
affirmant qu'elle est « trompeuse »
Selon Google, le traitement d'un prompt par son IA Gemini consomme l'équivalent de 9 secondes de visionnage de télévision et 5 gouttes d'eau. L'entreprise prétend ainsi que l'énergie consommée par un prompt a été divisée par 33 au cours de la seule année 2024. Mais les experts affirment que cette estimation véhicule « un message erroné au monde entier ». Leur principale préoccupation concerne l'omission apparente par Google de la consommation indirecte d'eau dans ses données. Entre autres, Google ne tient pas compte de l'eau utilisée pour produire l'électricité qui alimente les centres de données, ce que les experts jugent malhonnête.
L'IA change notre façon de travailler et de penser, mais elle accélère également la consommation des ressources précieuses telles que l'eau. Les ressources de la planète étant limitées, ce n'est pas une bonne chose. Les craintes relatives à la consommation d'électricité et d'eau par l'IA se sont accentuées en 2023 ; une étude notable suggérait que l'IA générative pourrait consommer autant d'électricité qu'un pays de la taille des Pays-Bas d'ici 2027.
Depuis lors, de nombreuses études ont été menées sur le sujet, et sont parfois contradictoires. Les PDG des entreprises d'IA ont aussi formulé une multitude de réfutations. Cela n'a rien de surprenant, car jusqu'à présent, le boom de l'IA a principalement consisté à créer un engouement et à apaiser les inquiétudes.
Alors que le débat s'intensifie, une nouvelle étude publiée par Google vise à mesurer l'impact environnemental de son IA Gemini. Rédigée par une poignée d'experts de Google et abondamment référencée, cette étude avance des affirmations audacieuses. L'étude de Google suggère notamment qu'un prompt (ou instruction générative) de texte moyen de l'IA Gemini consomme « moins d'énergie que neuf secondes de télévision », soit environ 0,24 Wh.
Elle suggère également que la consommation d'eau pour un prompt de texte n'est que d'environ cinq gouttes, soit 0,26 ml. L'étude avance également que, au cours de l'année dernière, Google a réussi à « réduire de 33 fois la consommation d'énergie et de 44 fois l'empreinte carbone » des prompts textuels de Gemini. Mais les experts contestent ces conclusions. Plusieurs d'entre eux affirment que « l'évaluation de Google est hautement trompeuse ».
L'étude de Google sur l'impact environnemental de Gemini jugée trompeuse
Selon Google, l'étude couvre l'ensemble de l'infrastructure de service d'IA, qui comprend la puissance active des accélérateurs, l'énergie des systèmes hôtes, la capacité des machines inactives et les frais généraux liés aux centres de données. Il s'agit d'une étude de Google portant sur les pratiques de Google. L'article n'a pas fait l'objet d'une évaluation par des pairs ; il est vivement critiqué par des experts indépendants, qui le qualifient de malhonnête.
Shaolei Ren, professeur agrégé en génie électrique et informatique à l'université de Californie à Riverside et auteur d'un article cité dans le rapport de Google, rejette les arguments avancés par Google. Ses préoccupations portent sur l'absence de mesure de la consommation indirecte d'eau dans les estimations de Google.
Si le système de refroidissement par eau d'un centre d'IA est au centre de l'étude, celle-ci ne tient pas compte de l'eau utilisée pour produire l'électricité qui alimente les centres de données. « Ils cachent simplement les informations essentielles. Cela envoie vraiment un mauvais message au monde entier », a-t-il déclaré.
Alex de Vries-Gao, doctorant à l'Institut d'études environnementales de l'Université libre d'Amsterdam, a également publié un article référencé dans le rapport de Google. Il a souligné : « on ne voit en fait que la partie émergée de l'iceberg en matière d'estimations de la consommation d'eau ». Selon les experts, l'étude de Google pose un autre problème majeur. L'entreprise mesure ses émissions de carbone selon une approche « basée sur le marché ».
En d'autres termes, cela signifie que le public n'obtient pas de chiffres bruts, mais des chiffres filtrés par un système complexe d'engagements pris par Google en faveur du développement des énergies renouvelables aux États-Unis. Google aurait dû utiliser une mesure basée sur la localisation pour calculer les émissions.
Selon Shaolei Ren et Alex de Vries-Gao, cela permettrait de se concentrer sur l'impact d'un centre de données sur le réseau électrique local, plutôt que sur une vision diluée basée sur le marché. Shaolei Ren dénonce également le manque d'informations précises de la part de Google sur la manière dont il a calculé sa médiane de texte. Selon le professeur, « si l'on regarde les chiffres totaux publiés par Google, la situation est en réalité très mauvaise ».
Les charges de travail liées à l'IA deviendront-elles efficaces avec le temps ?
Google n'est pas la seule entreprise dont la consommation d'énergie et les besoins en eau pour le refroidissement des serveurs ont explosé avec l'essor de l'IA. Pour parler franchement, il n'existe pas d'IA respectueuse de l'environnement. Les centres de données gigantesques nécessaires au fonctionnement des modèles d'IA consomment de l'eau et de l'électricité à un rythme effréné ; il n'existe pour le moment aucun moyen de contourner ce problème.
Bien que la consommation de 0,26 ml par prompt revendiquée par Google reste nettement inférieure à la moyenne de 2,2 ml mesurée sur site par l'université UC Riverside pour les centres de données américains, Shaolei Ren souligne que ces chiffres ont été publiés pour la première fois en 2023.
Si Google a réellement réussi à réduire l'empreinte énergétique de Gemini de 33 fois en un an, cela impliquerait que le modèle était également beaucoup moins économe en eau au moment où l'équipe de Shaolei Ren a publié ses résultats. « L'idée que les charges de travail de l'IA deviendraient plus efficaces avec le temps n'est pas surprenante », a-t-il déclaré. L'équipe avait prédit des améliorations en matière de consommation d'eau et d'énergie.
Selon plusieurs rapports, depuis le début de l'année, la consommation d'électricité aux États-Unis a augmenté de près de 4 % par rapport à la même période l'année dernière. Cette hausse intervient après plusieurs décennies de consommation pratiquement stable, un changement qui a été associé à l'expansion rapide des centres de données. Et bon nombre de ces centres de données sont construits pour répondre à l'essor de l'utilisation de l'IA.
Étant donné qu'une partie de cette demande croissante est satisfaite par une utilisation accrue du charbon (en mai 2025, la part du charbon dans la production d'électricité avait augmenté d'environ 20 % par rapport à l'année précédente), l'impact environnemental de l'IA semble assez négatif.
Google ne tient pas non plus compte de l'impact de la formation initiale des modèles d'IA. Bien que Google n'ait publié aucune évaluation de ces impacts, Mistral, une startup française spécialisée dans l'IA, a précédemment indiqué que la formation de son modèle Large 2 avait entraîné la production d'environ 20,4 kilotonnes de dioxyde de carbone et consommé 281 000 mètres cubes d'eau, soit l'équivalent d'environ 112 piscines olympiques.
Les entreprises utilisent des mesures minimisant leur impact environnemental
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) rapporte que 60 % de la consommation d'eau des centres de données provient de sources indirectes, comme l'eau nécessaire au refroidissement des installations électriques et utilisée pour produire de la vapeur afin de faire tourner leurs turbines. Selon les experts, les mesures utilisées par Google et ses rivaux de la course à l'IA minimisent leur consommation d'eau, et donc leur impact environnemental.
Et si ce chiffre de 0,26 ml annoncé par Google peut sembler relativement insignifiant en soi, il convient de noter que de nombreux centres de données modernes sont souvent construits dans les régions les plus arides du monde, où même quelques gouttes par requête, multipliées par le nombre considérable de prompts qu'ils reçoivent, ont un impact significatif sur l'approvisionnement local. En Europe, les experts ont récemment tiré la sonnette d'alarme.
Selon la société d'analyse de données et de conseil GlobalData, la demande en eau pour refroidir les centres de données pourrait dépasser les ressources disponibles dans certaines régions. La situation fait craindre une pénurie d'eau en Europe après un été exceptionnellement chaud et sec, marqué par d'intenses vagues de chaleur dans le sud du continent. Des voix s'élèvent pour dénoncer la pollution des nappes phréatiques par les centres de données.
Un rapport datant de 2024 suggérait que Microsoft et Google consommaient chacun plus d'électricité que 100 pays, selon des calculs combinant l'IA, les services cloud... Les besoins énergétiques de Microsoft ont ensuite augmenté de 168 % en raison de l'IA, compromettant ses plans de neutralité carbone pour 2030.
Si l'on se concentre sur OpenAI, le principal partenaire de Microsoft en matière d'IA et créateur de ChatGPT, son dernier modèle GPT-5 est particulièrement gourmand en énergie, consommant quotidiennement suffisamment d'électricité pour alimenter 1,5 million de foyers américains. Cela représente en moyenne environ 18 Wh par prompt traité par GPT-5, selon les conclusions du laboratoire d'IA de l'université du Rhode Island, aux États-Unis.
Avec environ 2,5 milliards de prompts par jour, il faut compter environ 45 GWh d'électricité pour faire fonctionner le système. À titre de référence, les réacteurs nucléaires modernes peuvent produire entre 1 et 1,6 GW d'électricité par heure. Bien que ces conclusions reposent sur plusieurs hypothèses, notamment que GPT-5 consomme 40 Wh d'électricité pour générer une réponse de longueur moyenne, GPT-4o semble plus écologique en comparaison.
L'efficacité apparente de ChatGPT d'OpenAI est également remise en question
En juin 2025, le PDG d'OpenAI, Sam Altman, a révélé la facture énergétique de ChatGPT et a déclaré qu'une requête ChatGPT moyenne consommait environ 0,34 wattheure, soit à peu près « ce qu'un four consommerait en un peu plus d'une seconde, ou ce qu'une ampoule à haute efficacité consommerait en quelques minutes ». Il a ajouté qu'une requête ChatGPT consomme « environ 0.32176 ml d'eau, soit environ un quinzième d'une cuillère à café ».
À priori, cela semble relativement insignifiant, même si l'on multiplie ce chiffre à grande échelle pour tenir compte des milliards de requêtes potentielles. Cependant, tout comme les affirmations de Google, examiner des mesures individuelles et les utiliser comme indicateur de l'impact environnemental global de l'IA semble être une simplification excessive d'une question très complexe. Selon les experts, l'industrie devrait instaurer des normes d'évaluation.
Si des progrès semblent avoir été réalisés en matière d'efficacité énergétique et de consommation d'eau de l'IA, dès que l'on tient compte de l'ampleur de l'expansion des centres de données et du déficit énergétique apparent dans lequel elle s'inscrit, le tableau commence à paraître beaucoup moins rose.
Impacts de l'appétit énergétique de l'IA générative sur le grand public
Le public est de plus en plus frustré par l'augmentation des factures d'énergie. Dans l'Ohio, la facture d'électricité d'un ménage type a augmenté d'au moins 15 dollars par mois cet été à cause des centres de données, tandis que les entreprises énergétiques se préparent à un changement radical de la demande en forte hausse. En outre, la relance de vieilles centrales électriques et les sources d'énergie polluantes exposent le public à de nombreux risques.
En juillet 2025, la startup xAI d'Elon Musk a obtenu un permis d'émission atmosphérique à Memphis. Le centre de données qui abrite le supercalculateur Colossus de xAI est autorisé à exploiter 15 turbines à méthane. Le permis impose à xAI le respect d'une série de règles visant à minimiser la pollution et l'installation d'équipements de contrôle de dernière génération, mais la décision suscite l'indignation du public et des responsables environnementaux.
Ces derniers affirment que les générateurs qui alimentent le supercalculateur de Colossus de xAI polluent leurs quartiers. Selon les plaintes des communautés locales, l'installation de xAI libère une panoplie de gaz toxiques pour l'homme, dont le formaldéhyde, un agent cancérigène connu. Certaines entreprises se précipitent pour relancer les vieilles centrales à charbon pour répondre aux besoins de l'IA, accentuant ainsi les niveaux de pollution.
De plus, certains centres de données nécessitent d'énormes quantités d'eau pour refroidir les serveurs, ce qui accroit la pression sur les sources d'eau et pollue les nappes phréatiques. Lors des journées chaudes, un seul centre de données peut utiliser des millions de litres d'eau. Selon une étude, les centres de données pour l'IA pourraient consommer une quantité d'eau phénoménale d'ici à 2027, soit environ 6 435 milliards de litres d’eau dans le monde.
Selon les observateurs, peu d'endroits illustrent cette tension aussi clairement que la Géorgie, l'un des marchés des centres de données qui connaît la croissance la plus rapide aux États-Unis et dans le monde. Les centres de données sont accusés de polluer les nappes phréatiques dans les zones rurales de l'État.
Conclusion
Le rapport de Google élargit davantage les connaissances sur l'utilisation des ressources par l'IA. Il fait suite à la pression croissante exercée récemment sur les entreprises pour qu'elles divulguent davantage d'informations sur l'impact énergétique de cette technologie. Selon le rapport, l'empreinte énergétique et carbone totale du prompt textuel médian des applications Gemini a diminué respectivement de 33 et 44 fois au cours de l'année écoulée.
Cependant, il y a encore des détails que Google ne partage pas dans ce rapport. L'une des principales interrogations concerne le nombre total de requêtes que Gemini reçoit chaque jour, ce qui permettrait d'estimer la demande énergétique totale de l'outil d'IA. En fin de compte, c'est toujours l'entreprise qui décide quelles informations partager, quand et comment. Les experts appellent à des législations qui exigeraient la divulgation de ces données.
Sources : Google, rapport d'étude (PDF)
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