Les mots de l'année 2025 reflètent les préoccupations de l'époque et se transforment en avertissement. Le dictionnaire Oxford indique que le mot de l'année est « rage bait » (appât à rage). Celui du dictionnaire Macquarie est « AI slop » (déchets d'IA). Celui de Dictionary.com est « 6-7 ». Celui du dictionnaire Cambridge est « parasocial » (parasocial). Ils mettent en avant des mots décrivant des choses malveillantes ou insignifiantes, reflétant ainsi l'état déplorable du Web aujourd'hui. Les humains parlent désormais dans un dialecte influencé par les chatbots IA tels que ChatGPT, les contenus créés par ces derniers accélérant la dégradation de la qualité du Web.« Le Web est cassé », déclarent de nombreux experts à la suite de la publication du mot de l'année par différents dictionnaires en ligne. Pour rappel, pendant la majeure partie des années 2010, lorsque le « mot de l'année » a été inventée, celle-ci n'avait généralement pas grand-chose à voir avec Internet. Puis, au cours de la première partie de cette décennie marquée par la pandémie de la Covid-19, nos mots et expressions ont eux aussi été contaminés.
Mais aujourd'hui, les mots les plus récents et les plus importants semblent uniquement refléter notre mécontentement vis-à-vis du Web. Par exemple, le mot de l'année du dictionnaire d'Oxford en 2024 était « brain rot » (pourriture du cerveau). En 2022, le mot de l'année était « goblin mode » (mode gobelin). En revanche, tout au long des années 2010, les mots de l'année faisaient largement référence à des choses réelles qui se produisaient réellement.
Il y a eu « climate emergency » (urgence climatique) en 2019 et « youthquake » (séisme générationnel) en 2017. Ils ont vu le jour en ligne, mais ils se sont épanouis dans le monde réel. Les mots des années 2020 n'ont rien à voir avec la réalité. Ils décrivent plutôt le malaise que peut produire l'usage d'Internet.
AI slop : le contenu médiocre généré par l'IA envahie Internet
Les dictionnaires Macquarie et Merriam-Webster ont couronné le terme « AI slop » comme mot de l'année. Le dictionnaire Macquarie est considéré par beaucoup comme la référence standard en anglais australien. Le dictionnaire Merriam-Webster fait autorité concernant l'anglais américain. Ce dernier a défini « slop » comme « un contenu numérique de mauvaise qualité, généralement produit en grande quantité à l'aide de l'intelligence artificielle (ou IA) ».
« Le flot de slop en 2025 comprenait des vidéos absurdes, des images publicitaires décalées, de la propagande ringarde, des infox qui semblaient assez réelles, des livres médiocres écrits par l'IA, des rapports workslop qui faisaient perdre du temps aux collègues... et beaucoup de chats qui parlaient. Les gens trouvaient cela ennuyeux, mais ils en raffolaient », a souligné Merriam-Webster. Developpez.com a également rapporté l'évolution de l'AI slop.
« L'AI slop est partout », a averti le Wall Street Journal, tout en admettant apprécier certaines de ces images de chats. « L'AI slop a transformé les réseaux sociaux en un désert antisocial », note CNET. L'AI s'infiltre partout, y compris dans l'écriture de code source, créant une nouvelle forme de menace de sécurité.
Le terme « slop » a été utilisé pour la première fois dans les années 1700 pour désigner de la boue molle, mais il a évolué pour désigner plus généralement quelque chose de peu de valeur. De plus, les « AI slop » (contenus de qualité médiocre générés par l'IA), notamment les clips mettant en scène des célébrités et des personnalités publiques décédées, ont suscité des inquiétudes concernant la désinformation, les deepfakes, les droits d'auteur, etc.
« En 2025, au milieu de toutes les discussions sur les menaces de l'IA, le mot slop a donné un ton moins effrayant, plus moqueur. Ce mot envoie un petit message à l'IA : quand il s'agit de remplacer la créativité humaine, tu ne sembles parfois pas si super intelligente que ça », explique Merriam-Webster. Mais « AI slop » n'est pas le seul terme le plus marquant de cette année. Parmi les autres termes présélectionnés cette année, on trouve également :
Oxford a couronné le terme « rage bait » (appât à rage)
Oxford University Press, qui publie l'Oxford English Dictionary, a désigné « rage bait » (appât à rage) comme mot de l'année. Défini comme « contenu en ligne délibérément conçu pour susciter la colère ou l'indignation en étant frustrant, provocateur ou offensant », il fait référence aux tactiques manipulatrices utilisées pour accroître le trafic ou l'engagement en ligne. C'est comme un « clickbait », mais le lecteur est attiré dans le but de le mettre en colère.
Selon les données linguistiques de l'Oxford Dictionary, l'utilisation de ce terme a triplé au cours des 12 derniers mois, et son choix rejoint ceux de « AI slop » et « parasocial » comme mots de l'année 2025, qui brossent un tableau assez négatif de l'humeur et des préoccupations des internautes en 2025.
« Le fait que le terme rage bait existe et ait connu une telle augmentation spectaculaire dans son utilisation signifie que nous sommes de plus en plus conscients des tactiques de manipulation auxquelles nous pouvons être confrontés en ligne », explique Casper Grathwohl, président d'Oxford Languages.
« Auparavant, Internet cherchait avant tout à attirer notre attention en suscitant notre curiosité en échange de clics, mais aujourd'hui, nous assistons à un changement radical : il détourne et influence nos émotions et nos réactions. Cela semble être l'évolution naturelle d'un débat permanent sur ce que signifie être humain dans un monde dominé par la technologie et sur les extrêmes de la culture en ligne », ajoute le président d'Oxford Languages.
Dictionary.com sélectionne le mème populaire « 6-7 »
Dictionary.com a désigné le mème populaire « 6-7 » (prononcé six sept ou six seven) comme mot de l'année. Il s'agit d'un terme viral et absurde qui a explosé en popularité au cours de l'été. Le terme provient de la chanson Doot Doot (6 7) du rappeur américain Skrilla, qui est devenue populaire dans les montages vidéo mettant en vedette des joueurs de basket-ball professionnel, en particulier LaMelo Ball, qui mesure 6 pieds 7 pouces (2,01 mètres).
C'est le terme argotique de l'année de la génération Alpha. Il est qualifié d'ennuyeux et considéré comme un « véritable fléau » ; plusieurs médias ont lié ce mème au phénomène plus large de la « dégradation cérébrale » (en anglais ː brain rot) - les médias numériques considérés comme étant de mauvaise qualité.
Cambridge sélectionne « parasocial » comme mot de l'année
Le Cambridge Dictionary a sélectionné « parasocial » comme mot de l'année. Le terme parasocial décrit « un lien émotionnel unilatéral et imaginé qu'une personne tisse avec une personnalité publique (célébrité, influenceur, personnage fictif) ou une intelligence artificielle qu'elle ne connaît pas réellement ». Selon les experts, ce sentiment de familiarité, autrefois lié aux médias de masse (télévision), s'est amplifié avec les réseaux sociaux et les IA.
Cette situation crée une connexion ressentie, bien que non réciproque, devenant un phénomène sociétal majeur. Ces dernières années, de nombreux rapports ont révélé que des internautes ont développé des sentiments amoureux pour leurs compagnons virtuels pilotés par l’IA. Dans d'autres cas, l'IA valide des fantasmes scientifiques inexistants et participe à la mise en danger de vies humaines. Merriam-Webster a aussi sélectionné le terme « touch grass ».
Cette expression idiomatique, qui est devenue populaire en ligne, signifie « participer à des activités normales dans le monde réel, par opposition aux expériences et interactions en ligne ». Elle s'adresse souvent aux personnes qui passent tellement de temps en ligne qu'elles se déconnectent de la réalité.
Cette liste met en évidence la toxicité croissante d’Internet
Les mots susmentionnés semblent refléter un mécontentement plus général dans le monde réel. Bien sûr, les gens se sont toujours plaints du Web, et les réseaux sociaux n'ont fait qu'accélérer et amplifier ce phénomène. Mais ces dernières années ont vu l'émergence de réseaux sociaux qui semblent précisément conçus pour nous contrarier. On peut avancer un argument systémique général sur la manière dont les algorithmes favorisent les désaccords.
Il y a également la manière dont les flux d'actualités nous procurent une dose rapide de dopamine. Mais cette analyse cache une vérité plus brutale : « être en ligne n'est plus très amusant ». La sphère numérique est de plus en plus toxique, avec des menaces de cybersécurité et des risques d'escroquerie.
Auparavant, on considérait que le Web pouvait être addictif, mais qu'il était en même temps un outil important et nourrissant, un peu comme la nourriture. Aujourd'hui, la façon dont nous parlons du Web a profondément changé. Elle est devenue très critique : il s'agit d'une sorte d'addiction vide, sans joie, comme la dépendance aux machines à sous dans un casino, ce à quoi cela ressemble en grande partie, mais sans la possibilité de gagner le jackpot.
Malgré tout, le désir de fuir ce casino clinquant et oppressant et de se déconnecter passe par la culture en ligne. Le réseau social X (ex-Twitter) d'Elon Musk regorge de messages demandant comment « profiter pleinement de la vie » et faire des choses loin d'Internet. « Éteignez votre téléphone », a répondu un internaute.
Le contenu du Web devient moins qualitatif qu'auparavant
L’un des effets les plus inquiétants de la domination croissante de l’IA...
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