Bruxelles étudie les moyens d'imposer des limites strictes à l'utilisation de la technologie de reconnaissance faciale dans les espaces publics afin d'éviter des abus de la surveillance publique des citoyens européens. La Commission européenne prévoit un règlement qui accordera aux citoyens de l'UE des droits explicites sur l'utilisation de leurs données de reconnaissance faciale dans le cadre d'une refonte de la manière dont l'Europe réglemente l'intelligence artificielle, selon de hauts responsables.
L'objectif serait de limiter « l'utilisation aveugle de la technologie de reconnaissance faciale » par les entreprises et les pouvoirs publics, a déclaré un responsable. Selon le plan, les citoyens européens auraient le droit de « savoir quand les données [de reconnaissance faciale] sont utilisées », avec toutes les exceptions « strictement circonscrites » pour garantir une utilisation appropriée, a indiqué la source.
L’initiative de Bruxelles intervient au milieu de révélations sur l’utilisation de la reconnaissance faciale pour surveiller les foules dans des domaines tels que le King’s Cross de Londres, qui a déclenché la semaine dernière une enquête de la part du Royaume-Uni.
La décision de légiférer explicitement la technologie de reconnaissance faciale renforcerait la protection des citoyens au-delà des restrictions existantes prévues par le règlement général de l'UE sur la protection des données (RGPD). La collecte de données « biométriques » sensibles qui peuvent être utilisées pour identifier de manière unique des personnes est déjà interdite par le RGPD à moins que les citoyens ne donnent leur consentement explicite.
L'utilisation croissante de la technologie de surveillance dans les espaces publics a mis la reconnaissance faciale sous le feu des projecteurs réglementaires. Elizabeth Denham, la commissaire à l'information du Royaume-Uni, a déclaré qu'elle était « profondément préoccupée par le déploiement » et l'utilisation des technologies de reconnaissance faciale parmi les forces de police et de sécurité au Royaume-Uni. Mercredi, l'autorité nationale suédoise de protection des données a infligé la première amende en vertu du RGPD pour usage abusif de la reconnaissance faciale à une école qui a testé la technologie pour surveiller la fréquentation quotidienne des élèves. L’école a été condamnée à une amende de 200 000 SKr (18 670 €) pour violation du droit à la vie privée des élèves au moyen de la surveillance par caméra.
Bruxelles veut se donner du temps pour légiférer
Dans les faits, l'Union européenne envisage d'interdire la technologie de reconnaissance faciale dans les espaces publics pour une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, afin de lui donner le temps de trouver des moyens de prévenir les abus, selon les propositions de Reuters. Le plan de l'exécutif européen, présenté dans un livre blanc de 18 pages, s'inscrit dans un débat mondial sur les systèmes pilotés par l'intelligence artificielle et largement utilisés par les forces de l'ordre.
La Commission européenne a déclaré que de nouvelles règles strictes pourraient être introduites pour renforcer les réglementations existantes protégeant la vie privée et les droits des données des Européens. « Sur la base de ces dispositions existantes, le futur cadre réglementaire pourrait aller plus loin et inclure une interdiction limitée dans le temps de l'utilisation de la technologie de reconnaissance faciale dans les espaces publics », a déclaré le document de l'UE.
Pendant cette interdiction, d'une durée comprise entre trois et cinq ans, « une méthodologie solide pour évaluer les impacts de cette technologie et d'éventuelles mesures de gestion des risques pourrait être identifiée et développée ». Des exceptions à l'interdiction pourraient être faites pour les projets de sécurité ainsi que pour la recherche et le développement, selon le document.
Le document a également suggéré d'imposer des obligations aux développeurs et aux utilisateurs de l'intelligence artificielle et que les pays de l'UE devraient nommer des autorités pour surveiller les nouvelles règles.
La Commission cherchera à obtenir des commentaires sur son livre blanc avant de prendre une décision finale, ont déclaré des responsables. Margrethe Vestager, chef des services numériques et antitrust de l'UE, devrait présenter ses propositions le mois prochain.
Vers une réglementation de l'IA
Les projets de Bruxelles de légiférer sur la technologie de reconnaissance faciale s'inscrivent dans une volonté de l'UE de créer des lois éthiques régissant l'IA. Bien que le projet en soit à ses débuts, l'objectif serait d'aider à « favoriser la confiance et l'acceptation du public » dans la reconnaissance faciale, a noté un responsable.
Selon un document, l'UE veut élaborer une législation qui « devrait établir une norme mondiale pour la réglementation de l'IA » et établir « des règles claires, prévisibles et uniformes qui protègent adéquatement les individus ». Cela aiderait à s'appuyer sur les obligations existantes en vertu du RGPD et à cibler des technologies spécifiques telles que la reconnaissance faciale « qui comportent des risques spécifiques ».
« Les applications d'IA peuvent poser des risques importants pour les droits fondamentaux. Les systèmes d'IA non réglementés peuvent prendre des décisions affectant les citoyens sans explication, possibilité de recours ni même d'interlocuteur responsable », indique le document.
Ursula von der Leyen, présidente entrante de la commission, a déclaré qu'elle dévoilerait une législation dans les 100 premiers jours de son mandat qui fournirait une « approche européenne coordonnée sur les implications humaines et éthiques de l'intelligence artificielle ».
En juin, un groupe d'experts de l'UE travaillant pour la Commission a déclaré que de nouvelles règles devaient préciser quand les technologies suivaient des individus ciblés ou effectuaient une surveillance de masse.
Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement américain a annoncé des directives réglementaires sur la technologie de l'intelligence artificielle visant à limiter la portée excessive des autorités et a exhorté l'Europe à éviter les approches agressives.
Source : Reuters
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Bruxelles pourrait interdire l'utilisation des technologies de reconnaissance faciale dans les espaces publics sur cinq ans
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Le , par Stéphane le calme
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