
sur l’usage réel de son chatbot IA par 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires
En moins de trois ans, ChatGPT est devenu un outil quotidien pour près de 10 % de la population adulte mondiale. Mais que font réellement ces centaines de millions d’utilisateurs avec un chatbot conversationnel ? Une vaste étude conjointe de chercheurs de Harvard, Duke et d’OpenAI, croisée avec les chiffres récemment dévoilés par l’entreprise, dresse un portrait nuancé : l’IA est moins un robot de bureau qu’un compagnon polyvalent pour écrire, apprendre, demander conseil… et parfois s’amuser.
L’histoire retiendra que ChatGPT, lancé en novembre 2022, a connu la plus rapide diffusion mondiale jamais observée pour une technologie grand public après avoir atteint 100 millions d'utilisateurs actifs mensuels (MAU) en deux mois. Il a fallu neuf mois à TikTok pour atteindre le même niveau d'utilisateurs ; Instagram a pris deux ans et demi ; et Spotify n'a amassé que 100 millions de MAU après quatre ans et demi, selon le rapport, citant des données de la société d'analyse de données Similar Web.
Dès juillet 2025, le service enregistrait 700 millions d’utilisateurs actifs chaque semaine, soit environ 10 % de la population adulte mondiale. Ces utilisateurs génèrent près de 18 milliards de messages hebdomadaires, soit 29 000 interactions par seconde.
Pour comparaison, Facebook avait mis plus de quatre ans pour atteindre un tel niveau d’usage ; l’essor de Google Search ou d’Instagram paraît presque lent face à cette courbe de croissance. OpenAI a confirmé que l’audience est véritablement mondiale, avec une percée spectaculaire dans les pays à revenu faible et intermédiaire, où l’IA devient souvent un substitut ou un complément aux infrastructures éducatives et informationnelles déficientes.
Temps qu'il a fallu à certains services/plateformes en ligne pour atteindre 1 million d'utilisateurs
Le grand basculement : quand l’usage personnel dépasse le professionnel
Les auteurs de l'étude se sont intéressés à l'utilisation faite de ChatGPT.
Contrairement à l’image d’un assistant de bureau ou d’un copilote de productivité, la majorité des usages de ChatGPT se situe hors du monde du travail. En juin 2024, 53 % des conversations n’étaient pas liées à l’emploi ; un an plus tard, cette proportion atteignait 73 %.
Cette inversion n’est pas due à l’arrivée de nouveaux profils « amateurs », mais bien à une évolution des pratiques au sein de chaque cohorte. Même les premiers utilisateurs — développeurs, consultants ou étudiants avancés — se tournent de plus en plus vers des usages personnels : organisation, apprentissage, loisirs, conseils pratiques.
Cela pose une question centrale : l’IA générative a-t-elle plus de valeur dans la sphère privée que dans l’entreprise ? Ou bien les structures professionnelles n’ont-elles pas encore trouvé les bons cadres pour intégrer efficacement ces outils, freinées par la sécurité, la confidentialité et la régulation ?
Trois grands piliers d’utilisation : écrire, demander, apprendre
Conseils pratiques et personnalisation
La première catégorie d’usage, baptisée Practical Guidance, regroupe tout ce qui touche au tutorat, à l’apprentissage, aux conseils de vie quotidienne ou à la créativité appliquée. Qu’il s’agisse de concevoir un plan d’entraînement sportif, de demander des idées de recettes, ou de préparer une présentation orale, cette fonction représente près de 30 % des conversations.
Recherche d’information
La deuxième grande catégorie, Seeking Information, équivaut à une extension des moteurs de recherche traditionnels. Les utilisateurs demandent des faits, des statistiques, des informations sur des événements récents, des biographies ou encore des recommandations de produits. Sa part est en forte croissance : 14 % des conversations en 2024, contre 24 % en 2025
L’écriture, reine du bureau et au-delà
Enfin, Writing constitue le troisième pilier, en particulier dans un contexte professionnel. 40 % des requêtes liées au travail concernent la rédaction, la correction ou la traduction de textes. Fait marquant : deux tiers de ces demandes consistent à améliorer ou adapter un texte fourni par l’utilisateur plutôt qu’à générer un contenu original. L’IA est donc moins utilisée comme une plume autonome que comme un éditeur intelligent.
La programmation, que l’on imaginait être un usage phare, ne représente que 4,2 % des messages. Les conversations à visée émotionnelle ou de « compagnie » sont encore plus marginales : à peine 2 %.

Les chercheurs ont classé les messages en trois catégories : Asking (demander), Doing (faire) et Expressing (exprimer). La moitié des utilisateurs posent des questions pour mieux comprendre ou décider (Asking). Quatre sur dix demandent directement une production (Doing). Et un sur dix seulement se contente d’exprimer quelque chose.
Mais dès qu’on entre dans la sphère professionnelle, la logique change : 56 % des messages liés au travail sont du “Doing”, et la majorité concernent… devinez quoi ? L’écriture encore.
Portrait-robot des utilisateurs
L’âge
Près de la moitié des messages proviennent de jeunes de moins de 26 ans. Pourtant, les plus âgés utilisent davantage ChatGPT pour le travail. Curieusement, les plus de 66 ans s’en servent moins pour l’emploi que pour des usages personnels.
Le genre
Autre surprise : le fossé entre hommes et femmes a disparu. Au début, l’outil était trusté par un public masculin (80 % des premiers utilisateurs). Aujourd’hui, il est légèrement plus féminin.
L’éducation et les métiers
Sans surprise, plus on est diplômé, plus on utilise ChatGPT pour des tâches liées au travail. Les managers l’utilisent massivement pour l’écriture (plus de 50 % des requêtes professionnelles), les ingénieurs plutôt pour des aides techniques, et les enseignants ou soignants pour des textes et documents.
La qualité : un point qui s’améliore
Tout cela ne dirait pas grand-chose si les réponses n’étaient pas jugées utiles. Or, les chercheurs ont aussi mesuré la satisfaction. Résultat : les « bonnes » interactions sont quatre fois plus fréquentes que les « mauvaises », contre trois fois plus un an plus tôt. Les demandes d’informations (« Asking ») sont celles qui obtiennent les meilleures notes.
ChatGPT, moteur économique ou simple confort numérique ?
Les chercheurs concluent que l’impact économique de ChatGPT ne se situe pas seulement dans l’automatisation de tâches, mais aussi — et surtout — dans le soutien à la décision et l’amélioration de la productivité intellectuelle. Dans les métiers de la connaissance, la capacité de l’IA à fournir des pistes, à éclairer une décision ou à proposer des alternatives crée une valeur difficile à mesurer mais essentielle.
Pour autant, le fait que l’usage non professionnel croisse plus vite que l’usage professionnel pourrait indiquer que le véritable apport de l’IA est dans la sphère privée. Collis et Brynjolfsson estiment que les Américains devraient être payés 98 dollars par mois pour renoncer à l’IA générative, soit un surplus de consommation de près de 97 milliards de dollars annuels aux États-Unis rien qu’en 2024.
Les questions qui fâchent
Ce portrait inédit soulève plusieurs débats :
- Si ChatGPT sert majoritairement à des tâches personnelles, comment mesurer son impact réel sur la productivité économique ?
- L’essor dans les pays à revenu faible et intermédiaire peut-il réduire la fracture numérique ou au contraire l’accentuer entre ceux qui savent exploiter l’outil et les autres ?
- Enfin, l’usage massif hors travail pose une question de société : l’IA est-elle en train de devenir une extension cognitive de nos vies quotidiennes, au même titre que le smartphone hier et le moteur de recherche avant lui ?
Conclusion : un outil banal… et donc révolutionnaire
Au final, ChatGPT est peut-être moins glamour qu’on l’imaginait. Ce n’est ni un « génie du code » ni un « psy de poche » pour des foules solitaires. C’est surtout un assistant d’écriture, de conseils et d’organisation.
Mais c’est justement cette banalité qui en fait un outil révolutionnaire. Quand 700 millions de personnes l’utilisent chaque semaine pour des choses simples — écrire, demander, apprendre —, c’est la preuve qu’une technologie a trouvé sa place dans la vie de tous les jours. Et c’est peut-être là que réside sa véritable révolution.
Source : rapport
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