Microsoft et OpenAI ont annoncé un accord de restructuration qui permet au créateur de ChatGPT d'opérer comme une « entreprise à but lucratif ». L'accord évalue la participation de Microsoft dans OpenAI à environ 135 milliards de dollars et prolonge le partenariat exclusif jusqu'en 2032. Il prévoit aussi la création d'un panel d'experts indépendants chargé de vérifier quand OpenAI aura atteint son objectif ultime : l'intelligence artificielle générale (AGI). Pour l'heure, l'AGI reste un concept ambigu où chaque acteur a sa propre définition. Selon les critiques, l'AGI n'est pas à portée de main, car les LLM ne peuvent pas apprendre de façon autonome, comme les humains. Le partenariat a débuté en 2019, lorsque Microsoft a investi 1 milliard de dollars dans OpenAI. Depuis lors, Microsoft a fourni des milliards de dollars de ressources de cloud computing via Azure et a utilisé les modèles d'OpenAI comme base pour des produits et services, tels que Copilot. Le nouvel accord préserve les droits exclusifs de Microsoft sur la propriété intellectuelle d'OpenAI et l'exclusivité de l'API Azure jusqu'à ce que le seuil de l'AGI soit atteint.
L'accord révisé permet à OpenAI de s'éloigner de ses racines à but non lucratif et probablement d'entrer en bourse afin de financer les plans ambitieux de son PDG Sam Altman. Ce dernier vise à développer des centres de données et des technologies de pointe, notamment à travers le projet Stargate.
OpenAI, évalué à 500 milliards de dollars, devient une entreprise d'intérêt public contrôlée par une organisation à but non lucratif qui détient une participation dans le succès financier d'OpenAI. Lors d'une diffusion en direct, Sam Altman a déclaré qu'une introduction en bourse est la voie la plus probable pour l'avenir de l'entreprise, compte tenu des sommes nécessaires pour former et construire des systèmes d'IA tels que celui qui propulse ChatGPT.
La nouvelle entité, dénommée OpenAI Group PCB, fonctionnera davantage comme une entreprise traditionnelle, consolidant le pouvoir de Sam Altman et lui donnant plus de latitude pour conclure des accords, lever des fonds et façonner l'industrie de l'IA au sens large. Microsoft n'aura aucun droit sur le matériel grand public produit par OpenAI et n'aura plus le droit de premier refus pour être le fournisseur d'OpenAI en matière de services informatiques.
Microsoft conservera toutefois une participation de 27 % (évaluée à 135 milliards de dollars) dans OpenAI et restera un acteur important dans son avenir. Selon des sources proches du dossier, le créateur de ChatGPT continuera à partager environ 20 % de ses revenus avec Microsoft pendant les années à venir. L'accord révisé introduit également de nouvelles clauses concernant la création de l'AGI, une initiative qui pourrait remodeler l'ensemble de l'industrie.
Un panel d'experts se chargera de déterminer quand l'AGI sera atteinte
L'objectif ultime d'OpenAI est la création de l'AGI, une forme de superintelligence dotée de capacités cognitives supérieures ou égales à celles de l'homme. Selon un accord précédent, OpenAI était seul habilité à déterminer quand il aurait atteint l'AGI. Cependant, l'accord révisé exige qu'un panel d'experts indépendants vérifie cette affirmation, un changement qui ajoute un contrôle supplémentaire à une décision où des milliards de dollars sont en jeu.
Lorsque le groupe confirmera que l'AGI a été atteinte, les droits de propriété intellectuelle détenus par Microsoft sur les méthodes de recherche d'OpenAI expireront et l'accord de partage des revenus entre les deux sociétés prendra fin, même si les paiements se poursuivront pendant une période plus longue.
Les entreprises n'ont pas révélé qui siégera au comité d'experts ni comment ses membres seront sélectionnés. L'absence de détails sur la composition du comité laisse planer des doutes quant aux critères que les experts utiliseront pour vérifier que l'AGI a bien été atteinte. Auparavant, OpenAI avait défini un seuil économique quelque peu arbitraire et controversé, à savoir le moment où l'IA sera en mesure de générer 100 milliards de dollars de bénéfices.
Le partenariat en Microsoft et OpenAI a montré des signes de tension depuis qu'OpenAI est passé d'un laboratoire de recherche dynamique et prometteur à une entreprise évaluée à plus de 500 milliards qui influence la trajectoire du secteur technologique par ses avancées en matière d'IA. Les deux entreprises sont désormais en concurrence pour attirer des clients, et OpenAI recherche une capacité de calcul supérieure à celle que Microsoft peut lui fournir.
L'AGI : un concept nébuleux où chaque entreprise a sa propre définition
Les prédictions audacieuses sur l'arrivée de l'AGI sont nombreuses. En mars 2023, Sam Altman, PDG d’OpenAI, a déclaré à plusieurs reprises que l'AGI pourrait apparaître d’ici à 2027. En 2024, Elon Musk, PDG de xAI, a déclaré : « je pense que l’AGI pourrait arriver d’ici 2025. Peut-être même plus tôt ». En mai 2024, Demis Hassabis, PDG de Google DeepMind, a noté : « je pense que nous pourrions voir l’AGI dans les prochaines années, peut-être d’ici 2030 ».
Dwarkesh Patel, qui anime Dwarkesh Podcast, est revenu sur ses nombreux entretiens portant sur la date estimée de l'arrivée de l'AGI. Dans cet épisode, publié début juillet 2025, il a expliqué pourquoi il reste sceptique quant à une AGI imminente. « L'AGI n'est pas à portée de main », a-t-il déclaré.
Il ne rejette pas l’idée selon laquelle l’AGI peut émerger au cours de cette décennie. Au contraire, il pense que cela pourrait arriver avant 2032. Mais il estime qu’il reste des verrous fondamentaux, en particulier l’absence d’apprentissage continu (la capacité d’un modèle à apprendre au fil de ses expériences). Cependant, de nombreux critiques rejettent cette déclaration, affirmant que « l'AGI reste un concept nébuleux qui ne verra jamais le jour ».
En effet, l'industrie de l'IA n'est toujours pas tombée d'accord sur une définition unique de ce qu'est l'AGI. Chaque entreprise a sa propre définition. Début avril 2025, Google DeepMind a publié un document dans lequel il définit l'AGI comme « un système capable d'égaler au moins le 99e percentile des adultes qualifiés dans un large éventail de tâches non physiques, y compris des tâches métacognitives telles que l'apprentissage de nouvelles compétences ».
Selon un rapport de The Information, OpenAI et Microsoft définissent l'AGI comme « un système d'IA pouvant générer jusqu'à 100 milliards de dollars de bénéfices », ce qui semble totalement éloigné de toute référence scientifique. Le rapport cite un document de 2023 émanant des deux entreprises. Il suggère que l'AGI, telle que beaucoup l'imaginent, est un objectif irréaliste et révèle surtout qu'OpenAI est aujourd'hui plus intéressé par les profits.
« Quiconque prétend qu'un concept mal défini, l'AGI, est sur le point de voir le jour est très probablement en train d'essayer de vendre quelque chose ou simplement se faire entendre », a écrit un critique. En outre, une étude d'Apple a remis en question les progrès vantés par OpenAI, Google et Anthropic en matière de raisonnement des modèles d'IA. Selon le rapport, la précision de cette technique s'effondre entièrement face à des problèmes complexes.
Les limites importantes des grands modèles de langage aujourd'hui
Dans son analyse, Dwarkesh Patel reconnaît la puissance des systèmes d'IA modernes ; ces systèmes excellent notamment dans les tâches individuelles. Mais il souligne une faiblesse majeure : « leur absence d’apprentissage organique et continu ». Contrairement aux humains, qui apprennent de leurs erreurs, contextualisent chaque tâche et s'améliorent au fil du temps, les grands modèles de langage peinent à reproduire ce type d’apprentissage.
Dwarkesh Patel a partagé son vécu en tant qu'utilisateur de ces modèles dans le cadre de son travail podcasting : correction de transcriptions, sélection de clips, rédaction d’essais. Il explique que les premiers paragraphes d’un essai générés par un modèle sont souvent médiocres, mais qu’une bonne réponse arrive seulement après intervention humaine. Cela montre la dépendance des modèles à un ajustement humain pour apprendre de manière adaptative.
Le PDG d’Anthropic, Dario Amodei, a déclaré que l’IA est susceptible d’éliminer la moitié des emplois en col blanc dans les années à venir. Cependant, le PDG de Nvidia, Jensen Huang, s'oppose à cette prédiction. Jensen Huang explique plutôt que « les emplois de chacun seront modifiés ». Certains emplois seront obsolètes, mais de nombreux emplois seront créés. Dwarkesh Patel juge également que la prédiction du PDG d’Anthropic est trop optimiste.
Dwarkesh Patel explique : « si les progrès de l'IA s'arrêtent totalement aujourd'hui, je pense que moins de 25 % des emplois de cols blancs disparaîtront. Bien sûr, de nombreuses tâches seront automatisées. Claude 4 Opus peut techniquement réécrire des transcriptions autogénérées pour moi. Mais comme il n'est pas possible pour moi de faire en sorte qu'il s'améliore au fil du temps et apprenne mes préférences, j'embauche toujours un humain pour cela ».
Il juge trop ambitieuse l'idée d’un modèle capable de s’autocorriger via l'apprentissage par renforcement. Il souligne les défis de généralisation au-delà d’un domaine spécifique et doute qu’une solution efficace émerge dans quelques années seulement, faute de mécanismes intégrés de mise à jour continue.
Une AGI d'ici la fin de la décennie ? Les experts restent sceptiques
Satya Nadella, PDG de Microsoft, et Yann LeCun affirment que « l'AGI n'est pas pour tout de suite ». Yann LeCun, co-inventeur de l'apprentissage profond moderne et lauréat du prix Turing 2019, critique la croyance selon laquelle les modèles de langage puissent aboutir à une véritable intelligence générale. En janvier 2024, il expliquait : « les modèles d'IA actuels sont très loin de l’AGI. Ils ne comprennent pas, ne raisonnent pas, ne planifient pas ».
Yann LeCun a déclaré que l'AGI est inévitable, mais n'arrivera pas de sitôt et qu'elle ne sera pas uniquement l'œuvre des modèles...
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