
les autorités chinoises craignent un mécanisme permettant l'accès et le contrôle de la puce à distance
Nvidia tente de relancer ses ventes en Chine afin de faire de l'ombre à la montée en puissance du géant Huawei. Mais les ambitions de Nvidia se heurtent à la méfiance des autorités chinoises : elles affirment que les puces H20 destinées au marché chinois pourraient comporter une sorte de porte dérobée. Elles rappellent que « des experts américains en IA avaient révélé que les puces de calcul de Nvidia sont dotées d'un système de localisation et qu'elles peuvent arrêter la technologie à distance ». Les autorités chinoises demandent à Nvidia de faire la lumière sur les problèmes de sécurité présumés de ses puces H20. Nvidia réfute ces allégations.
Les États-Unis tentent ouvertement de ralentir les progrès de la Chine dans le secteur de l'IA. Ils ont restreint les exportations de technologies américaines vers la Chine et limité la coopération avec les universités et chercheurs chinois. Toutefois, Nvidia a prévenu que ces restrictions pourraient à la longue s'avérer préjudiciables pour les États-Unis. La société dirigée par Jensen Huang a obtenu l'autorisation d'exporter une puce d'IA « bridée » vers la Chine.
Les États-Unis ont annulé en juillet 2025 l'interdiction imposée quatre mois plus tôt à Nvidia de vendre la puce H20 à la Chine. L'entreprise a développé la puce H20 spécialement pour le marché chinois après que les États-Unis ont imposé des restrictions à l'exportation des puces d'IA avancées fin 2023.
Mais les autorités chinoises sont méfiantes. La Cyberspace Administration of China (CAC), l'autorité de régulation d'Internet en Chine, s'est dite préoccupé par une proposition américaine visant à équiper les puces vendues à l'étranger de fonctions de contrôle et de localisation. Cela a jeté le doute sur les perspectives commerciales de la société américaine en Chine, quelques semaines après la levée de l'interdiction d'exportation imposée par les États-Unis.
La Maison Blanche et le Congrès ont proposé d'exiger des fabricants américains de puces qu'ils intègrent un mécanisme de vérification de l'emplacement dans leurs puces dans le but d'empêcher leur détournement vers des pays où les lois américaines sur les exportations interdisent leur vente. Les projets de loi distincts et la recommandation de la Maison Blanche ne sont pas encore devenus une règle officielle, et aucune exigence technique n'a été établie.
Le régulateur chinois a déclaré avoir convoqué Nvidia à une réunion le 31 juillet 2025 afin que l'entreprise explique si sa puce H20 présente des risques de sécurité liés à des portes dérobées. Il a ajouté qu'il craigne que les données des utilisateurs chinois et leurs droits à la vie privée ne soient affectés. (Un risque lié à une porte dérobée fait référence à une méthode cachée permettant de contourner les contrôles d'authentification ou de sécurité normaux.)
La Chine est-elle désormais en mesure de se passer des puces de Nvidia ?
Dans un communiqué, un porte-parole de Nvidia a déclaré : « la cybersécurité est d'une importance capitale pour nous. Nvidia n'a pas de « portes dérobées » dans ses puces qui permettraient à quiconque d'y accéder ou de les contrôler à distance ». Soulignons que le régulateur chinois n'a pas précisé quels experts américains avaient trouvé « une porte dérobée » dans les produits de Nvidia ni si des tests effectués en Chine avaient abouti aux mêmes résultats.
Paul Triolo, expert en technologie chinoise et partenaire du DGA-Albright Stonebridge Group, s'est dit sceptique quant aux allégations selon lesquelles une porte dérobée aurait été délibérément intégrée dans le matériel Nvidia, soulignant le manque de détails dans l'annonce. Les autorités chinoises et les associations industrielles ont par le passé accusé les entreprises américaines de présenter des risques pour la sécurité, avec des conséquences variables.
Début 2023, la Chine a interdit aux principaux opérateurs d'infrastructures du pays d'acheter des produits Micron, affirmant qu'un examen qu'elle avait mené avait révélé que les produits du fabricant américain de puces mémoire présentaient de graves risques pour la sécurité. L'année dernière, l'Association chinoise pour la cybersécurité, un groupe industriel, a demandé que les produits Intel vendus en Chine soient soumis à un examen de sécurité.
Nvidia fait l'objet d'une enquête antitrust en Chine. L'Administration d'État pour la régulation du marché a annoncé fin 2024 qu'elle enquête sur le fabricant de puces pour violation présumée de la loi anti-monopole du pays. Nvidia est aussi soupçonné d'avoir violé les engagements pris lors de l'acquisition du concepteur de puces israélien Mellanox Technologies. Selon certains critiques, la Chine pourrait vouloir restreindre l'accès de Nvidia à son marché.
« Les puces Nvidia ne sont désormais plus indispensables pour la Chine. Elles peuvent facilement être mises sur la table des négociations. La Chine dispose manifestement de plus de courage et de capacités de substitution nationale par rapport aux années précédentes pour ne plus dépendre des technologies étrangères », a déclaré Tilly Zhang, analyste chez Gavekal Dragonomics. Le PDG de Nvidia, Jensen Huang, s'est rendu en Chine cette année.
Jensen Huang a cherché à démontrer son engagement envers le marché chinois, a rencontré des représentants du gouvernement et a salué les progrès du pays en matière d'IA. La déclaration du régulateur chinois ne précise pas les risques de sécurité potentiels ni ce que le gouvernement chinois envisage de faire en conséquence. Pour certains, il pourrait s'agir d'une réponse aux allégations similaires formulées par États-Unis au sujet des géants chinois.
Le PDG de Nvidia averti que les concurrents chinois deviennent redoutables
Dans une interview accordée à Bloomberg en mai, Jensen Huang a déclaré que les rivaux chinois comblent le vide laissé par les entreprises américaines contraintes d'abandonner ce marché en raison des restrictions commerciales imposées par les États-Unis. Les analystes avertissent depuis des années que les restrictions américaines pourraient avoir un effet inverse à celui recherché, en favorisant l'innovation et en consolidant le pouvoir des géants chinois.
Lors de l'interview, Jensen Huang a déclaré que l'industrie technologique chinoise devient plus puissante. « Les concurrents chinois ont évolué », a déclaré Jensen Huang. Il a ajouté que le géant chinois Huawei qui figurait sur la liste noire du gouvernement américain est devenu « tout à fait redoutable ». Jensen Huang a affirmé : « comme tout le monde, ils doublent, voire quadruplent leurs capacités chaque année. Et le volume augmente considérablement ».
Jensen Huang a souligné que l'écart entre les performances des produits américains et leurs alternatives chinoises se réduit. La dernière puce d'IA de Huawei offre des « performances similaires » à celles de la puce H200 de Nvidia, un composant qui était à la pointe de la technologie jusqu'à son remplacement ces derniers mois. En vertu des restrictions, Nvidia ne peut pas expédier sa puce H20 en Chine. Ce composant clé est une version dégradée du H200.
Jensen Huang explique à propos de cette puce : « il n'est pas possible de dégrader davantage les capacités du produit. Nvidia envisage des alternatives potentielles au H20, mais n'a pas de puce prévue pour l'instant. Lorsqu'elle le fera, l'entreprise devra demander l'autorisation de Washington. Il ne faut pas sous-estimer l'importance du marché chinois. C'est là que se trouve la plus grande population de chercheurs en intelligence artificielle au monde ».
Selon plusieurs rapports, l'industrie chinoise se tourne de plus en plus vers les alternatives offertes par Huawei. Ainsi, les restrictions américaines pourraient non seulement favoriser la Chine dans la course mondiale à l'IA, mais aussi transformer Huawei en une puissance mondiale en matière de puce d'IA.
Les sanctions des États-Unis pourraient nuire à leurs propres entreprises
La stratégie des États-Unis consiste à bloquer l'approvisionnement de la Chine en puces d'IA pour ralentir ses progrès en matière d'IA. En 2018, Donald Trump avait lancé une guerre commerciale contre la Chine, en imposant des droits de douane et des restrictions sur les exportations de technologies de pointe, notamment contre Huawei. Ces mesures strictes ont été maintenues par son successeur Joe Biden, et certaines se sont retrouvées renforcées.
L'administration Trump a annoncé le 15 avril 2025 qu'elle prend des mesures pour restreindre la vente de puces d'IA par Nvidia, AMD et Intel. Ces mesures ont essentiellement fermé la porte à une activité en plein essor en Chine, qui achète plus de puces que n'importe quel autre pays. Deux jours après, les actions de Nvidia, premier fabricant mondial de puces d'IA, ont chuté de 8,4 %. Les actions d'AMD ont chuté d'environ 7,4 % et celles d'Intel de 6,8 %.
En 2022, l'administration Biden a commencé à imposer des règles visant à restreindre la capacité de la Chine à acheter des puces d'IA de Nvidia. L'administration Biden a ajouté des restrictions supplémentaires chaque année suivante. En avril 2025, l'administration Trump a bloqué la dernière puce d'IA que Nvidia vendait sur le marché chinois, la puce H20, en déclarant qu'elle était dans l'intérêt de la sécurité nationale et économique du gouvernement.
L'industrie américaine des puces a fait pression sur Washington pour qu'il assouplisse les restrictions sur la vente de puces informatiques de pointe à la Chine. Mais leurs efforts ont échoué et les fabricants américains de puces se retrouvent privés du vaste marché chinois, ce qui est à l'avantage de Huawei.
Mais Jensen Huang ne baisse pas les bras. Il a rencontré les dirigeants chinois lors d'un événement en Chine le 17 avril 2025 et a souligné l'importance de ce pays pour son entreprise. « Nous allons continuer à faire des efforts considérables pour optimiser nos produits qui sont conformes à la réglementation et continuer à servir le marché chinois », a déclaré Jensen Huang lors d'une réunion avec le Conseil chinois pour la promotion du commerce international.
Huawei pourrait devenir une puissance mondiale en matière de puce d'IA
Selon Gregory C. Allen, directeur du Wadhwani AI Center au Center for Strategic and International Studies, la génération précédente de puces de Nvidia est environ 40 % plus performante que le meilleur produit de Huawei. Toutefois, cet écart pourrait s'amenuiser si Huawei s'empare des affaires de ses rivaux américains. Nvidia devrait réaliser plus de 16 milliards de dollars de chiffre d'affaires cette année grâce au H20 en Chine avant la restriction.
Huawei pourrait utiliser cet argent pour embaucher des ingénieurs plus expérimentés et fabriquer des puces de meilleure qualité. D'après Gregory Allen, les restrictions américaines pourraient également aider Huawei à attirer des clients locaux comme DeepSeek, une startup chinoise leader dans le domaine de l'IA. Travailler avec ces entreprises pourrait aider Huawei à améliorer les logiciels qu'il développe pour contrôler ses puces électroniques.
Ce type d'outils a été l'un des points forts de Nvidia au fil des ans. Selon Dylan Patel, analyste en chef de la société de recherche SemiAnalysis, pour empêcher Huawei de gagner du terrain, les autorités américaines doivent empêcher la Chine d'acheter des équipements américains de fabrication de puces.
« Le gouvernement américain autorise certaines entreprises chinoises à acheter des machines américaines. Les entreprises chinoises ont exploité cette faille », affirme Dylan Patel. SemiAnalysis a rapporté que des sociétés chinoises agréées par Washington ont acheté des équipements américains et les ont transférés à des entreprises chinoises qui n'avaient pas le droit de les acheter. « Huawei est un concurrent féroce », a fait savoir Dylan Allen.
Certains analystes affirment que l'industrie chinoise des puces finira par surmonter les obstacles qu'elle rencontre actuellement. On ne sait pas ce qui se passera si (ou plutôt quand) les fabricants chinois d'équipements de lithographie construisent leurs propres systèmes de lithographie DUV (ou se contentent de copier ceux mis au point par le géant néerlandais). D'une part, ils pourraient simplement réduire leurs achats auprès d'ASML.
D'autre part, ils pourraient commencer à vendre ces outils en dehors de la Chine, entrant ainsi en concurrence avec ASML. S'il est peu probable que la Chine construise bientôt une machine semblable au Twinscan NXT:2000i d'ASML, il pourrait être plus facile de reproduire quelque chose de moins avancé.
Et vous ?


Voir aussi



Vous avez lu gratuitement 1 324 articles depuis plus d'un an.
Soutenez le club developpez.com en souscrivant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.
Soutenez le club developpez.com en souscrivant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.