OpenAI traverse une zone de turbulences qui remet en cause sa position dominante dans l’intelligence artificielle. Longtemps perçue comme l’entreprise visionnaire capable de définir seule l’avenir de l’IA générative, elle doit aujourd’hui composer avec une gouvernance instable, une dépendance structurelle à Microsoft, une pression concurrentielle accrue et un climat interne délétère. Les enquêtes dévoilent une organisation fragilisée, dont l’édifice semble tenir sur un équilibre précaire. Au-delà du destin de cette entreprise emblématique, c’est l’évolution même de l’industrie de l’IA qui se joue.L’année 2025 aura agi comme un révélateur brutal pour OpenAI. Ce qui devait être la trajectoire triomphale de l’entreprise la plus emblématique de l’intelligence artificielle générative commence à ressembler à une lente décomposition.
L’entreprise est toujours puissante, toujours capable d’influencer les débats mondiaux et d’attirer les talents. Pourtant, derrière l’aura de leadership technologique, les fissures s’élargissent, nourries par une instabilité structurelle, des tensions internes et un positionnement stratégique de plus en plus contesté.
L’impression générale est celle d’un colosse qui avance encore, mais dont les fondations fragilisées risquent d’emporter l’édifice entier. Le mythe OpenAI, bâti sur une vision quasi messianique de l’AGI, se heurte à la réalité d’une industrie devenue ultra-concurrentielle, industrialisée et dominée par des acteurs capables d’aligner des moyens financiers, énergétiques et industriels d’une ampleur inédite.
OpenAI occupe aujourd'hui une position bien moins dominante qu'il y a quelques années, après la sortie publique de ChatGPT
En 2022, la popularité soudaine de ChatGPT avait semé la panique chez Google. La société était tellement inquiète à l'idée que ce nouveau chatbot puisse perturber son activité de recherche que ses dirigeants avaient déclenché une alerte « alerte rouge » au sein de l'entreprise et rappelé Sergey Brin et Larry Page, alors à la retraite depuis 2019, pour les aider à formuler une réponse à OpenAI.
Il faut dire qu'il y avait de quoi faire paniquer l'entreprise : ChatGPT était l'un des phénomènes Internet de l’heure, tant les internautes s’émerveillaient de son « intelligence. » Certains le qualifiaient même de remplaçant du moteur de recherche Google étant donné qu’il est capable de donner de façon directe des solutions à des problèmes complexes et ce, de façon détaillée.
Google a alors précipitamment lancé Bard, annonçant son premier chatbot commercial le 6 février 2023. Quelques jours plus tard, l'action Google s'est effondrée lorsque l'IA a donné une réponse erronée à une question sur le télescope spatial James Webb de la NASA lors d'une démonstration publique.
En effet, un GIF partagé par Google montre Bard répondant à la question : « De quelles nouvelles découvertes du télescope spatial James Webb puis-je parler à mon enfant de 9 ans ? » Bard propose une liste à puces de trois éléments, parmi lesquels un élément indiquant que le télescope « a pris les toutes premières images d'une planète en dehors de notre propre système solaire ».
La toute première réponse de Bard contenait une erreur factuelle
Cependant, un certain nombre d'astronomes sur Twitter ont souligné que c'était incorrect et que la première image d'une exoplanète avait été prise en 2004 - comme indiqué sur le site Web de la NASA : « Ce n'est pas pour faire mon connard (en fait, si finalement) et je suis sûr que Bard sera impressionnant, mais pour mémoire : JWST n'a pas pris 'la toute première image d'une planète en dehors de notre système solaire' », a tweeté l'astrophysicien Grant Tremblay.
[TWITTER]<blockquote class="twitter-tweet"><p lang="en" dir="ltr">Not to be a ~well, actually~ jerk, and I'm sure Bard will be impressive, but for the record: JWST did not take "the very first image of a planet outside our solar system". <br><br>the first image was instead done by Chauvin et al. (2004) with the VLT/NACO using adaptive optics. <a href="https://t.co/bSBb5TOeUW">https://t.co/bSBb5TOeUW</a> <a href="https://t.co/KnrZ1SSz7h">pic.twitter.com/KnrZ1SSz7h</a></p>— Grant Tremblay (@astrogrant) <a href="https://twitter.com/astrogrant/status/1623091683603918849?ref_src=twsrc%5Etfw">February 7, 2023</a></blockquote> <script async src="https://platform.twitter.com/widgets.js" charset="utf-8"></script> [/TWITTER]
Une guerre technologique où OpenAI n’a plus l’avantage : l'illustration avec DeepSeek
Mais Google n'était pas la seule à vouloir s'approprier d'une part du grand gâteau de l'IA. Alors que le géant de la recherche cherchait à faire concurrence à OpenAI, d'autres, dont Microsoft et Apple, ont conclu des accords avec l'entreprise afin d'intégrer sa technologie à leurs produits et services, tous convaincus que l'IA finirait par révolutionner tous les aspects de l'économie.
Depuis lors, OpenAI a vu son avance sur Google et une grande partie du secteur de l'IA s'évaporer, ce qui a abouti à une série de coups successifs tout au long de l'année 2025.
Le 20 janvier, le jour même où Altman s'affairait à côtoyer d'autres oligarques de la technologie lors de l'investiture de Donald Trump, la société chinoise DeepSeek a discrètement lancé son modèle de chaîne de pensée R1.
Sam Altman, PDG d’OpenAI, n’a pas hésité à saluer les performances de DeepSeek, qu’il a qualifié de « modèle impressionnant » dans une publication sur X le 28 janvier. Il s’est particulièrement attardé sur l’efficacité du modèle au regard de son coût de développement : moins de 6 millions de dollars, un chiffre dérisoire comparé aux milliards investis par les leaders du secteur comme OpenAI. Ce commentaire, venant de l’un des pionniers de l’intelligence artificielle moderne, souligne à quel point la startup chinoise a bousculé l’ordre établi.
Satya Nadella, PDG de Microsoft, a lui aussi exprimé son admiration pour DeepSeek, affirmant qu’il représente désormais le nouveau « critère de réussite » en matière d’IA pour la firme de Redmond. Ce qui l’a particulièrement frappé, c’est la capacité d’une équipe de seulement 200 personnes à développer une solution IA qui s’est hissée au sommet de l’App Store. Cette réussite spectaculaire remet en question les méthodes traditionnelles de l’industrie, souvent dépendantes d’effectifs massifs et de budgets faramineux.
Une semaine plus tard, le chatbot de la start-up dépassait ChatGPT en tant qu'application gratuite la plus téléchargée sur l'App Store américain.
Nadella a souligné que ce qui rend DeepSeek remarquable n’est pas seulement sa dimension technique, mais surtout sa capacité à transformer un projet open source en un produit concret, massivement adopté par le grand public. Pour lui, cela fixe une nouvelle barre à atteindre dans le domaine de l’IA. Selon les données de la plateforme [aitools.xyz], DeepSeek était alors l’outil d’IA connaissant la plus forte croissance au monde, dépassant même ChatGPT en nombre de visites mensuelles sur son site.
La réponse d'OpenAI à DeepSeek, loin d'être au rendez-vous
Le succès fulgurant de DeepSeek a fait perdre 1 000 milliards de dollars à la valeur boursière et a très certainement pris OpenAI au dépourvu.
En réponse, l'entreprise a fait preuve d'une nouvelle urgence. En une semaine, par exemple, OpenAI a lancé à la fois o3-mini et Deep Research. Elle est même allée jusqu'à annoncer ce dernier un dimanche soir. Mais malgré toute cette nouvelle urgence, la plus grande et la plus importante sortie de l'année d'OpenAI a été un échec.
On peut affirmer sans risque que GPT-5 n'a pas répondu aux attentes, encore moins de celles d'OpenAI. La société a vanté les mérites de ce système, le présentant comme plus intelligent, plus rapide et plus performant que tous ses modèles précédents, mais après l'avoir essayé, les utilisateurs se sont plaints d'un chatbot qui commettait des erreurs étonnamment stupides et manquait cruellement de personnalité.
Malgré le discours marketing sur cette intelligence artificielle de pointe, qualifiée « d'intelligence de niveau doctorat » par ses créateurs, GPT-5 pense qu'il y a trois « r » dans le mot « Northern Territory ». C'est ce qu'ont découvert les utilisateurs après avoir essayé la dernière mouture de ChatGPT.
Cependant, lorsque les utilisateurs des réseaux sociaux ont tenté de mettre GPT-5 au défi, ils ont constaté que le modèle commettait des erreurs élémentaires dans ses réponses. Un utilisateur de Bluesky a remarqué que le chatbot affirmait à plusieurs reprises qu'il y avait trois B dans « blueberry ».
« Oui, blueberry est l'un de ces mots dont le milieu vous fait presque trébucher, comme s'il disait « b-b-better pay attention » (mieux vaut faire attention) », a déclaré le chatbot dans la conversation publiée. « Mais ce petit moment bb est satisfaisant, il rend le mot encore plus entraînant. »
Un autre utilisateur a constaté que le chatbot était incapable d'identifier correctement les États américains contenant la lettre R. Et lorsqu'on lui a demandé de produire une carte, il a mal orthographié des États tels que « Krizona » et « Vermoni ». ChatGPT a également répertorié deux fois la Californie et inventé les États « New Jefst » et « Mitroinia ».
« Je me suis réveillé ce matin et j'ai découvert qu'OpenAI avait supprimé 8 modèles pendant la nuit. Sans avertissement. Sans choix. Sans "option héritée". Ils les ont simplement... supprimés », s'est plaint un utilisateur. « 4o ? Disparu. o3 ? Disparu. o3-Pro ? Disparu. 4.5 ? Disparu. Tout ce qui rendait ChatGPT réellement utile pour mon flux de travail a été supprimé. »
Pour beaucoup, GPT-5 semblait être une régression par rapport à l'ancien GPT-4o, plus simple. C'est une position dans laquelle aucune entreprise d'IA ne souhaite se trouver, et encore moins une entreprise qui a reçu autant d...
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