Le 3 novembre 2018, Thaler a déposé une demande d'enregistrement d'une revendication de droit d'auteur sur une œuvre. L'auteur de l'œuvre a été identifié comme étant la Creativity Machine (littéralement « Machine à créativité »), Thaler étant répertorié comme le demandeur. Dans sa demande, Thaler a laissé une note à l'Office indiquant que l'œuvre « a été créée de manière autonome par un algorithme informatique exécuté sur une machine » et qu'il « cherchait à enregistrer cette œuvre générée par ordinateur en tant que travail pour la location au propriétaire de la machine à créativité ». Dans une lettre du 12 août 2019, un spécialiste de l'enregistrement du Bureau du droit d'auteur a refusé d'enregistrer la demande, estimant qu'il « manquait de la paternité humaine nécessaire pour étayer une demande de droit d'auteur ».
Thaler a ensuite demandé que le Bureau reconsidère son refus initial d'enregistrer l'œuvre, arguant que « l'exigence de paternité humaine est inconstitutionnelle et n'est étayée ni par la loi ni par la jurisprudence ».
Après avoir examiné l'œuvre à la lumière des points soulevés dans la première demande, le Bureau a réévalué les revendications et a de nouveau conclu en mars 2020 que l'œuvre « n'avait pas la paternité humaine requise pour soutenir une revendication de droit d'auteur », car Thaler « n'avait fourni aucune preuve d'une contribution créative ou d'une intervention suffisante d'un auteur humain dans l'œuvre ». Le Bureau a également déclaré qu'il n'abandonnerait pas « son interprétation de longue date de la Loi sur le droit d'auteur, de la Cour suprême et du précédent judiciaire des tribunaux inférieurs selon lequel "une œuvre ne répond aux exigences légales et formelles de la protection du droit d'auteur que si elle est créée par un auteur humain" ».
Cette fois-ci, dans une deuxième demande de réexamen datant de mai 2020, Thaler a renouvelé ses arguments selon lesquels l'exigence de paternité humaine du Bureau est inconstitutionnelle et non étayée par la jurisprudence. La deuxième demande reprend les mêmes arguments que la première demande, avançant largement des arguments de politique publique selon lesquels l'Office « devrait » enregistrer les droits d'auteur sur les œuvres générées par machine, car cela « ferait avancer les objectifs sous-jacents de la loi sur le droit d'auteur, y compris la justification constitutionnelle de la protection du droit d'auteur ».
En réponse à la citation par le Bureau de la jurisprudence pertinente concernant la paternité humaine, Thaler affirme « qu'il n'existe aucune autorité contraignante qui interdit le droit d'auteur pour [les œuvres générées par ordinateur], c'est à dire que la loi sur le droit d'auteur permet déjà à des entités non humaines d'être des auteurs en vertu de la doctrine du travail réalisé pour la location ; et enfin que le Bureau du droit d'auteur "s'appuie actuellement sur des avis judiciaires non contraignants de l'âge d'or pour répondre à la question de savoir si [les œuvres générées par ordinateur] peuvent être protégées ».
A Recente Entrance to Paradise
Le travail de Creativity Machine, vu ci-dessus, s'intitule A Recente Entrance to Paradise (litérallement « Une entrée récente au paradis »). Cela fait partie d'une série que Thaler a décrite comme une « expérience de mort imminente simulée » dans laquelle un algorithme retraite des images pour créer des images hallucinatoires et un récit fictif sur l'au-delà. Surtout, l'IA est censée le faire avec une intervention humaine extrêmement minime, mais le Copyright Office ne lui as pas pour autant accordé la paternité de l'œuvre.
La décision du conseil appelle « le lien entre l'esprit humain et l'expression créative » un élément vital du droit d'auteur. Comme il le note, la loi sur le droit d'auteur ne définit pas directement les règles pour les non-humains, mais les tribunaux ont vu d'un mauvais œil les affirmations selon lesquelles les animaux ou les êtres divins peuvent profiter des protections du droit d'auteur. Une décision de 1997 dit qu'un livre de (supposées) révélations divines, par exemple, pourrait être protégé s'il y avait (encore une fois, soi-disant) un élément d'arrangement et de conservation humains. Plus récemment, un tribunal a conclu qu'un singe ne pouvait pas intenter une action en justice pour violation du droit d'auteur. « Les tribunaux ont été cohérents en concluant que l'expression non humaine n'est pas éligible à la protection du droit d'auteur », a déclaré le conseil.
Cela ne signifie pas nécessairement que tout art avec un composant d'IA n'est pas éligible. Thaler a souligné que les humains n'étaient pas impliqués de manière significative, car son objectif était de prouver que les œuvres créées par des machines pouvaient être protégées, et pas simplement d'empêcher les gens de porter atteinte à l'image. Le raisonnement du Bureau américain du droit d'auteur en a pris compte dans son explication. Selon lui, si quelqu'un essayait de protéger une œuvre similaire en arguant qu'il s'agissait d'un produit de sa propre créativité exécuté par une machine, le résultat pourrait sembler différent. Un tribunal pourrait également parvenir à une conclusion alternative sur le travail de Thaler s'il suit son rejet d'un procès.
Même ainsi, le Bureau du droit d'auteur souligne l'importance de l'action humaine dans les œuvres produites par des machines. Alors que l'IA devient une partie plus importante des répertoires des artistes, les limites de cette conclusion pourraient être testées pour les années à venir.
Thaler a tenté en vain d'établir que les IA peuvent également breveter des inventions aux États-Unis et ailleurs dans le monde
Une IA nommée DABUS, a été créée par Stephen Thaler, directeur général de Imagination Engines. Elle est décrite comme une « intelligence artificielle connexionniste », c’est-à-dire « qu'elle repose sur un système de plusieurs réseaux neuronaux capable de générer des idées en modifiant leurs interconnexions. Un second système de réseaux neuronaux analyse les conséquences critiques de ces idées et les renforce au regard des prédictions ».
Ces idées générées par l'IA on fait l'objet de demandes de brevets qui ont été soumises en août 2019 au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Europe par l'équipe du projet Inventeurs Artificiels, dirigée par le professeur Ryan Abbott de l'Université du Surrey, au Royaume-Uni.
Il s'agit précisément de deux brevets :
- le numéro EP 18 275 163 porte sur un type de récipient pour boissons basé sur la géométrie fractale ;
- le numéro EP 18 275 174 se focalise sur un dispositif embarquant une lumière vacillante pour attirer l’attention pendant des opérations de recherche et de sauvetage.
L'équipe du projet Inventeurs Artificiels soutient que :
« Dans le cas de ces inventions, la machine n'a été entraînée que dans la connaissance générale de ces champs et a procédé indépendamment à la conception de l'invention afin de l'identifier comme nouvelle et pertinente. Si un entraînement similaire était donné à un étudiant, c'est ledit étudiant et non celui qui l'a enseigné qui aurait eu la possibilité de bénéficier de la paternité de l'invention.
« Dans certains cas des inventions de la machine, une personne physique pourrait en prendre le crédit parce qu'elle a démontré de ces capacités dans la création d'un programme qui résout un problème particulier, dans la sélection méticuleuse des données à fournir à la machine ou dans l'identification des résultats apportés par la machine qui pourrait être vus comme des inventions. Toutefois, dans le cas d'espèce, DABUS n'a pas été créé pour résoudre un problème particulier, il n'a pas été entraîné avec des données spéciales appropriées aux inventions actuelles et la machine, au lieu d'une personne, a identifié la nouveauté et la pertinence des inventions actuelles ».
Et d'estimer que « les conclusions de machines autonomes inventives devraient être brevetables si elles sont conformes aux conditions requises par la loi. La raison première des lois sur les brevets est d'inciter à l'innovation, en plus d'inciter à la divulgation d'informations, à la commercialisation et au développement des inventions. Permettre aux machines de détenir des brevets incite au développement de machines inventives, ce qui contribue à l'innovation. Dans la mesure où les brevets incitent à la commercialisation et à la divulgation d'informations, il n'y a pas de changement à cette fonction qu'il s'agisse d'un humain ou d'une machine génératrice d'invention. Refuser d'accorder des brevets aux machines inventives pour leurs conclusions représente une menace pour le système de brevets puisqu'il ne va plus encourager à la production d'inventions avec des valeurs sociales. Ceci sera particulièrement important tandis que les intelligences artificielles deviennent de plus en plus sophistiquées et seront probablement le standard de futurs R&D industriels ».
Et pour ceux qui estiment que l'invention d'une machine autonome devrait être attribuée au créateur de la machine, l'équipe précise que, dans le cas d'espèce, le créateur ne peut pas s'octroyer du crédit pour les inventions de la machine dans la mesure où il n'a pas contribué aux résultats apportés par la machine : « DABUS a effectué ce qui est traditionnellement connu comme étant la partie intellectuelle de l'acte d'invention. Sur la base de ses inventions, une personne douée pourrait la faire passer de théorie à pratique. S'approprier à tort le bénéfice de cette invention pourrait lui faire risquer des peines criminelles ».
L'Office européen des brevets a indiqué « qu'après avoir entendu les arguments du demandeur dans une procédure orale non publique le 25 novembre, l'OEB a refusé les brevets EP 18 275 163 et EP 18 275 174 au motif qu'ils ne satisfont pas à l'exigence de la Convention sur les brevets selon laquelle un inventeur désigné dans la demande doit être un être humain et non une machine ».
En avril 2020, l'Office américain des brevets et des marques (USPTO) a publié une décision selon laquelle les intelligences artificielles ne peuvent pas être des inventeurs. Seules les « personnes physiques » ont actuellement le droit d'obtenir un brevet.
Jusqu'à présent, la législation américaine sur les brevets était vague quant à savoir si les machines pouvaient inventer, faisant référence aux « individus » en tant qu'inventeurs éligibles. Thaler, avec un groupe d'experts en droit des brevets, a fait valoir que parce que Thaler n'avait aucune expertise dans les conteneurs ou les lampes de poche, et n'a pas aidé DABUS à faire les inventions, il ne serait pas juste pour lui d'être répertorié comme inventeur .
« Si j'enseigne quelque chose à mon doctorant et qu'il continue à développer une idée complexe finale, cela ne fait pas de moi un inventeur de son brevet, le même principe devrait être appliqué à une machine » a estimé Ryan Abbott, professeur de sciences de la santé de l'Université de Surrey au Royaume-Uni qui a dirigé le groupe d'experts juridiques dans le projet de brevet sur l'IA, au Wall Street Journal l'année dernière.
Au Royaume-Uni, les brevets DABUS ont été rejetés en vertu des lois sur les brevets qui interdisent aux personnes non physiques d'inventer. Avec l'annonce de cette semaine, les États-Unis ont emboîté le pas, déclarant que « seules les personnes physiques peuvent être désignées comme inventeurs dans une demande de brevet ».
Sources : décision de l'Office américain du droit d'auteur (au format PDF), Propriété Intellectuelle et Organisation Spirituelle dans la Fondation Urantia (au format PDF)
Et vous ?
Que pensez-vous de la décision de l'Office américain de brevet ?
Peut-on réellement parler de concepts créés par une IA ? Dans quelle mesure ?
L'IA devrait-elle pouvoir disposer de brevets ? Pourquoi ?
Sinon, qui devrait donc bénéficier des concepts qu'elle propose ?
Qui doit être considéré comme l’inventeur du produit d’une intelligence artificielle ?
Qui est le propriétaire du produit d’une intelligence artificielle ?
Peut-on s’attribuer (par protection) les droits d’auteur d’une œuvre produite par une intelligence artificielle ?
Voir aussi :
Bill Gates pense que le gouvernement devrait réglementer les grandes entreprises de technologies plutôt que de les démanteler, car cela n'arrêtera pas les comportements anticoncurrentiels
Le PDG d'Apple reconnaît que le fait de ne pas avoir de réglementation autour de la technologie, a entraîné des dommages importants pour la société