Nous assistons littéralement à une « ruée vers l'intelligence artificielle » des grandes puissances dans de nombreux domaines d'application (transport, santé, commerce, assistant personnel, industrie, finance, défense, etc.). L'apprentissage automatique, l'un des champs d'études de l'intelligence artificielle, apporte des capacités technologiques de pointe offrant de nombreuses possibilités, à la fois dans l'espace civil que dans la sphère militaire. L'intelligence artificielle peut signifier une analyse complexe des données et une prise de décision accélérée, ce qui constitue un avantage considérable.
Pour la Chine, l'un de ses avantages les plus significatifs est la collaboration entre l'armée et l'industrie commerciale civile. En revanche, les grandes entreprises américaines telles que Google ne collaborent pas avec l'armée américaine sur l'IA. « Si nous ne trouvons pas un moyen de renforcer les liens entre le gouvernement des États-Unis, l'industrie et le monde universitaire, je dirais que nous avons le risque réel de ne pas avancer aussi vite que la Chine en matière d'intelligence artificielle », a déclaré le général Gen Jack Shanahan lors d'un point presse vendredi au Pentagone.
Shanahan, directeur du Centre commun d'intelligence artificielle du Pentagone, a déclaré que la fusion chinoise du civil et du militaire « est à leur avantage », ajoutant que le ministère de la Défense « devra travailler dur pour renforcer les relations que nous avons avec le secteur commercial ».
La « ruée chinoise vers l'intelligence artificielle » est une stratégie nationale bénéficiant du soutien de l'armée, du gouvernement, des universités et de l'industrie. « L'idée de cette fusion civilo-militaire renforce leur capacité à prendre des décisions commerciales et à permettre des usages militaires aussi rapides que possible », a expliqué Shanahan.
Le Pentagone a été abandonné à plusieurs reprises par des partenaires commerciaux. Par exemple, entre les mois de mars et de juin de cette année, nous sommes partis de Google aide le Pentagone à développer une IA pour analyser les vidéos capturées par drone à Google ne renouvellera pas son contrat avec le DoD dans le projet controversé Maven. À ceux qui ont manqué les multiples épisodes entre les deux mentionnés, on rappelle de façon brossée qu’il a fallu la mobilisation de plus de 3000 employés du géant technologique et d’organisations de protections des libertés sur Internet comme l’Electronic Frontier Foundation pour en arriver là.
En fait, c'est un groupe de 9 ingénieurs qui a déclenché cette mobilisation qui a conduit Google à arrêter de collaborer avec le Pentagone dans le cadre de ce projet en intelligence artificielle dénommé Maven. L’agence de presse Bloomberg a rapporté que plus tôt cette année, ce « groupe influent » d’ingénieurs du génie logiciel a été chargé d’implémenter un air gap – une espèce de cordon de sécurité autour de systèmes informatiques censés héberger des données sensibles. La manœuvre devait permettre à Google de passer le cap de la certification de son infrastructure informatique par le DoD et donc de se voir octroyer des contrats du genre dont on ne parle que dans des chambres noires. Seulement, pour le groupe de 9, une collaboration avec le Pentagone laissait entrevoir une utilisation de la technologie pour la guerre, ce contre quoi il a tenu à manifester son désaccord en refusant de procéder à la mise en œuvre de l’air gap. La suite, on la connaît avec l’effet boule de neige du vent de protestations.
« J'ai demandé à quelqu'un qui passe du temps en Chine à travailler sur l'IA s'il y avait un scénario Google / Project Maven », a déclaré Shanahan vendredi. « Il a ri et a déclaré : "Pas pour très longtemps" ».
Le président du Comité des chefs d'état-major, le général Joseph Dunford, a vivement critiqué Google au début de l'année, accusant l'entreprise d'aider la Chine.
Shanahan a reconnu que les relations entre l'armée, l'industrie et le monde universitaire qui ont contribué à alimenter l'essor de la Silicon Valley se sont « fragmentées » pour diverses raisons, notamment un certain nombre d'incidents qui ont ébranlé la confiance du public dans le gouvernement. « C'est une limitation pour nous », a-t-il admis.
« La stratégie chinoise de fusion civilo-militaire présente un défi concurrentiel qui doit être pris au sérieux », écrivait récemment Elsa Kania, experte du Centre pour la nouvelle sécurité américaine sur l'innovation militaire chinoise. « Pour ce qui est de l'avenir, la politique des États-Unis devrait viser à reconnaître et à redoubler nos propres initiatives visant à promouvoir le partenariat public-privé dans les technologies critiques, tout en maintenant et en augmentant les investissements dans la recherche et l'innovation américaines ».
Les États-Unis ne sont pas sans avantages
L’expérience américaine en matière de combat militaire est un avantage important pour les États-Unis, car elle ne se limite pas à l’intelligence artificielle, mais est également susceptible de servir à l’armée.
Shanahan a déclaré aux journalistes au Pentagone que la Chine avait « un avantage sur les États-Unis en termes de rapidité d'adoption et de données », mais a expliqué que toutes les données ne sont pas créées égales. « Le fait qu'ils aient des données ne me dit pas qu'ils ont une force inhérente pour intégrer cela dans leurs organisations militaires », a-t-il déclaré.
La Chine peut extraire des tonnes de données de ses sociétés, mais cela, a expliqué Shanahan, est un « type de données très différent d'une vidéo intégrale de combats en Afghanistan et en Irak » , qui peut être analysée avec soin et utilisée pour développer des capacités d'IA sur le champ de bataille.
Le ministère de la Défense étudie de près l'utilisation de l'intelligence artificielle pour des tâches telles que la maintenance prédictive, la détection d'événements, la cartographie de réseau, etc. Shanahan a déclaré : « 2020 sera une année charnière pour le département lorsqu'il s'agira de mettre en œuvre des technologies basées sur l'IA », il ne reste plus qu'à attendre pour voir à quoi ressemblera exactement cette évolution majeure.
La France n'est pas en reste
La France comme les autres pays de l’Union européenne tentent depuis toujours de réduire au maximum l’écart technologique qui existe entre les pays de l’Europe et ses concurrents américains et asiatiques. Pour sa part, la France a décidé de s’attaquer à des zones stratégiques telles que la recherche en ligne, avec l’expérience de Qwant, et l’intelligence artificielle (IA). Sur ce dernier point, la France compte énormément s’investir et obtenir des résultats très concluants dans plusieurs domaines dans lesquels l’IA peut servir. Très enthousiaste sur le sujet, le président Emmanuel Macron a promis un investissement d’une valeur de 1,5 milliard d’euros pour booster le développement de l’IA d’ici 2022.
Après la publication du rapport de Cédric Villani en mars 2018, Emmanuel Macron a levé le voile sur sa stratégie pour faire de la France l'un des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle. Il s'est inspiré, sinon a validé les grandes idées proposées par le député LREM, à quelques changements près. Le président français s’est montré en effet plus réaliste que le mathématicien Cédric Villani et a exclu l'idée de doubler les salaires des talents de l'IA. L'augmentation des salaires en début de carrière dans l'IA, pour Cédric Villani, était pourtant un « minimum indispensable » pour endiguer la fuite des cerveaux. Mais Macron a plutôt préféré s'inspirer d'autres propositions faites par le député.
Pour la circonstance, Emmanuel Macron a profité pour annoncer le déblocage d'une enveloppe de 1,5 milliard d'euros jusqu'en 2022 pour soutenir le développement et la recherche en IA en France. Dans ce fonds, un montant de 400 millions d’euros sera utilisé pour des « appels à projets et de défis d’innovation de rupture », a-t-il annoncé lors de son allocution au Collège de France. Ainsi, ces fonds seront issus de redéploiements budgétaires, de fonds publics existants et du nouveau fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros, censés produire 260 millions d’euros de ressources publiques par an.
Une enveloppe de 100 millions d’euros et de 70 millions d’euros les années suivantes sera consacrée à l’amorçage de start-ups dans l’intelligence artificielle et la deep tech. Emmanuel Macron compte aussi « augmenter la porosité entre la recherche publique et le monde industriel ». Les chercheurs français pourront à terme consacrer 50 % de leur temps à un groupe privé. Les choses semblent avoir été revues depuis cette allocution. Dans une apparition cette semaine, le ministre français de l’Économie a présenté un autre plan pour la subvention au développement de l’intelligence artificielle, tout en restant très clair sur les premiers secteurs auxquels les recherches seront consacrées.
Environ un an après l’annonce du président, le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, a étalé sur la table cette semaine le plan pour le décaissement des 1,5 milliard d’euros de subvention pour accroître les progrès de l’IA en France. Selon les propos du ministre, sur les 1,5 milliard d'euros promis d'ici 2022 dans le développement de l'intelligence artificielle en France, 650 millions seront réservés à la recherche et 800 millions aux premiers projets, notamment dans la santé, la cybersécurité et la certification des algorithmes. Les contours du plan et les principaux objectifs que vise cette subvention sont désormais très clairs.
Avec l’aide de cette subvention, il s’agira de développer l'écosystème des start-ups spécialisées dans les solutions d'intelligence artificielle ; infuser l'IA dans tous les secteurs, y compris dans les PME avec le soutien des grands groupes et attirer des investissements étrangers en France. Le quatrième objectif clé de la vision française rejoint celui pour lequel, même les cadors américains de l’IA semblent ne pas avoir trouvé la solution à ce jour. De quoi parle-t-on ? « Une IA éthique ». Celle-là qui respecte la vie privée des personnes et qui se montre totalement transparente. En gros, la France a également pour ambition de construire une « IA, version française, qui sera à la fois éthique et transparente ». Pour ce faire, les entreprises locales seront les plus sollicitées.
Source : Strategy Bridge, Insider
Et vous ?
Qu'est-ce qui peut, selon-vous, expliquer la fragmentation des relations entre l'armée, l'industrie et le monde universitaire ?
Le fait que l'armée et les entreprises technologiques civiles coopèrent en Chine confèrent-il réellement un avantage à ce pays ?
Au nom de la sécurité, les États gagneraient-ils à créer (ou recréer) une telle fusion de relation entre l'armée et l'industrie technologique ?
Pensez-vous que les manifestations américaines qui ont poussé des entreprises comme Google a abandonné leurs projets militaires sont antipatriotiques ? Pourquoi ?
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Le Pentagone estime que la Chine a un avantage sur les USA en matière d'applications militaires de l'IA
Dans la mesure où il y a une grande collaboration entre l'armée et l'industrie technologique
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Le , par Stéphane le calme
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