour Emarketer.
Les dépenses colossales en matière de centres de données et d'équipements
La ruée vers l'IA entraîne une montée en flèche des investissements dans les infrastructures physiques, les dépenses en centres de données, ordinateurs et autres infrastructures atteignant des sommets. Des données compilées par l'analyste économique américain Joseph Politano, auteur de la lettre d'information Apricitas Economics, montrent comment ces dépenses ont grimpé après le lancement du chatbot d'IA ChatGPT d'OpenAI en novembre 2022.
D'après le rapport, à l'heure actuelle, le montant des investissements dans la construction de centres de données aux États-Unis atteint le chiffre record de 28,6 milliards de dollars par an, soit une hausse de 57 % par rapport à l'année dernière et de 114 % par rapport à il y a seulement deux ans. À titre de comparaison, c'est à peu près autant que ce que l'Amérique dépense pour la construction de restaurants, de bars et de magasins de détail réunis.
Le rapport précise que ce chiffre ne concerne que les bâtiments proprement dits, à l'exclusion des racks massifs d'ordinateurs surpuissants qui constituent le cerveau des centres de données, ainsi que de grandes quantités de câbles, de ventilateurs et d'autres pièces nécessaires au fonctionnement de ce cerveau. Par conséquent, les entreprises ont à nouveau dépensé des dizaines de milliards de dollars pour équiper leurs grands centres de données.
Selon le rapport, en août 2024, les importations nettes américaines de gros ordinateurs (comme ceux utilisés pour la formation à l'IA) ont atteint un nouveau record, et les importations nettes de pièces informatiques, d'accessoires et d'autres composants avaient atteint un record juste le mois précédent. Au total les États-Unis ont importé plus de 65 milliards de dollars dans ces deux catégories en 2023, en plus de l'augmentation de la production nationale.
La majorité de ces nouveaux centres de données, ordinateurs et équipements seraient achetés par des entreprises technologiques, notamment des fournisseurs d'infrastructures informatiques comme Amazon, des sociétés de recherche sur le Web comme Google et des éditeurs de logiciels comme Microsoft. En outre, ces entreprises ont augmenté leurs avoirs nets en immobilisations corporelles de plus de 95 milliards de dollars au cours de l'année écoulée.
Les investissements dans les puces d'IA de pointe
Les investissements des entreprises américaines dans les ordinateurs et les équipements connexes ont atteint un nouveau record dans le contexte du boom de l'IA, avec une hausse de 16,6 % au cours de l'année écoulée, même après ajustement pour tenir compte de l'inflation. En outre, la demande avide de puces d'IA est visible dans la quantité croissante de puces, d'ordinateurs et de composants connexes que les États-Unis importent aujourd'hui de Taïwan.
Joseph Politano rapporte que ces importations ont totalisé plus de 38 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de plus de 140 % par rapport à l'année précédente, et il n'y a aucun signe de ralentissement. Les trois catégories ont connu une croissance rapide, mais ce sont les importations directes américaines de puces logiques qui ont connu la plus forte augmentation relative, passant de niveaux relativement minimes à près de 5 milliards de dollars par an.
Par ailleurs, selon le rapport, bien que les processeurs de données et les sociétés Internet telles que Amazon et Google continuent d'afficher les niveaux d'investissement les plus élevés dans l'espace technologique, ce sont les développeurs de logiciels qui ont connu la croissance d'investissement la plus rapide.
L'investissement réel des éditeurs de logiciels dans la propriété intellectuelle - qui englobe les modèles d'IA eux-mêmes ainsi que la recherche et le développement connexes - a augmenté de 40 % depuis 2021, tandis que l'investissement réel dans le matériel, comme les ordinateurs, a connu une croissance de 96 %.
« L'ère où les principaux développeurs de logiciels étaient des entreprises peu axées sur le matériel a été remplacée par une ère où les développeurs font la course entre eux pour voir qui peut développer les capacités matérielles le plus rapidement », indique le rapport.
L'IA perd de sa popularité et les perspectives de rendements s'amenuisent
L'IA générative a connu une ascension fulgurante depuis fin 2022 et a mobilisé des investissements colossaux. Mais la ferveur commence à baisser. Le cours des actions des sociétés à l'origine de la révolution de l'IA a chuté de 15 % depuis le sommet atteint en juillet 2024. Un nombre croissant d'investisseurs craignent que le rendement ne soit pas à la hauteur des milliards injectés. Les experts s'interrogent sur les limites des grands modèles de langage (LLM). Il apparaît de plus en plus clairement que la machine à faire du battage médiatique sur l'IA générative commence à ralentir, avec un retour à la réalité.
Des dizaines de milliards de dollars ont été dépensés pour développer de modèles d'IA depuis le début du boom de l'IA, mais très peu d'entreprises les utilisent réellement. Selon les chiffres du Bureau du recensement des États-Unis, seuls 4,8 % des entreprises utilisent des modèles d'IA pour produire des biens et des services, contre 5,4 % au début de l'année. C'est à peu près la même proportion qui a l'intention de le faire au cours au cours de l'année prochaine.
Le problème de nombreux modèles d'IA actuels est qu'ils ne sont tout simplement pas assez puissants pour être tangibles. Une étude publiée cette année par le groupe de réflexion RAND a révélé que 80 % des projets d'IA échouent, soit plus du double du taux enregistré pour les autres projets. Certains dirigeants se plaignent, expliquant que les retombées des projets d'IA sont "lamentables". Selon plusieurs analystes, les rendements ne seront pas à la hauteur.
Par ailleurs, des rapports indiquent qu'OpenAI, le leader de la course à l'IA, serait lui-même en difficulté. OpenAI prévoit une perte d'environ 5 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 3,7 milliards de dollars en 2024. Le chiffre d'affaires devrait atteindre 11,6 milliards de dollars pour l'année 2025. OpenAI, qui est soutenu par Microsoft, est actuellement à la recherche d'un financement qui pourrait valoriser la société à plus de 150 milliards de dollars.
Les startups qui ont promis des gadgets d'IA révolutionnaires échouent lamentablement. Le Humane AI Pin et le rabbit r1 promettaient un avenir grandiose. Ni l'un ni l'autre n'ont tenu leurs promesses. L'AI Pin ne résout aucun problème et les retours sont supérieurs au nombre de ventes. Le rabbit r1 s'avère être une application Android inintéressant. Et les lunettes Ray-Ban de Meta suscitent de sérieuses préoccupations en matière de protection de la vie privée.
Au début de l'année, la Securities and Exchange Commission (SEC) a sévit contre des entreprises qui prétendent faussement utiliser l'IA. Delphia et Global Predictions ont été condamnés à une amende totale de 400 000 dollars pour avoir trompé leurs clients en affirmant que leurs produits utilisaient l'IA pour améliorer les prévisions. Ils avaient exagéré ou menti sur leurs sites Web et leurs médias sociaux quant à l'utilisation de l'IA dans leurs activités.
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