Une IA nommée DABUS, a été créée par Stephen Thaler, directeur général de Imagination Engines. Elle est décrite comme une « intelligence artificielle connexionniste », c’est-à-dire « qu'elle repose sur un système de plusieurs réseaux neuronaux capable de générer des idées en modifiant leurs interconnexions. Un second système de réseaux neuronaux analyse les conséquences critiques de ces idées et les renforce au regard des prédictions ».
Ces idées générées par l'IA on fait l'objet de demandes de brevets qui ont été soumises en août dernier au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Europe par l'équipe du projet Inventeurs Artificiels, dirigée par le professeur Ryan Abbott de l'Université du Surrey, au Royaume-Uni.
Il s'agit précisément de deux brevets :
- le numéro EP 18 275 163 porte sur un type de récipient pour boissons basé sur la géométrie fractale ;
- le numéro EP 18 275 174 se focalise sur un dispositif embarquant une lumière vacillante pour attirer l’attention pendant des opérations de recherche et de sauvetage.
L'équipe du projet Inventeurs Artificiels soutient que :
« Dans le cas de ces inventions, la machine n'a été entraînée que dans la connaissance générale de ces champs et a procédé indépendamment à la conception de l'invention afin de l'identifier comme nouvelle et pertinente. Si un entraînement similaire était donné à un étudiant, c'est ledit étudiant et non celui qui l'a enseigné qui aurait eu la possibilité de bénéficier de la paternité de l'invention.
« Dans certains cas des inventions de la machine, une personne physique pourrait en prendre le crédit parce qu'elle a démontré de ces capacités dans la création d'un programme qui résout un problème particulier, dans la sélection méticuleuse des données à fournir à la machine ou dans l'identification des résultats apportés par la machine qui pourrait être vus comme des inventions. Toutefois, dans le cas d'espèce, DABUS n'a pas été créé pour résoudre un problème particulier, il n'a pas été entraîné avec des données spéciales appropriées aux inventions actuelles et la machine, au lieu d'une personne, a identifié la nouveauté et la pertinence des inventions actuelles ».
Et d'estimer que « les conclusions de machines autonomes inventives devraient être brevetables si elles sont conformes aux conditions requises par la loi. La raison première des lois sur les brevets est d'inciter à l'innovation, en plus d'inciter à la divulgation d'informations, à la commercialisation et au développement des inventions. Permettre aux machines de détenir des brevets incite au développement de machines inventives, ce qui contribue à l'innovation. Dans la mesure où les brevets incitent à la commercialisation et à la divulgation d'informations, il n'y a pas de changement à cette fonction qu'il s'agisse d'un humain ou d'une machine génératrice d'invention. Refuser d'accorder des brevets aux machines inventives pour leurs conclusions représente une menace pour le système de brevets puisqu'il ne va plus encourager à la production d'inventions avec des valeurs sociales. Ceci sera particulièrement important tandis que les intelligences artificielles deviennent de plus en plus sophistiquées et seront probablement le standard de futurs R&D industriels ».
Et pour ceux qui estiment que l'invention d'une machine autonome devrait être attribuée au créateur de la machine, l'équipe précise que, dans le cas d'espèce, le créateur ne peut pas s'octroyer du crédit pour les inventions de la machine dans la mesure où il n'a pas contribué aux résultats apportés par la machine : « DABUS a effectué ce qui est traditionnellement connu comme étant la partie intellectuelle de l'acte d'invention. Sur la base de ses inventions, une personne douée pourrait la faire passer de théorie à pratique. S'approprier à tort le bénéfice de cette invention pourrait lui faire risquer des peines criminelles ».
Néanmoins, dans une décision qui pourrait faire jurisprudence, l'Office européen des brevets a indiqué « qu'après avoir entendu les arguments du demandeur dans une procédure orale non publique le 25 novembre, l'OEB a refusé les brevets EP 18 275 163 et EP 18 275 174 au motif qu'ils ne satisfont pas à l'exigence de la Convention sur les brevets selon laquelle un inventeur désigné dans la demande doit être un être humain et non une machine », précisant qu'une décision motivée pourrait être rendue dans le courant du mois de janvier.
L'IA peut-elle détenir les droits des contenus qu'elle crée ?
C'est une question qui semble avoir un écho international. En octobre, l'United States Patent and Trademark Office (USPTO) a publié un avis dans le registre fédéral indiquant qu'il sollicite des commentaires qui pourraient alimenter des changements à la loi sur le droit d'auteur. L'USPTO veut savoir si quelque chose qui est créé par la technologie de l'IA peut-elle être protégée par le droit d'auteur ? Et les créations d'IA peuvent-elles enfreindre les droits d'auteur d'autrui ?
La consultation publique commence par la question de savoir si la production de l'IA sans la participation créative d'un être humain devrait être considérée comme une œuvre d'auteur qui peut être protégée par la loi américaine sur le droit d'auteur. Il peut s'agir de tout type d’œuvre, y compris la musique, les images et les textes. Voici la question du Bureau : « Une œuvre produite par un algorithme ou un processus d'IA, sans la participation d'une personne physique contribuant à l'expression de l'œuvre résultante, devrait-elle être considérée comme une œuvre dont la paternité peut être protégée en vertu du droit d'auteur américain ? Pourquoi ou pourquoi pas ? »
Le Bureau, qui, entre autres, conseille le gouvernement sur le droit d'auteur, sait que la technologie et le code qui font fonctionner n'importe quelle IA reposent évidemment sur l'interaction humaine, mais la question de l'USPTO est destinée à soulever un débat animé. Étant donné que l'on s'attend à ce que de plus en plus de créations s'appuient fortement sur l'IA à l'avenir, le gouvernement américain demande des conseils sur ces questions.
Il se demande également si l'entreprise qui forme une IA devrait être propriétaire du travail qui en résulte et s'il est acceptable d'utiliser du matériel protégé par le droit d'auteur pour former une IA en premier lieu. « Faut-il reconnaître les auteurs pour ce type d'utilisation de leurs œuvres ? » demande le bureau. « Si oui, comment » ? Dans une autre question, le Bureau veut savoir quel genre de participation humaine est nécessaire pour pouvoir protéger de tels travaux par le droit d'auteur. Une autre question encore porte sur les violations possibles du droit d'auteur par une IA. Autrement dit, l'IA peut-elle être accusée de piraterie ?
À titre d’exemple, si une IA « décide » d'utiliser des centaines de pistes musicales pour en créer une nouvelle. Si c'est le cas, cela devrait-il simplement être autorisé dans le cadre d'une utilisation équitable, ou les auteurs originaux devraient-ils avoir le droit d'être indemnisés ?
Sources : Office européen des brevets, Inventeurs Artificiels
Et vous ?
Que pensez-vous de la décision de l'Office européen de brevet ?
Peut-on réellement parler de concepts créés par une IA ? Dans quelle mesure ?
L'IA devrait-elle pouvoir disposer de brevets ? Pourquoi ?
Sinon, qui devrait donc bénéficier des concepts qu'elle propose ?
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