
selon une étude de l’université de Stanford
L'adoption des outils d'écriture assistée par l'IA révèle un paradoxe surprenant : loin de suivre la tendance classique où les innovations technologiques sont d'abord adoptées par les populations les plus instruites, ces outils semblent se répandre plus rapidement dans les régions où le niveau d'éducation est moins élevé. Cette observation suscite des débats quant à la nature même de l'écriture et de la pensée critique dans un monde où les machines peuvent désormais générer du texte avec une aisance déconcertante.
Certains voient dans cette adoption un moyen d'égaliser les opportunités, permettant à des individus moins à l'aise avec l'expression écrite d'articuler leurs idées de manière plus efficace. D'autres s'inquiètent du risque de dépendance à des outils qui formatent la pensée et limitent le développement des compétences linguistiques fondamentales. À l'instar des artistes qui apprennent en imitant les maîtres, l'écriture repose sur un apprentissage progressif où la structure des phrases, le choix des mots et la cohérence des idées se construisent par la pratique. Or, si l'IA facilite la rédaction, elle ne garantit pas nécessairement l'acquisition de ces compétences.
Derrière cette transformation, se pose aussi la question de la qualité et de l'authenticité du langage. L'automatisation de la rédaction ne risque-t-elle pas de produire des textes standardisés, appauvrissant la diversité et la richesse de l'expression humaine ? En somme, l'essor de l'IA dans l'écriture interroge notre rapport au langage, à l'apprentissage et à l'autonomie intellectuelle, soulevant des enjeux bien plus profonds que la seule adoption technologique.
Près d'un quart des communications professionnelles assistées par des modèles linguistiques
Une étude récente de l'université de Stanford, menée sur plus de 300 millions d'échantillons de textes issus de divers secteurs, révèle que les modèles d'intelligence artificielle (IA) contribuent désormais à près d'un quart des communications professionnelles. L'impact est particulièrement notable dans les régions des États-Unis où le niveau d'éducation est plus faible.
« Nos travaux mettent en évidence une nouvelle réalité où les entreprises, les consommateurs et même les organisations internationales s’appuient de plus en plus sur l’IA générative pour leurs communications », expliquent les chercheurs.
L’étude a suivi l’adoption des grands modèles de langage (LLM) dans différentes industries entre janvier 2022 et septembre 2024. Elle repose sur un ensemble de données comprenant 687 241 plaintes de consommateurs soumises au Bureau américain de protection financière des consommateurs (CFPB), 537 413 communiqués de presse d’entreprises, 304,3 millions d’offres d’emploi et 15 919 communiqués de presse de l’Organisation des Nations unies.
Grâce à un système d’analyse statistique basé sur les schémas d’utilisation des mots, les chercheurs ont constaté que l’IA était impliquée dans environ 18 % des plaintes liées aux produits financiers (atteignant 30 % en Arkansas), 24 % des communiqués de presse d’entreprises, jusqu’à 15 % des offres d’emploi et 14 % des communiqués de presse de l’ONU durant la période étudiée.
L’étude met également en évidence un taux d’adoption plus élevé de ces outils en milieu urbain (18,2 % contre 10,9 % en zones rurales). Toutefois, les régions à faible niveau d’éducation utilisent plus fréquemment l’IA pour la rédaction assistée (19,9 % contre 17,4 % dans les zones où le niveau d’éducation est plus élevé). Ce constat surprend, car l’adoption des nouvelles technologies est habituellement plus rapide parmi les populations les plus instruites.
« Dans le domaine des réclamations des consommateurs, la répartition géographique et démographique de l'adoption des LLM diffère des tendances classiques, où l’innovation technologique est généralement d’abord adoptée dans les zones urbaines et parmi les populations les plus éduquées et à revenu élevé », soulignent les chercheurs.
L’étude, intitulée The Widespread Adoption of Large Language Model-Assisted Writing Across Society, a été réalisée par des chercheurs de Stanford, de l’université de Washington et de l’université Emory.
Vers une standardisation de l’IA dans la communication institutionnelle et commerciale
L’ensemble de données des chercheurs comprend 687 241 plaintes de consommateurs, 537 413 communiqués de presse d'entreprises, 304,3 millions d'offres d'emploi et 15 919 communiqués de presse de l'Organisation des Nations Unies (ONU). En utilisant un cadre statistique robuste au niveau de la population, ils constatent que l'utilisation du LLM a bondi après la publication de ChatGPT en novembre 2022.
À la fin 2024, environ 18 % des textes de plaintes de consommateurs financiers semblent être assistés par LLM, avec des modèles d'adoption largement répandus dans les régions et légèrement plus élevés dans les zones urbaines.
Pour les communiqués de presse des entreprises, jusqu'à 24 % du texte est attribuable aux LLM. Dans les offres d'emploi, la rédaction assistée par un LLM représente un peu moins de 10 % dans les petites entreprises et est encore plus fréquente dans les jeunes entreprises. Les communiqués de presse des Nations unies reflètent également cette tendance, avec près de 14 % du contenu généré ou modifié par des LLM. Bien que l'adoption ait augmenté rapidement après ChatGPT, la croissance semble s'être stabilisée d'ici 2024, reflétant soit la saturation de l'adoption des LLM, soit la subtilité croissante des modèles plus avancés.
létude montre l'émergence d'une nouvelle réalité dans laquelle les entreprises, les consommateurs et même les organisations internationales s'appuient largement sur l'IA générative pour leurs communications.
Les grands modèles de langage : révolution ou menace pour la communication ?
L’essor des grands modèles de langage marque un tournant majeur dans le domaine de l’intelligence artificielle, en apportant des capacités inédites en traitement et génération du langage naturel. Leur adoption rapide suscite à la fois de l’enthousiasme et des préoccupations.
D’un côté, ces modèles promettent d’améliorer la productivité, notamment dans le domaine de l’écriture, en facilitant la création de contenu, y compris pour les locuteurs non natifs. De l’autre, ils soulèvent des inquiétudes : les décideurs politiques redoutent une perte de confiance, des biais discriminatoires et un impact sur l’emploi ; les entreprises s’interrogent sur la fiabilité et la protection des données ; les universitaires débattent des conséquences pour la recherche et l’enseignement ; et le grand public craint la désinformation, les deepfakes et les atteintes à l’authenticité. De plus, la question de l’accessibilité inégale à ces technologies, et son impact sur les inégalités socio-économiques, vient complexifier le débat.
Si certaines adoptions précoces ont été médiatisées et que plusieurs études se sont intéressées à l’usage des LLM à l’échelle individuelle, il manque encore une analyse systématique de leur adoption à grande échelle. Jusqu’à présent, les recherches sur le sujet s’appuyaient principalement sur des détecteurs d’IA commerciaux en boîte noire et se limitaient à des secteurs spécifiques ou à des jeux de données restreints.
Pour combler cette lacune, les chercheurs ont mené la première étude systématique à grande échelle sur l’intégration des LLM dans les communications des consommateurs, des entreprises et des institutions. Leur analyse repose sur un cadre statistique validé par des travaux antérieurs, offrant une meilleure robustesse et transparence que les outils commerciaux, tout en étant moins coûteux. Ce cadre permet de suivre les tendances d’adoption et d’identifier les facteurs démographiques et organisationnels influençant l’intégration de ces technologies.
L’étude s’est concentrée sur quatre domaines clés où les LLM peuvent transformer la communication et la prise de décision : les plaintes des consommateurs, les communiqués de presse des entreprises, les offres d’emploi et les communiqués de presse des Nations Unies.
Évolution temporelle de l’adoption des grands modèles de langage dans différents domaines de rédaction
Cette analyse examine l’intégration des LLM dans quatre secteurs clés en mesurant la proportion de contenu généré ou substantiellement modifié par ces modèles :
[LIST][*]Plaintes des consommateurs : Avant le lancement de ChatGPT (novembre 2022), le taux de faux positifs algorithmiques était de 1,5 %. Une adoption progressive du LLM a ensuite été observée, atteignant 15,3 % en août 2023, avant de se stabiliser autour de 17,7 % jusqu’en août 2024.[*]Communiqués de presse des entreprises : Les tendances d’adoption se révèlent similaires sur plusieurs plateformes :
- Newswire : Forte augmentation jusqu’à 24,3 % en décembre 2023, avant une stabilisation à 23,8 % jusqu’en septembre 2024 ;
- PRNewswire : Adoption atteignant un pic de 16,4 % en décembre 2023, puis maintien à 16,5 % jusqu’en septembre 2024 ;
- PRWeb : Évolution comparable avec des données disponibles jusqu’en janvier 2024.
[LIST][*]Une adoption initiale rapide, passant de 3,1 % au[/*]...
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