La bataille de l’IA fait de plus en plus rage entre les pays, et pour cause, elle est considérée comme une clé du futur pour la domination des nations. Pendant ce temps, la technologie suscite de nombreuses inquiétudes dans le monde du travail de sorte que les études concernant ce sujet se multiplient. Pour certains, l’IA ne pourra jamais vraiment remplacer l'homme et restera juste au stade d’assistant, tandis que d’autres craignent des pertes d’emplois pour certaines catégories de travailleurs. Selon une nouvelle étude de Wharton School de l'Université de Pennsylvanie, ce sont les cadres, et non les employés de niveau inférieur, qui voient leurs rangs diminuer avec l'apparition de l'intelligence artificielle et des robots.
Dans une discussion podcast publiée en novembre, Lynn Wu, professeur à Wharton School parle des conclusions de son étude dont le rapport intitulé "La révolution des robots : conséquences pour les entreprises en matière de gestion et d'emploi" sera publié dans la revue Management Science. Les recherches de Wu portent sur la manière dont les nouvelles technologies de l'information, telles que l'intelligence artificielle et l'analyse des données, affectent l'innovation, la stratégie commerciale et la productivité. Sa récente étude est basée sur l'examen des performances des entreprises qui ont acheté des systèmes d’IA et des robots sur une période de 20 ans au Canada.
L’une des conclusions du rapport, dont a parlé Wu lors de la discussion, souligne que « contrairement à l'idée populaire selon laquelle les robots remplaceront le travail humain, nous constatons que les entreprises qui adoptent des robots emploient plus de personnes au fil du temps. Tout déplacement de main-d'œuvre provient d'entreprises qui n'ont pas adopté de robots. Ces entreprises qui n'ont pas adopté les robots ont en fait perdu leur compétitivité - et elles ont dû licencier des travailleurs ».
Mais la révélation la plus surprenante de l'étude est cependant que l'adoption de l'intelligence artificielle et de la robotique a entraîné une réduction des rangs des gestionnaires et des superviseurs. « C'est une catégorie de personnes à laquelle nous ne nous attendions pas à ce que les robots aient un effet », a déclaré Wu. « Parce que les managers, par définition, supervisent d'autres êtres humains, nous ne pouvons donc pas vraiment remplacer leurs fonctions jusqu'à ce que la singularité se produise avec une intelligence artificielle générale ».
Selon Wu, le déclin des opportunités des managers dans l'entreprise qui ont adopté l'IA et la robotique est le résultat de vastes gains d'efficacité introduits dans des processus qui nécessitaient autrefois la supervision des managers. « Il est moins nécessaire pour les managers de superviser, de s'assurer que les travailleurs se présentent à l'heure, d'inspecter leur travail, etc », a déclaré Wu. « Les robots peuvent enregistrer précisément le travail qu'ils ont effectué, il n'y a donc pas de frais d'agence, pas de falsification des chiffres », a-t-elle ajouté.
Une analyse publiée au début de cette année aborde la question dans le même sens. En effet, la plus grande crainte de quelques travailleurs interrogés n'est pas que les robots viennent occuper leurs postes, mais c'est que les robots soient déjà devenus leur patron. Ce qui rend leur travail stressant.
« Les robots surveillent les femmes de chambre des hôtels, leur disent quelle chambre nettoyer et suivent la rapidité avec laquelle elles le font. Ils gèrent les développeurs de logiciels, surveillent leurs clics et leurs défilements et retiennent sur leur paie s'ils travaillent trop lentement. Ils écoutent les employés des centres d'appels, leur disent quoi dire, comment le dire, et les tiennent constamment, au maximum, occupés. Pendant que nous surveillons l'horizon des camions autonomes, perpétuellement à cinq ans de distance, les robots arrivent sous la forme du superviseur, du contremaître, du cadre intermédiaire », lit-on.
« Ces systèmes automatisés peuvent détecter des inefficacités qu'un gestionnaire humain n'aurait jamais pu détecter - un moment d'arrêt entre deux appels, une habitude de s'attarder à la machine à café après avoir terminé une tâche, un nouvel itinéraire qui, si tout se passe parfaitement, pourrait permettre de livrer quelques paquets de plus en une journée. Mais pour les travailleurs, ce qui ressemble à des inefficacités pour un algorithme est leurs dernières réserves de répit et d'autonomie, et comme ces petites pauses et libertés mineures sont optimisées, leur travail devient plus intense, plus stressant et plus dangereux ».
L'IA et les robots stimulent l'emploi, tant pour les emplois peu qualifiés que pour les emplois hautement qualifiés
Alors que plusieurs continuent de se poser la question si les robots remplaceront leurs homologues humains ou amélioreront leur travail, une autre conclusion de l’étude du professeur Wu retient que les emplois peu qualifiés et hautement qualifiés sont stimulés par l'IA et les robots. Pour elle, ce sont plutôt les emplois « moyennement qualifiés » qui sont menacés, a constaté Wu.
« Les robots ne peuvent pas remplacer directement les travailleurs peu qualifiés comme les ramasseurs et les emballeurs », dit-elle. « Un directeur peut potentiellement superviser plusieurs de ces travailleurs à la fois ». Pour les travailleurs hautement qualifiés, « l'effet est un peu moins certain », poursuit-elle. « Ils peuvent se gérer eux-mêmes ; ces travailleurs hautement qualifiés savent mieux faire leur travail que leurs managers ».
Wu souligne qu'en conséquence, « l'échelle des carrières est quelque peu perturbée. Pour qu'un travailleur peu qualifié devienne un travailleur hautement qualifié, il lui faudrait un diplôme universitaire et beaucoup plus de formation. De nombreux travailleurs peu qualifiés ne peuvent tout simplement pas avoir ce type d'éducation pour diverses raisons. Ils sont potentiellement bloqués dans ces emplois de premier échelon, avec presque aucune possibilité ou très peu de possibilités d'avancement. Il y a moins de demandes pour des rôles de supervision ».
Cette étude arrive alors que bon nombre des précédents rapports ont constaté que ce sont les emplois col bleu qui sont particulièrement susceptibles d'être perturbés par l’IA. L’automatisation devrait plus affecter, selon ces rapports, les emplois comme conducteurs et chauffeurs de poids lourd. En plus de ceux-là, l’IA vient aussi « pour les emplois de programmation », a dit en mai dernier Jack Dorsey, PDG de Twitter. « Une grande partie des objectifs du machine learning et du deep learning est d'écrire le logiciel lui-même au fil du temps, de sorte que beaucoup d'emplois de programmation de premier niveau ne seront tout simplement plus aussi pertinents ».
La question est de savoir ce qu'il faut faire avec les travailleurs déplacés. « Comment les former à la nouvelle économie ? » a demandé Wu. « Où les robots sont-ils largement adoptés ? Comme pour toutes les tâches, le travail lui-même doit être repensé. Nous devons tirer parti de la main-d'œuvre pour utiliser efficacement le capital humain, peut-être par le biais d'une reconversion, peut-être par l'esprit d'entreprise. Nous devons trouver des moyens d'utiliser ce capital humain. Les robots ne peuvent pas faire la plupart de ce que nous pouvons faire ».
Wu recommande aux organisations qui cherchent à tirer parti de l'IA et de la robotique de revoir leur motivation. « Nos recherches montrent que la principale motivation pour adopter des robots n'est pas de réduire les coûts de main-d'œuvre, mais d'améliorer la qualité des produits et des services. Les entreprises doivent repenser et réaménager leurs processus de travail afin de pouvoir exploiter au mieux les capacités des robots. Si votre entreprise cherche avant tout à réduire les coûts de main-d'œuvre, vous risquez d'être déçu - vous ne pouvez pas simplement retirer une partie des travailleurs et les remplacer par des robots », a-t-elle dit.
Le professeur Wu exhorte également les organisations à mettre en place un plan de recyclage. « Il est probable que de nouveaux types de travail moyennement qualifié puissent être créés, par exemple, pour aider à construire des robots de réparation et de formation », dit-elle. Wu encourage également une réflexion plus créative et visionnaire lorsqu'il s'agit d'introduire l'IA et la robotique dans le flux de travail.
Source : Wharton School
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Ce sont les cadres, et non les travailleurs, qui perdent leur emploi à cause de l'IA et des robots,
Grâce aux vastes gains d'efficacité introduits dans des processus qui nécessitaient la supervision
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Le , par Stan Adkens
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