
Peut-on sérieusement prétendre au leadership mondial en IA tout en hébergeant ses serveurs d'IA sous bâche ? S’agit-il d’une stratégie brillante de contournement logistique ou du symbole d’un emballement technologique sans garde-fous ?
Mark Zuckerberg ne s’en cache plus : la superintelligence artificielle est un pilier stratégique de Meta. Il ne s’agit plus simplement de modérer du contenu sur Facebook. En janvier, il a déclaré que Meta Platforms prévoit de dépenser entre 60 et 65 milliards de dollars en 2025 pour développer l'infrastructure de l'intelligence artificielle, rejoignant ainsi une vague d'entreprises de la Big Tech qui dévoilent des investissements considérables pour capitaliser sur la technologie. Tout ceci après avoir indiqué en 2024 comment Meta va écraser Google et Microsoft dans le domaine de l'IA, en mettant l'accent sur l'exploitation de ses vastes actifs de données.
Et même si l'IA chinoise DeepSeek-R1 a pris de cours toute la Silicon Valley et a provoqué la panique à Wall Street, Mark Zuckerberg ne s'est pas découragé pour autant : il a réitéré que Meta allait investir davantage dans l'IA.
Galvanisé par le projet de loi controversé de Trump One Big Beautfiul Bill qui vise à interdire la règlementation de l'IA, les grandes enseignes américaines accélèrent le pas. Pour mémoire, les sénateurs se sont accordés sur cette interdiction le mois dernier.
Mais l'expansion exponentielle des besoins énergétiques et logistiques de Meta se heurte à des contraintes du monde réel : construction longue, autorisations environnementales, goulots d’étranglement industriels, etc. C’est dans ce contexte que surgit une solution inattendue : accélérer l’installation de serveurs en les hébergeant sous de grandes tentes.
La solution de secours de Meta
Meta a débauché des chercheurs en IA, tandis que Zuckerberg a annoncé lundi que Meta construisait un centre de données de 5 gigawatts appelé Hyperion.

Tous ces signes montrent que Meta souhaite développer plus rapidement ses capacités d'IA après avoir pris du retard sur des concurrents comme OpenAI, xAI et Google, et que Zuckerberg n'est pas prêt à attendre les délais de construction habituels pour combler l'écart.
« Cette conception n'est pas une question de beauté ou de redondance. Il s'agit de mettre le calcul en ligne rapidement ! » indique SemiAnalysis dans son rapport. « Des modules d'alimentation et de refroidissement préfabriqués aux structures ultra-légères, la vitesse est essentielle car il n'y a pas de génération de secours (c'est-à-dire pas de générateurs diesel en vue) », ajoute le rapport.
Quant au centre de données Hyperion, Ashley Gabriel, porte-parole de Meta, a déclaré qu'il sera situé en Louisiane et aura probablement une capacité de 2 gigawatts d'ici 2030.

Le modèle « Tesla sous tente » : inspiration ou imitation ?
Ce recours à des infrastructures temporaires rappelle immédiatement l’épisode célèbre de Tesla en 2018, lorsque Elon Musk avait installé une ligne de production de voitures sous un chapiteau à Fremont pour répondre à la demande du Model 3. Pour une mise en contexte, le constructeur s'est rendu compte que ses bâtiments, le site industriel de Fremont, étaient trop petits pour atteindre les objectifs de production. Elon Musk a donc retenu l'idée d'ériger quelque chose qui ne nécessite pas de permis de construire, soit une structure bâchée : des tentes. De très grandes tentes, de 30 m de long. Il y en a eu plusieurs à la suite l'une de l'autre, et elles abritaient une chaine de montage. À l’époque, l’initiative avait été critiquée mais aussi saluée pour son pragmatisme audacieux.
Mark Zuckerberg semble aujourd’hui rejouer ce scénario, non pas pour assembler des véhicules, mais pour entraîner des modèles d’IA de plus en plus voraces en calcul et en données.
Mais la comparaison a ses limites. Là où Tesla fabriquait des objets physiques, Meta héberge et traite des quantités massives de données sensibles, nécessitant une sécurité physique, thermique, numérique et énergétique sans faille. Une tente, aussi sophistiquée soit-elle, n’offre pas les garanties structurelles d’un véritable data center. Le parallèle avec Musk tourne vite à la caricature : Zuckerberg ne joue pas avec des voitures, mais avec une technologie susceptible de redéfinir l’humanité.
Plusieurs limites à cette approche
Sécurité physique et cybersécurité
Les data centers traditionnels bénéficient de murs renforcés, d’un refroidissement optimisé, de redondances électriques, d’une protection incendie, d’un contrôle d’accès strict. Une tente industrielle, même équipée de climatiseurs et de générateurs, reste vulnérable. Elle peut être ciblée par des actes de malveillance, soumise à des aléas climatiques, voire à des fuites de données facilitées par son caractère temporaire.
Empreinte carbone et efficacité énergétique
L'urgence de déployer l’infrastructure IA de Meta ne s’accompagne pas d’un souci pour l’écologie. Installer des serveurs énergivores dans des environnements mal isolés thermiquement risque de provoquer une surconsommation énergétique majeure, avec un refroidissement inefficace, souvent à base de solutions coûteuses en CO2.
Précipitation contre planification
Ce choix révèle une logique de croissance brutale sans planification à long terme. En brûlant les étapes, Meta s’expose à des erreurs stratégiques. Si la superintelligence nécessite des bases solides, commencer son développement dans des conditions précaires revient à poser les fondations d’un gratte-ciel sur du sable.
L'essor des centres de données pour l'IA pollue les nappes phréatiques
Meta continue de développer ses projets de centres de données afin d'augmenter ses capacités pour former les futurs modèles d'IA. Cependant, ces gigantesques infrastructures énergivores ont un impact important sur leur environnement et sur les riverains. Dans certaines régions du monde, les centres de données pour l'IA polluent les nappes phréatiques, rendent l'eau impropre à la consommation et exercent une pression sur les réseaux électriques.
À Mansfield, en Géorgie, aux États-Unis, les habitants se plaignent de l'impact critique d'un centre de données de Meta sur leur environnement. Un récent rapport de la BBC relate la façon dont le quotidien de Beverly Morris, une habitante de la ville, est devenu difficile depuis l'installation du centre de données.
Depuis les travaux de construction du centre de données de Meta, la source d’eau privée de Beverly Morris est devenue trouble, chargée en sédiments, et donc impropre à la consommation. Elle ne peut plus boire l’eau du robinet, mais l'utilise pour d'autres usages. Beverly Morris doit désormais s’approvisionner en eau en bouteille ou transporter manuellement de l’eau propre. Le centre de données de Meta se situe à 400 mètres de son porche.
« Je ne peux pas vivre dans ma maison si la moitié de celle-ci fonctionne et que je n'ai pas d'eau. Je ne peux pas boire l'eau », a-t-elle déclaré. Elle explique qu'elle a dû réparer la plomberie de sa cuisine pour rétablir la pression de l'eau. Mais l'eau qui sort du robinet contient encore des résidus. « J'ai peur de boire l'eau, mais je continue à cuisiner et à me brosser les dents avec. Cela m'inquiète-t-il ? Oui », a-t-elle indiqué au journal britannique.
Beverly Morris s'est installée dans la petite ville de Mansfield, en Géorgie, après sa retraite en 2016. D'après ses dires, elle pensait avoir trouvé son « petit coin de paradis », mais il n'en est plus rien désormais. « C'était l'endroit idéal pour moi. Mais ce n'est plus le cas »,...
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