Le boom de l'IA a entraîné une réduction importante du nombre d’emplois dans des entreprises de tout bord. Certaines catégories de travailleurs, comme les jeunes diplômés et les cols blancs, sont particulièrement vulnérables à l'adoption de cette technologie. Un récent rapport indique que les entreprises technologiques ont invoqué l'IA pour justifier 48 414 suppressions d'emplois aux États-Unis cette année, dont 31 000 annoncées rien qu'en octobre. Les offres d'emploi pour les développeurs ont chuté de 80 % en France depuis 2023. Mais ces réductions sont-elles l’effet de l’IA sur l’emploi ou cachent-elles d'autres facteurs économiques ?Pendant une grande partie du boom de l'IA, de nombreuses entreprises ont hésité à attribuer les suppressions d'emplois à l'IA, de peur d'attirer des titres négatifs dans la presse et d'attiser les critiques sur la toile. Mais ces derniers mois, de nombreuses entreprises de tous les secteurs et de toutes les régions géographiques se sont exprimées plus ouvertement, affirmant que l'IA leur permettait de supprimer des postes et de réduire les embauches.
Selon Dominik Asam, directeur financier du géant des logiciels SAP, dont le chiffre d'affaires s'élève à 320 milliards de dollars, l'entreprise aura probablement besoin de moins d'ingénieurs pour fournir un rendement identique, voire supérieur. « Il y a tout simplement plus d'automatisation. Certaines tâches sont automatisées et, pour un volume de production identique, nous pouvons nous permettre d'avoir moins de personnel », a déclaré ce cadre.
À la fin du mois de septembre 2025, le groupe aérien allemand Deutsche Lufthansa AG a annoncé aux analystes et aux investisseurs son intention de supprimer 4 000 postes administratifs d'ici la fin de la décennie. Parmi les raisons invoquées figurait « l'utilisation accrue de l'IA ». Dans la foulée, le prêteur néerlandais ING Group NV a déclaré que près de 1 000 postes étaient menacés par « la numérisation, l'IA et l'évolution des besoins des clients ».
Et début novembre, Krafton Inc., une société sud-coréenne de jeux vidéo, a annoncé son intention de geler les embauches afin de se concentrer sur une approche de développement « axée sur l'IA ». De plus en plus d'entreprises de l'industrie du jeu vidéo expérimentent l'IA dans le processus de développement.
Dans les rapports financiers, les présentations aux investisseurs et les notes de service, les dirigeants vantent les avantages de l'IA et présentent la réduction ou la stabilisation des effectifs comme une préparation à une économie de plus en plus axée sur l'IA. Selon une estimation récente du cabinet Challenger, Gray & Christmas, l'IA a été citée comme raison de 48 414 suppressions d'emplois annoncées aux États-Unis depuis le début de l'année.
Parmi celles-ci, 31 039 suppressions d'emplois liées à l'IA ont été annoncées rien qu'au mois d'octobre. Intel a supprimé 35 500 emplois en moins de deux ans, dont 20 500 récemment, dans le cadre de la restructuration menée par son PDG Lip-Bu Tan pour améliorer l'efficacité et rivaliser dans le domaine de l'IA. En outre, Amazon prévoit de supprimer environ 30 000 emplois dans ses services administratifs afin de « réduire ses coûts grâce à l'IA ».
L'IA est-elle à l'origine des suppressions massives d'emplois ?
L'IA a été citée comme facteur dans environ un cinquième du total des licenciements aux États-Unis en octobre 2025. L'examen récent de 180 millions d'offres d'emploi révèle une baisse globale de 8 % en 2025 par rapport à 2024 ; l'IA est en partie responsable de cette situation, mais elle n'est pas le seul facteur. La vague d'annonces spécifiques à l'IA a suscité des inquiétudes auprès des travailleurs et a attiré l'attention des décideurs politiques.
Elle a également déclenché un débat sur la question de savoir si les entreprises profitent des progrès de l'IA pour maintenir leurs coûts à un niveau bas dans une économie mondiale incertaine, ou si elles invoquent simplement l'IA comme facteur pour justifier des réductions d'effectifs motivées par des raisons plus complexes et peut-être moins flatteuses, dans des termes qui plaisent aux investisseurs. La réponse est peut-être un peu des deux.
Les entreprises qui avaient accumulé des employés dans un marché du travail caractérisé par « peu d'embauches et peu de licenciements » réduisent maintenant leurs effectifs face aux risques persistants liés aux droits de douane, aux guerres commerciales et à la détérioration du moral des consommateurs.
« De nombreuses grandes entreprises, en particulier dans le secteur technologique, ont également connu une expansion excessive pendant le boom post-pandémique et se sont retrouvées avec une main-d'œuvre très importante », a déclaré George Denlinger, président opérationnel de l'agence de recrutement Robert Half. C’est pourquoi se concentrer uniquement sur l’IA peut être trompeur et ne reflète pas vraiment l’état réel du marché.
« Ils parlent d'utiliser l'IA pour effectuer ces tâches à l'avenir, ce qui peut s'apparenter à une sorte de AI-washing. Ils rejettent la faute sur l'IA, même si ce n'est pas la seule raison pour laquelle des licenciements ont lieu », a-t-il déclaré. Selon Martha Gimbel, directrice exécutive du Budget Lab de l'université de Yale, « extrapoler à partir des déclarations des dirigeants est probablement la pire façon de déterminer les effets de l'IA sur l'emploi ».
Ambiguïtés autour du rôle de l'IA dans les licenciements
Selon Martha Gimbel, la dynamique propre à chaque entreprise joue souvent un rôle. Ces motivations confuses sont visibles dans les Big Tech comme Amazon. En juin 2025, le PDG du géant du commerce électronique, Andy Jassy, a indiqué que les effectifs de l'entreprise diminueront dans les prochaines années, car l'IA prendra en charge davantage de tâches. Quatre mois plus tard, le géant de Seattle a annoncé la suppression de 14 000 emplois.
Andy Jessy a déclaré que « cette décision n'est pas vraiment motivée par l'IA, du moins pas pour l'instant ». Il a plutôt attribué cette décision à une bureaucratie trop lourde. Amazon, Microsoft et Oracle ont tous pris des mesures pour réduire et limiter les dépenses dans d'autres secteurs de leurs activités, tout en augmentant les dépenses dans les centres de données, les puces et les talents pour soutenir la création de systèmes d'IA plus puissants.
Les économistes du Budget Lab de Yale, un groupe de recherche politique non partisan, ont examiné l'évolution de l'emploi aux États-Unis depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022 et la sortie successive d'autres modèles d'IA générative. Leur conclusion : « l'IA n'a pas eu d'effet sur l'emploi jusqu'à présent ». Elle contraste avec un autre rapport faisant état de plus de 80 000 licenciements en 2025 attribués à l’adoption croissante de l’IA.
Même lorsque les entreprises ne disent pas que l'IA contribue à supprimer des postes, elles la mentionnent comme une raison pour relever le niveau d'exigence lors du recrutement de nouveaux employés. Par exemple, au début d'année, le PDG de Shopify, Tobi Lutke, a informé ses employés que « les équipes doivent démontrer pourquoi elles ne peuvent pas atteindre leurs objectifs en utilisant l'IA » avant de demander des effectifs supplémentaires.
Des humains embauchés pour nettoyer le code écrit par l'IA
Les systèmes d'IA n'en sont qu'à leurs débuts. Les entreprises s'efforcent de créer des outils d'IA capables d'automatiser davantage le travail des analystes de recherche, des banquiers juniors, des consultants et des ingénieurs logiciels. Parallèlement, elles tentent de clarifier les avantages économiques de leurs outils, alors que le scepticisme persiste quant à la capacité de cette technologie à faire autre chose que produire des « travaux inutiles ».
Avec l'essor d'outils d'IA tels que ChatGPT, il est désormais possible de décrire un programme en langage naturel (français par exemple) et de demander au modèle d'IA de le traduire en code fonctionnel. Andrej Karpathy, ancien chercheur d'OpenAI, a donné un nom à cette pratique : le « vibe coding ». Cette pratique gagne rapidement du terrain dans les milieux technologiques. Et Google a même déclaré que 25 % de son code est généré par l'IA.
Le vibe coding attire l'attention parce qu'elle pourrait abaisser la barrière à l'entrée de la création de logiciels. Mais des questions subsistent quant à la capacité de cette approche à produire de manière fiable un code adapté aux applications du monde réel. Les études montrent que l'IA est loin d'être à la hauteur.
C'est là que des entreprises comme Harsh Kumar interviennent. Harsh Kumar explique que ses clients lui mettent souvent à disposition des applications ou sites Web générés par une IA et qui se sont avérés instables ou totalement inutilisables. Son rôle : réparer la casse ou remettre de l’ordre dans le code généré par l’IA afin d’aboutir à un produit logiciel fonctionnel. Cette entreprise basée en Inde a déclaré qu'elle a un nombre important de clients.
Harsh Kumar entre ainsi dans la nouvelle catégorie de titre d’emploi dénommée spécialiste en nettoyage de code généré par l’IA. L’humain revient donc au secours de l’IA que les entreprises tentent de vendre comme une révolution et sur laquelle certains dirigeants s'appuient pour réduire leurs effectifs.
Grande incertitude quant à l'utilité des outils et agents d'IA
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