OpenAI, la startup à l’origine de ChatGPT et GPT-4, est devenue en quelques années l’un des acteurs phares de l’intelligence artificielle. Depuis 2019, Microsoft est son principal partenaire stratégique, ayant investi plus de 13 milliards de dollars dans OpenAI. En échange, Microsoft bénéficie de droits préférentiels sur les technologies d’OpenAI et de retombées financières significatives. Alors qu’OpenAI envisage une introduction en bourse potentielle et multiplie les levées de fonds, son modèle économique fait l’objet d’un examen attentif. De récents documents divulgués offrent une plongée inédite dans les flux financiers entre OpenAI et Microsoft, levant le voile sur combien OpenAI paie Microsoft – et inversement – au titre de leur partenariat. Ces fuites mettent en lumière des chiffres astronomiques et des mécanismes contractuels complexes qui lient étroitement les deux entreprises.D’après les documents internes obtenus par le blogueur technologique Ed Zitron et cités par la presse spécialisée, OpenAI a reversé à Microsoft près d’un demi-milliard de dollars en 2024, au titre du partage de revenus, et ce montant a presque doublé en 2025. Parmi les chiffres marquants :
- 493,8 millions de dollars versés de OpenAI à Microsoft en 2024 (partage de revenus).
- 865,8 millions de dollars versés sur les trois premiers trimestres 2025.
- 20 % – c’est la proportion du chiffre d’affaires d’OpenAI que Microsoft reçoit en partage de revenus, d’après ces documents (un pourcentage non confirmé publiquement par les deux partenaires)
Ces paiements illustrent l’accord initial : Microsoft touche environ 20 % des revenus générés par OpenAI (via ChatGPT, l’API d’OpenAI, etc.), en contrepartie de son investissement massif dans la startup. En appliquant ce taux de 20 %, on en déduit qu’OpenAI aurait réalisé au minimum 2,5 milliards $ de revenus en 2024 et 4,33 milliards $ sur les neuf premiers mois de 2025. Ces estimations sont toutefois inférieures à d’autres chiffres avancés précédemment – par exemple, la presse évoquait environ 4 milliards $ de revenus en 2024 et Sam Altman, le PDG d’OpenAI, a récemment déclaré viser plus de 20 milliards $ de revenus annualisés fin 2025. Ce décalage suggère que les chiffres réels d’OpenAI demeurent incertains, ou du moins sujets à interprétation en fonction des sources et des méthodes de calcul.
Il faut noter que les flux financiers entre OpenAI et Microsoft ne vont pas dans un seul sens. Le partenariat comporte également des rétrocessions de Microsoft vers OpenAI. En effet, Microsoft reverse à OpenAI environ 20 % des revenus tirés de Bing (son moteur de recherche dopé à l’IA d’OpenAI) et de l’Azure OpenAI Service (service cloud vendant l’accès aux modèles d’OpenAI). Autrement dit, pour chaque dollar que Microsoft gagne grâce à Bing (en partie propulsé par la tech d’OpenAI) ou via les services Azure utilisant GPT-4, une part revient à OpenAI. Les documents fuités semblent d’ailleurs présenter les montants nets versés de OpenAI à Microsoft, une fois déduites ces commissions reversées à OpenAI.
Microsoft ne détaillant pas publiquement les revenus de Bing ou de Azure OpenAI, il reste difficile d’estimer le montant exact de ces retours. Cette mécanique d’allers-retours financiers (20 % des revenus d’OpenAI pour Microsoft, 20 % des revenus de certains services Microsoft pour OpenAI) complexifie la lecture externe du partenariat. Elle souligne en tout cas une interdépendance financière poussée : chacune des deux parties profite du succès commercial de l’autre, selon des modalités bien définies.
Les dessous du partenariat : clauses et partage de revenus
Le partenariat Microsoft–OpenAI, scellé initialement en 2019, va bien au-delà d’un simple échange capital contre services cloud. Les accords prévoient plusieurs niveaux de partage de revenus et de bénéfices :
- Part de chiffre d’affaires : OpenAI reverse environ 20 % de ses revenus à Microsoft. Ce pourcentage, issu de l’investissement initial de Microsoft, s’applique aux revenus générés par les produits phares d’OpenAI (comme l’accès à l’API GPT-4 ou les abonnements ChatGPT). En parallèle, Microsoft reverse une part comparable (20 %) des revenus de ses propres offres alimentées par OpenAI (Azure OpenAI Service notamment) à OpenAI.
- Services et facturation cloud : Microsoft était (jusqu’à récemment, avant qu'OpenAI ne signe un contrat de 38 milliards de dollars sur sept ans avec Amazon Web Services pour l'accès à des GPU en début de mois) le fournisseur cloud exclusif d’OpenAI, via sa plateforme Azure. Concrètement, OpenAI utilise massivement les centres de données Azure pour entraîner et faire tourner ses modèles d’IA, et Microsoft facture ces ressources à OpenAI. Par exemple, lorsque ChatGPT génère des réponses (ce qu’on appelle l’inférence, c’est-à-dire l’utilisation en production d’un modèle entraîné) Microsoft facture à OpenAI la puissance de calcul correspondante. Cette dépendance d’OpenAI à l’infrastructure Azure était au cœur de l’accord : Microsoft s’assurait ainsi un client cloud de tout premier plan, et OpenAI un accès privilégié à d’immenses capacités de calcul.
- Partage lié à Bing : Une clause spécifique lie les performances de Bing (le moteur de recherche de Microsoft) à OpenAI. Si les revenus publicitaires de Bing et de MSN (actualité) augmentent de plus de 15 % sur un an grâce aux améliorations par l’IA, Microsoft verse à OpenAI 10 % de ces revenus supplémentaires, ce taux pouvant monter jusqu’à 20 % en cas de très forte croissance. Cette clause incitative montre que Microsoft a intégré OpenAI au cœur de sa stratégie pour revitaliser Bing et concurrencer Google : en récompensant OpenAI sur les gains de Bing, Microsoft s’assure de son soutien continu.
Nous pouvons également citer la participation aux profits et clause d’AGI : Microsoft, via ses investissements successifs (environ 13,8 milliards $ cumulés, selon Reuters), détient une part significative du capital d’OpenAI. Avant la restructuration récente, ses mises lui donnaient droit à jusqu’à 49 % des profits générés par la branche commerciale d’OpenAI. Cependant, OpenAI n’étant pas encore profitable (loin s’en faut), Microsoft n’a pour l’instant touché aucun profit – et doit même assumer sa part des pertes dans cette formule.
Par ailleurs, l’accord d’origine comporte une clause liée à l’AGI (Artificial General Intelligence) : si OpenAI atteint un jour l’AGI – une IA aux capacités d’un humain adulte éduqué – Microsoft renoncera à ses droits sur les revenus et les modèles d’OpenAI. Cette clause singulière, héritée de la mission à but initialement non lucratif d’OpenAI, prévoit qu’au seuil de l’AGI, les modèles deviennent un bien plus largement accessible. En pratique, cette perspective reste lointaine et théorique, mais elle montre l’ambition de départ : ne pas permettre à un partenaire commercial de contrôler une éventuelle super-intelligence.
En somme, le partenariat OpenAI–Microsoft est profondément intégré : partage de revenus bilatéral, dépendance technologique (Azure), incitations sur les résultats de Bing, et participation financière de Microsoft au destin d’OpenAI. Ces modalités expliquent pourquoi il est difficile pour l’un de se passer de l’autre sans conséquences majeures. Au fil du temps, toutefois, des tensions sont apparues : OpenAI, en hyper-croissance, a cherché davantage de flexibilité, tandis que Microsoft voulait sécuriser son investissement tout en évitant d’être entièrement tributaire d’OpenAI
Vient alors une évolution récente de l'accord
Face à ces tensions, Microsoft et OpenAI ont renégocié les termes de leur partenariat. En octobre 2025, un nouvel accord a été annoncé, transformant OpenAI en public benefit corporation (entreprise à mission) valorisée 500 milliards $ et levant certaines contraintes. Microsoft abandonne l’exclusivité dont il bénéficiait sur le cloud d’OpenAI – OpenAI est désormais libre d’utiliser d’autres fournisseurs qu’Azure – et la firme de Redmond perd son droit de premier refus sur tout nouveau contrat de calcul (une situation qui a profité à AWS). En contrepartie, OpenAI s’est engagée à un contrat d’achat astronomique de services Azure, à hauteur de 250 milliards de dollars sur plusieurs années selon Reuters.
Microsoft conserve par ailleurs une participation d’environ 27 % dans OpenAI PBC. Notamment, le partage de 20 % des revenus devrait perdurer dans les prochaines années.
Cet ajustement du partenariat vise à donner plus d’oxygène à OpenAI pour lever des fonds et accroître ses capacités, tout en garantissant à Microsoft des retombées commerciales à long terme. En somme, la relation évolue vers un modèle plus « ouvert » (multi-cloud), mais reste structurelle : les deux entreprises seront liées au moins jusqu’en 2032 par cet accord renforcé, avec des intérêts croisés dans les succès de chacun.
Coûts d’inférence : une facture colossale qui érode les marges
Les documents fuités ne révèlent pas seulement combien OpenAI reverse à Microsoft, ils détaillent aussi combien OpenAI dépense en ressources cloud pour faire tourner ses modèles d’IA. Et ces chiffres sont vertigineux. OpenAI aurait dépensé environ 3,8 milliards de dollars en 2024 rien que pour l’inférence de ses modèles (c’est-à-dire le calcul nécessaire pour générer les réponses de GPT-4, DALL·E et consorts).
Sur les neuf premiers mois de 2025, cette dépense d’inférence grimperait à 8,65 milliards de dollars, soit plus du double de l’année précédente sur une période comparable. En d’autres termes, plus ChatGPT et les services d’OpenAI gagnent en popularité, plus la facture énergétique et informatique explose.
Pourquoi de tels montants ?
La raison principale est qu’OpenAI s’appuie presque exclusivement (du moins jusqu’au...
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