
Les entreprises technologiques continuent d'investir des milliards dans l'IA générative. Après une première phase dominée par des investissements massifs financés en cash par les Big Tech, de nouveaux acteurs moins fortunés ou plus petits s'appuient désormais fortement sur la dette pour financer leurs ambitions en matière d'IA. Cette nouvelle dynamique est financée non seulement par des capitaux à risque, mais également par un endettement critique.
Selon une étude de l'université de Stanford, les investissements mondiaux des entreprises dans l'IA ont atteint 252,3 milliards de dollars en 2024, le secteur ayant été multiplié par treize depuis 2014. Parallèlement, les Big Tech américains (Tesla, Amazon, Google, Meta, Microsoft, etc.) se sont engagés à dépenser un montant record de 320 milliards de dollars en investissements cette année, dont une grande partie sera consacrée aux infrastructures d'IA.
Grâce à cet afflux de capitaux, les entreprises spécialisées dans l'IA générative affichent des valorisations atteignant des centaines de milliards de dollars (créant ainsi des dizaines de nouveaux milliardaires rien qu'en 2025) et les géants de la technologie investissent des sommes sans précédent dans les centres de données. Mais les investisseurs commencent à se poser une question cruciale : sommes-nous en train d'assister à une répétition de l'histoire ?
Selon Torsten Slok, économiste en chef chez Apollo Global Management, la bulle de l'IA est pire que la bulle Internet. Il a souligné que les dix principales actions liées à l'IA sont beaucoup plus éloignées de la réalité que ne l'étaient les entreprises dans les années 1990, et que l'histoire est sur le point de se répéter. Même Sam Altman, PDG d'OpenAI, reconnaît les similitudes. Voici un rappel sur les effets qui ont conduit à l'éclatement de la bulle Internet.
Les origines de l’éclatement de la bulle Internet
L'effondrement des dotcoms n'a pas été déclenché par un événement unique, mais plutôt par une convergence de facteurs qui ont mis en évidence les faiblesses fondamentales de l'économie technologique de la fin des années 1990. Le premier coup dur est venu de la Réserve fédérale, qui a relevé ses taux d'intérêt à plusieurs reprises en 1999 et 2000. Le taux des fonds fédéraux est passé d'environ 4,7 % au début de 1999 à 6,5 % en mai 2000.
Cela a rendu les investissements spéculatifs moins attractifs, car les investisseurs pouvaient obtenir des rendements plus élevés avec des obligations plus sûres. Le deuxième catalyseur a été une récession économique plus générale qui a débuté au Japon en mars 2000, déclenchant des craintes sur les marchés mondiaux et accélérant la fuite des actifs risqués. Tout ceci a conduit à une correction brutale des valorisations élevées des entreprises Internet.
Mais le problème sous-jacent était beaucoup plus profond : la plupart des entreprises dotcom avaient des modèles économiques fondamentalement défaillants. Commerce One a atteint une valorisation de 21 milliards de dollars malgré des revenus minimes. TheGlobe.com, fondée par deux étudiants de Cornell avec un capital de démarrage de 15 000 dollars, a vu le cours de son action bondir de 606 % lors de son premier jour de cotation, pour atteindre 63,50 dollars, alors qu'elle n'avait aucun revenu en dehors du financement par capital-risque. Pets.com a brûlé 300 millions de dollars en seulement 268 jours avant de se déclarer en faillite.
La surconstruction d'infrastructures Internet
La surconstruction d'infrastructures a joué un rôle clé dans l’éclatement de la bulle Internet. À la fin des années 1990, des opérateurs télécoms, trompés notamment par la prédiction exagérée selon laquelle le trafic Internet doublait tous les 100 jours, ont posé environ 128,7 millions de kilomètres de câbles à fibre optique à travers les États-Unis. La demande attendue n’a jamais suivi et une énorme capacité est restée inutilisée. Quatre ans après le krach, une part importante (entre 85 % et 95 %) de cette fibre était encore surnommée "dark fiber".
Un cas concret est celui de Cisco. À la fin des années 1990, Cisco était la principale entreprise d'infrastructure informatique. Pariant sur une croissance explosive, Cisco s'est empressé de construire des serveurs et de les connecter les uns aux autres à l'aide de routeurs, puis au système de télécommunications au sens large. En conséquence, l'action Cisco a grimpé de plus de 450 % au cours des deux années qui ont précédé la fin de l'année 1999.
Son évaluation a atteint 120 fois ses bénéfices prévisionnels à un an. Cependant, la croissance des bénéfices ne s'est pas concrétisée aussi rapidement que prévu et, moins d'un an après le pic de valorisation atteint en mai 2000, la valeur de l'action avait chuté de 70 %. D'un autre côté, Corning, le plus grand producteur mondial de fibre optique, a vu son action chuter de près de 100 dollars en 2000 à environ 1 dollar en 2002. Le chiffre d'affaires de Ciena est passé de 1,6 milliard de dollars à 300 millions de dollars presque du jour au lendemain, son action plongeant de 98 % par rapport à son sommet.
Le parallèle avec la frénésie autour de l'IA générative
Les parallèles avec le développement actuel des infrastructures d'IA sont indéniables. Aujourd'hui, les entreprises spécialisées dans l'IA injectent des sommes colossales dans la construction de centres de données, l'achat de puces graphiques, le refroidissement et l’énergie. Selon les analystes, le risque est de construire trop vite et trop grand, créant une surcapacité coûteuse avant que la demande ne justifie ces équipements.
Le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, veut construire un centre de données « si grand qu'il pourrait couvrir une partie importante de Manhattan ». Le projet Stargate (soutenu par OpenAI, SoftBank, Oracle et MGX) vise à développer aux États-Unis un réseau de centres de données d'IA d'une valeur de 500 milliards de dollars.
Il existe toutefois des différences cruciales. Contrairement à de nombreuses entreprises dotcom qui n'avaient aucun chiffre d'affaires, les principaux acteurs de l'IA génèrent des revenus substantiels. Le service cloud Azure de Microsoft, fortement axé sur l'IA, a connu une croissance de 39 % d'une année sur l'autre, pour atteindre un chiffre d'affaires annuel de 86 milliards de dollars. OpenAI prévoit un chiffre d'affaires annualisé de 20 milliards de dollars d'ici fin 2025, contre environ 6 milliards de dollars début 2025.
L'éveil brutal des investisseurs et la correction des valorisations
Au début des années 2000, la plupart des entreprises Internet ne pouvaient pas justifier leur valorisation par des résultats commerciaux concrets. Les entreprises étaient évaluées sur la base du trafic de leur site Web et de leurs indicateurs de croissance plutôt que sur des critères traditionnels tels que les flux de trésorerie et la rentabilité. La désillusion s'est alors installée dans le rang des investisseurs, conduisant finalement à des faillites en cascade.
Les entreprises d'IA d'aujourd'hui sont confrontées à un défi similaire. Alors que les investissements dans l'IA ont atteint des niveaux historiques, l'écart de revenus reste important. Selon le journaliste spécialisé dans les technologies Ed Zitron, Microsoft, Meta, Tesla, Amazon et Google auront investi environ 560 milliards de dollars dans les infrastructures d'IA au cours des deux dernières années, mais n'auront généré que 35 milliards de dollars de revenus liés à l'IA au total.
Une étude récente du MIT a révélé que 95 % des projets pilotes d'IA ne donnent pas de résultats significatifs, malgré plus de 40 milliards de dollars d'investissements dans l'IA générative. Ce décalage entre les investissements et les rendements fait écho au problème fondamental qui a finalement causé l'éclatement de la bulle Internet.
L'éclatement de la bulle de l'IA pourrait provoquer un désastre
Selon un rapport publié à l'été 2024 par la société Jefferies, les valeurs liées à l'IA ont grimpé jusqu'à 656 % depuis le lancement de ChatGPT, ajoutant environ 10 000 milliards de dollars à la capitalisation boursière. Mais les bénéfices sont à la traîne, avec un ratio cours/bénéfice supplémentaire de 73 fois pour les valeurs de l'IA. Nvidia a enregistré les gains les plus importants, le cours de son action ayant grimpé de 656 % entre fin 2022 et juillet 2024.
Le battage médiatique autour de l'IA a permis d'injecter énormément de capitaux sur le marché en un court laps de temps. De nombreux rapports prédisent que l'IA ajoutera des milliers de milliards à l'économie mondiale en stimulant la productivité comme jamais auparavant dans l...
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