Les cabinets de conseil et d’audit ont gelé pour la troisième année consécutive les salaires de départ des jeunes diplômés et nouvelles recrues. Cette situation découle de leur choix de confier une partie des tâches de premier échelon à l’IA plutôt qu’aux débutants. L'IA oblige les entreprises à repenser leur structure pyramidale traditionnelle, c’est-à-dire un modèle avec beaucoup de juniors en bas, puis de moins en moins de personnes à mesure qu’on remonte l'échelle. Cet état de choses soulève une question cruciale : qui remplacera les experts lorsque les seniors partiront à la retraite ? De plus, l'IA est critiquée pour ses lacunes et son manque de fiabilité.Les offres d'emploi envoyées par des cabinets tels que McKinsey et Boston Consulting Group pour 2026 montrent que les salaires des diplômés sont maintenus au même niveau que cette année, selon Management Consulted, qui accompagne les étudiants dans le processus d'entretien. Ces entreprises comptaient parmi les plus grands recruteurs de diplômés ou d'étudiants en MBA. Elles adoptent aujourd'hui une approche prudente en matière d'embauche.
« La mise en œuvre de l'IA au sein des entreprises entraîne de réelles améliorations de la productivité », a déclaré Namaan Mian, directeur de l'exploitation de Management Consulted. Il précise que la capacité à tirer plus de valeur d'un nombre réduit de débutants exerce une pression à la baisse sur les salaires. « La rupture liée à l'IA est plus réelle dans les services professionnels et la technologie que dans le reste de l'économie », déclare Namaan Mian.
Management Consulted a constaté que les rémunérations globales des diplômés de premier cycle embauchés aux États-Unis, incluant le salaire et les primes, s'élevent entre 135 000 et 140 000 dollars chez McKinsey, Boston Consulting Group (BCG) et Bain & Co en 2024 et 2025, tandis que les diplômés d'un MBA pouvaient espérer toucher u une rémunération entre 270 000 et 285 000 dollars. Les trois cabinets ont refusé de commenter ces informations.
Selon un nouveau rapport du Financial Times, les salaires de départ des consultants chez les Big Four (Deloitte, EY, KPMG et PwC), qui ont tendance à être plus bas, stagnent depuis encore plus longtemps, sans augmentation depuis 2022. Les jeunes diplômés se disent désabusés à l'ère de l'IA générative.
Les cabinets de conseils suppriment des postes au profit de l'IA
Dans un billet publié sur LinkedIn en septembre 2025, Marco Amitrano, directeur du cabinet PwC au Royaume-Uni, affirme : « l'IA redéfinit les rôles, les marchés mondiaux restent volatils et les embauches de diplômés sont sous pression partout. Chez PwC, nos chiffres d'embauche au niveau débutant sont en baisse cette année, reflétant le ralentissement général des investissements, des embauches et des transactions dans l'ensemble de l'économie ».
La société a décidé de réduire le nombre de diplômés qu'elle embauche au Royaume-Uni. PwC embauchera 1 300 nouveaux diplômés et jeunes sortant de l'école, soit 200 de moins que l'année dernière. L'entreprise a également annoncé en octobre qu'elle ne parviendrait pas à atteindre son objectif d'augmenter ses effectifs mondiaux de 100 000 personnes d'ici 2026. PwC affirme que « l'IA redéfinit l'embauche des jeunes » et qu'il se doit de s'adapter.
PwC a supprimé 150 postes administratifs aux États-Unis. L'entreprise a déclaré : « tout comme nous aidons nos clients à le faire chaque jour, nous nous numérisons de plus en plus ». McKinsey a supprimé 200 emplois dans le domaine informatique à l'échelle mondiale ces derniers jours, affirmant : « l'IA nous offre, ainsi qu'à nos clients, des opportunités et un impact sans précédent ». Accenture a réduit ses effectifs mondiaux de plus de 11 000 personnes.
Accenture explique qu'il supprimerait les postes des employés qui, selon lui, ne pourront pas être formés à l'utilisation de l'IA. Certains anciens associés des Big Four fondent des startups d'IA qui, selon eux, utiliseront cette technologie pour remplacer une grande partie des jeunes employés traditionnels.
Comment les cabinets de conseils justifient l'adoption de l'IA
Mohamed Kande, président mondial de PwC, a déclaré que l'IA a augmenté la productivité de ses employés. Il a ajouté que PwC cherche à recruter « un groupe de personnes différent » de son profil traditionnel de candidats, notamment davantage d'ingénieurs. Ils aideront probablement le cabinet à déployer des technologies d'IA. Selon Namaan Mian, de Management Consulted, cette réorientation est commune à de nombreux cabinets de conseil.
L'IA réduit le besoin d'analystes généralistes chargés de traiter les données et de présenter les informations sur le marché et les conseils stratégiques dans des présentations PowerPoint. « Les organisations recherchent davantage de personnel « en milieu de carrière et spécialisé », car ces derniers consacrent moins de temps au conseil stratégique traditionnel et davantage à aider les entreprises à mettre en œuvre les technologies et l'IA », a-t-il déclaré.
Namaan Mian ajoute : « il est plus difficile de recruter un jeune de 23 ans pour ce type de projets qu'une personne expérimentée ». Selon certains experts, le recrutement de diplômés pourrait être réduit de moitié environ en 2026. Certains dirigeants du secteur affirment que ces pratiques d'embauche plus conservatrices anticipent les gains de productivité liés à l'IA, et ne sont pas nécessairement motivées par le fait que ces gains se concrétisent déjà.
Remise en cause du modèle pyramidal et impact sur les jeunes
Selon les analystes, ces bouleversements pourraient entraîner une modification de la structure pyramidale traditionnelle, dans laquelle une entreprise emploie des milliers de salariés juniors et réduit ses effectifs grâce à une culture « up or out » (promotion ou départ). Dans les discussions sur le sujet, certains parient désormais sur une structure « obélisque », avec moins de niveaux hiérarchiques et moins de dépendance vis-à-vis du personnel junior.
D'autres prédisent une structure « sablier », resserrée au milieu, l'IA automatisant les tâches routinières de niveau intermédiaire. Antonio Alvarez III, directeur européen du cabinet de conseil Alvarez & Marsal, préconise un « modèle en boîte », qui consiste à aligner davantage le nombre de cadres supérieurs sur celui des juniors, car il repose davantage sur des professionnels expérimentés que sur « un grand nombre d'analystes juniors ».
« Même si nous prévoyons que l'IA améliorera l'analyse et réduira le besoin de main-d'œuvre junior, nous anticipons également qu'elle augmentera la demande globale pour nos services, ce qui créera des compensations naturelles », a ajouté Antonio Alvarez. Toutefois, tous les dirigeants ne s'accordent pas à dire que l'IA va faire disparaître la structure pyramidale. Certains envisagent de recruter davantage de diplômés au cours des années à venir.
Eric Kutcher, président de McKinsey pour l'Amérique du Nord, a déclaré en septembre que l'entreprise embaucherait 12 % de diplômés de plus en 2026 par rapport à cette année. « Notre travail exigera toujours le même niveau d'intelligence, le même rythme, et vous ferez les choses que les machines ne peuvent pas faire ».
Selon un expert, « la structure pyramidale va se contracter quelque peu, mais il y aura de nouveaux emplois, y compris pour débutants, axés sur la gestion et la conservation des systèmes d'IA ». « Je ne sais pas exactement quelle sera la situation finale ni quand cela se produira. Lors de la révolution industrielle et de la révolution Internet, il y a eu des pertes avant les gains, il y a donc eu un écart entre les deux. Et cela pourrait se reproduire ».
Les gains de productivité généralisés se font encore attendre
Même si l'IA est considérée comme un moyen de stimuler la productivité sur le lieu de travail, elle n'a pas été la solution miracle vendue par le battage médiatique. Une étude du MIT a révélé que jusqu'à 95 % des projets pilotes d'IA dans les entreprises échouent à l'heure actuelle. Cela pose particulièrement problème au Royaume-Uni, qui est déjà confronté à une baisse de sa productivité à des niveaux jamais vus depuis l'époque victorienne.
Le ministère britannique des Affaires et du Commerce a procédé à un essai du logiciel Microsoft 365 Copilot sur une période de trois mois. Mais il n'a observé aucune augmentation notable de la productivité. L’impact réel était plus nuancé que ne le suggéraient les supports marketing de Microsoft. La création de diapositives PowerPoint a été en moyenne plus rapide de sept minutes, mais a nécessité des corrections en raison d'une qualité « inférieure ».
Même son de cloche du côté...
La fin de cet article est réservée aux abonnés. Soutenez le Club Developpez.com en prenant un abonnement pour que nous puissions continuer à vous proposer des publications.
