Black Mirror devient réalité : une nouvelle application permet aux utilisateurs de parler à des avatars IA de leurs proches décédéssigne inquiétant d'une industrie numérique de l'au-delà en pleine expansion
Les deepfakes IA de personnes décédées se popularisent malgré leur aspect macabre et les nombreuses controverses. Une startup spécialisée dans l'IA dévoile une application d'avatar qui recrée les êtres chers décédés sous une forme numérique interactive. Elle permet aux familles de « parler » aux morts. Les détracteurs affirment que « la plateforme est un aperçu d'un avenir dystopique et étrange réservé aux riches et aux célébrités ». Ils soulignent que ce concept rappelle fortement la série Black Mirror, où une technologie similaire existe dans un épisode centré sur le deuil. Certains affirment sans détour que ses avatars sont « démoniaques ».
En 2020, le chanteur américain Kanye West a offert à sa compagne Kim Kardashian un message holographique de son défunt père, Rob Kardashian, pour son anniversaire. Ce cadeau avait fait jaser Internet et suscité des craintes quant à un avenir dystopique où ces technologies seraient monnaie courante. Tout porte à croire que nous vivons désormais dans un tel monde. L'IA est de plus en plus utilisée pour préserver les voix et les histoires des défunts.
Des chatbots IA textuels qui imitent les êtres chers aux avatars vocaux qui vous permettent de « parler » avec les défunts, une industrie numérique de l'au-delà en pleine expansion promet de rendre la mémoire interactive et, dans certains cas, éternelle. Mais ce concept n'est pas du goût de tout le monde.
La startup 2Wai, basée à Los Angeles, a suscité la controverse en ligne après avoir lancé une application qui permet aux utilisateurs de créer des avatars numériques interactifs de proches décédés. Elle est devenue virale lorsque son cofondateur, Calum Worthy, a publié une vidéo promotionnelle montrant le fonctionnement de cette technologie. Le clip montre une femme enceinte qui parle à une reproduction IA de sa défunte mère via son téléphone.
La vidéo fait ensuite un bond en avant de 10 mois, avec la « grand-mère » IA lisant une histoire au bébé avant de se coucher. Des années plus tard, l'enfant, désormais un jeune garçon, discute tranquillement avec l'avatar en rentrant de l'école. La scène finale le montre à l'âge adulte, annonçant à la version IA de sa grand-mère qu'elle est sur le point de devenir arrière-grand-mère. « Avec 2Wai, trois minutes peuvent durer éternellement », conclut le clip.
What if the loved ones we've lost could be part of our future? pic.twitter.com/oFBGekVo1R
— Calum Worthy (@CalumWorthy) November 11, 2025
Calum Worthy déclaré que l'entreprise construit « une archive vivante de l'humanité » grâce à son réseau social basé sur des avatars. Il a ajouté : « et si les êtres chers que nous avons perdus pouvaient faire partie de notre avenir ? ». L'application, disponible sur l'App Store d'Apple, permet aux utilisateurs de créer ce que 2Wai appelle un « HoloAvatar ». Selon 2Wai, ces avatars vous ressemblent, parlent comme vous et partagent les mêmes souvenirs ».
Peut-on vraiment parler aux morts grâce à l'IA : réconfort ou illusion ?
Calum Worthy a exhorté les internautes à essayer la version bêta de 2Wai sur l'App Store. Il a annoncé que l'application sera bientôt disponible sur Android. Mais le concept a immédiatement suscité des comparaisons avec Be Right Back, l'épisode troublant de Black Mirror diffusé en 2013, dans lequel une femme en deuil utilise une réplique IA de son partenaire décédé. Dans cet épisode, la technologie passe des chatbots à des androïdes physiques complets.
Les internautes n'ont pas mâché leurs mots dans les commentaires. Beaucoup ont qualifié la vidéo de « cauchemardesque » et « démoniaque », et certains ont réclamé que cette technologie soit « détruite », déclenchant un débat sur les limites à ne pas franchir en matière d'IA lorsqu'il s'agit des morts.
Les détracteurs affirment que cette idée dépasse les limites émotionnelles et risque de remplacer le chagrin réel par un réconfort artificiel. La vidéo montrant un enfant nouant des liens durables avec une version IA de sa grand-mère a suscité les réactions les plus vives. Critiquant Calum Worthy, les internautes ont déclaré que cette technologie ne crée pas une archive de l'humanité, mais peut déformer la mémoire, l'attachement et le processus de deuil.
Cette réaction négative a ravivé des inquiétudes plus larges concernant l'évolution de l'IA. Alors que les avatars numériques deviennent plus réalistes et que la robotique progresse rapidement, ce n'est probablement qu'une question de temps pour que des versions androïdes physiques des défunts voir le jour. Cette possibilité soulève des questions éthiques plus profondes concernant le consentement des défunts, l'identité et la commercialisation du deuil.
Malgré les critiques, l'application continue de susciter l'intérêt. Sa promotion sur les réseaux sociaux a déjà dépassé plusieurs millions de vues sur X (ex-Twitter). Certains utilisateurs ont salué l'idée de préserver les voix et les histoires. D'autres ont estimé que cette technologie s'apparentait trop à de la science-fiction. 2Wai se positionne comme une plateforme dédiée à l'héritage et à la narration. Ses détracteurs y voient un pas vers un avenir inquiétant.
L'essor des « deathbots » : quand la réalité rattrape la science-fiction
Les « deathbots » sont des IA conçus pour simuler les voix, les schémas linguistiques et les personnalités des défunts. Ils s'appuient sur les traces numériques laissées par une personne (SMS, enregistrements vocaux, email, etc.) pour créer des avatars interactifs qui semblent « parler » depuis l'au-delà. Comme l'a déclaré Simone Natale, théoricienne des médias, ces « technologies de l'illusion » ont des racines profondes dans les traditions spiritualistes.
L'IA générative les rend beaucoup plus convaincantes et commercialement viables. Toutefois, selon certains observateurs de l'industrie technologique, ce nouveau concept est à la fois fascinant et troublant. Certains systèmes de deathbots se concentrent sur la préservation de la mémoire. Ils aident les utilisateurs à enregistrer et à stocker des histoires personnelles, classées par thème, telles que l'enfance, la famille ou des conseils pour leurs proches.
L'IA indexe ensuite le contenu et guide les utilisateurs à travers celui-ci, comme dans des archives consultables. D'autres utilisent l'IA pour créer des conversations continues. Vous téléchargez des données sur une personne décédée (messages, publications, voire échantillons vocaux) et le système crée un chatbot capable de répondre en reprenant son ton et son style. Il utilise l'apprentissage automatique pour faire évoluer ses avatars au fil du temps.
Certains se présentent comme ludiques (« une séance de spiritisme avec l'IA »), mais l'expérience peut sembler étrangement intime. Toutes les plateformes prétendent offrir une connexion émotionnelle « authentique ». Pourtant, plus vous essayez de personnaliser l'expérience, plus elle vous semble artificielle.
L'industrie numérique de l'au-delà et la collecte massive de données
Comme l'ont fait valoir les philosophes Carl Ohman et Luciano Floridi, l'industrie numérique de l'au-delà opère dans le cadre d'une « économie politique de la mort », où les données continuent de générer de la valeur longtemps après la fin de la vie d'une personne. Les utilisateurs sont encouragés à « immortaliser leur histoire », mais les entreprises collectent des données émotionnelles et biométriques afin de maintenir un niveau d'engagement élevé.
La mémoire devient un service, une interaction à concevoir, à mesurer et à monétiser. Comme l'a montré Andrew McStay, professeur en technologie et société, cela s'inscrit dans le cadre d'une économie plus large de « l'IA émotionnelle ». Selon les détracteurs, une industrie qui tire profit de la mort est à combattre.
Ces systèmes promettent une sorte de résurrection, la réanimation des morts grâce aux données. Ils proposent de faire revivre les voix, les gestes et les personnalités, non pas sous forme de souvenirs, mais comme des présences simulées en temps réel. Ce type d'empathie algorithmique peut être convaincant, voire émouvant, mais il reste limité par le code et modifie subtilement l'expérience du souvenir, en gommant l'ambiguïté et les contradictions.
Toutes les plateformes mettent en évidence une tension entre les formes archivistiques et génératives de la mémoire. Elles normalisent certaines façons de se souvenir, privilégiant la continuité, la cohérence et la réactivité émotionnelle, tout en produisant de nouvelles formes de personnalité basées sur les données.
Mais les technologies numériques confondent souvent « stockage » et « mémoire », promettant un souvenir parfait tout en effaçant le rôle de l'oubli, cette absence qui rend possibles à la fois le deuil et le souvenir. En ce sens, la résurrection numérique risque d'entraîner une incompréhension de la mort elle-même : remplacer le caractère définitif de la perte par la disponibilité infinie de la simulation, où les morts sont toujours présents, interactifs et actualisés.
Conclusion
L'IA est de plus en plus utilisée pour préserver les voix et les histoires des défunts. Cependant, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer cette nouvelle industrie numérique de l'au-delà. Les entreprises qui proposent ce service sont notamment accusées de tirer profit de la vulnérabilité des personnes en deuil. Transformer la douleur ou le besoin de réconfort en produit payant soulève des inquiétudes sur l’exploitation émotionnelle des utilisateurs.
L'industrie numérique de l'au-delà donne l’impression que les scénarios les plus redoutés de la science-fiction sont en train de devenir réalité. L’application de la startup 2Wai illustre la manière dont les technologies de génération d’avatar et d’IA transforment le rapport à la mort, au souvenir et à l’intimité.
Sources : 2Wai, Calum Worthy, cofondateur de 2Wai
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